Il y a quelques jours, on replongeait dans la fin de la saison 2006-2007 du Canadien de Montréal avec le regard de l'entraîneur de l'époque, Guy Carbonneau. Aujourd'hui, vivons cette déception à travers les yeux d'un joueur qui a eu mal, Steve Bégin.

Rapide rappel des faits. Le 7 avril 2007, contre les Maple Leafs de Toronto, le Canadien jouait sa saison. Les 81 autres matchs ne comptaient plus. Une victoire et le Canadien entrait en séries, une défaite et c'était la fin. Le Canadien a perdu 6-5.

En 2007, comme en 2019, le Canadien a été exclu des séries au dernier moment. Si les joueurs de l'édition actuelle du Canadien réagissent encore à chaud à cette élimination, Bégin a aujourd'hui le recul nécessaire pour mieux l'analyser.

«On ne parlait que de ce match, explique Bégin au bout du fil, en route vers Drummondville où il est entraîneur adjoint des Voltigeurs. D'un autre côté, en tant que professionnels, on ne voulait pas non plus l'approcher différemment. Tu sais quand c'est important. Tu ne veux pas te sortir de ton match pour ça. Le stress était plus élevé, mais j'adorais être stressé. J'avais une facilité à changer le stress en énergie. Mais la préparation reste la même. Au dernier match de la saison, ce n'est pas vrai que tu vas tout chambarder. Tout le monde était nerveux, mais tout le monde avait hâte de jouer.»

Bégin reconnaît toutefois qu'il y avait beaucoup d'argent «au tableau». C'est la tradition au hockey dans les matchs d'importance que les joueurs offrent un cadeau aux coéquipiers en cas de victoire. Pour reprendre ses mots exacts, «les gros chiffres avaient revolé».

Bégin a toujours été le type de joueur à tout laisser sur la glace. Dans ce match, il a distribué sept mises en échec, plus que quiconque. Même plus que Mike Komisarek dont c'était pourtant la spécialité. Conséquemment, la conclusion lui a longtemps pesé sur les épaules.

D'autant plus que les Leafs ont créé l'égalité 5-5 en début de troisième période... tandis qu'il était au banc des pénalités. Il tentait de dégager son territoire pendant un désavantage numérique lorsqu'il a atteint un adversaire au visage avec son bâton. 

«C'était difficile à prendre. J'ai passé un été difficile. Tu veux toujours aller plus loin. Tu joues toute l'année juste pour embarquer dans les séries. Puis au dernier match, tu es sorti. Il y en a pour qui c'est plus facile. Ils passent à autre chose rapidement, les valises sont prêtes et le petit train-train continue. Pour d'autres, c'est difficile. Je m'en suis voulu longtemps de cette pénalité. Ça m'a pris un certain temps pour m'en remettre.»

Oublier

S'il y a quelque chose de fascinant à parler de ce match avec Bégin, c'est qu'il en a oublié de grands bouts. Il avait le vague souvenir d'avoir laissé échapper une avance, ne se rappelait plus trop trop à quel moment il avait été puni. Il avait complètement enlevé de sa mémoire la mauvaise performance de Cristobal Huet et toute la saga du choix de gardien qui avait précédé le match. Vous nous direz que ça fait 12 ans, peut-être, mais Bégin y voit plutôt les effets de la mémoire sélective.

«Ce sont des matchs que tu essaies d'oublier. Tu m'as appelé pour me le faire rappeler. Merci, lance-t-il à la blague. Tu veux te souvenir des moments importants. Le négatif, tu essaies de t'en débarrasser. Mais c'est sûr qu'immédiatement après, puis dans les semaines qui suivent, c'est gravé dans ta mémoire. Tu veux passer à autre chose.» 

Et c'est là d'ailleurs l'essentiel de son propos. C'est aussi la leçon que pourront retenir les joueurs de l'édition actuelle du Canadien, qui ont vécu une amertume semblable à la sienne.

Le Canadien aura au moins eu l'occasion de mettre un baume sur la saison avec un dernier feu d'artifice, samedi soir dernier, contre les Maple Leafs. Dans ce match de 10 buts et presque 100 tirs au total, Ryan Poehling s'est révélé aux partisans montréalais. Il fait partie des espoirs intéressants qui poussent dans l'organisation. 

Tout le monde a quitté le Centre Bell le sourire aux lèvres, et les bilans ont été plus positifs qu'ils auraient pu l'être dans les circonstances. Il y a déjà une certaine curiosité pour la prochaine saison. Beaucoup plus qu'à pareille date l'an dernier en tout cas. 

«Comme je disais, comme joueur, tu veux passer à autre chose, ajoute Bégin. Une saison, c'est comme un long voyage. Tu veux l'entreprendre du bon pied. Le déclic doit se faire assez rapidement. Tu vas garder des souvenirs, mais tu dois t'en servir pour devenir meilleur, plus fort, et aller encore plus loin. Ça ne doit pas devenir un poids sur tes épaules pour t'enfoncer et te condamner à faire du surplace.» 

Le Canadien de 2006-2007 ne semblait pas promis à de très grandes choses, un peu comme c'était le cas cette année. Il s'était quand même battu jusqu'à la fin. La saison suivante, l'année de grâce d'Alex Kovalev, le Canadien a terminé au premier rang dans l'Est. Il a remporté 47 victoires, ce qu'il n'avait pas fait en 15 ans. Il a accédé au deuxième tour des séries.

La déception avait au fond servi de leçon. Peut-être que ce sera la même chose la saison prochaine.