Il y a maintenant 12 ans, presque jour pour jour, le Canadien de Montréal vivait une déception de fin de saison très semblable à celle qu'il a vécue hier. Dans un cas comme dans l'autre, les séries lui auront filé entre les doigts, par presque rien.

Retour au 7 avril 2007. Canadien contre Maple Leafs de Toronto. Dernier match de la saison.

C'est tout ou rien. Avec une victoire, le Canadien termine à 92 points et décroche la dernière place donnant accès aux séries dans l'Est. Avec une défaite, c'est la fin.

Puis, le cauchemar.

Remise en contexte. Guy Carbonneau en est à sa première saison comme entraîneur-chef du Canadien. Le match approchant, il doit faire un choix déchirant : confier le filet à Jaroslav Halak, gardien recrue qui a mené le Canadien à la porte des séries, ou à Cristobal Huet, le numéro un, qui a raté six semaines pour soigner une blessure à l'ischiojambier gauche. 

Le match d'avant, une défaite de 3-1 contre les Rangers de New York, Carbonneau avait envoyé Huet dans la mêlée en troisième période. Le gardien français s'était bien débrouillé. Il semblait bel et bien remis de sa blessure, les réflexes aiguisés. Carbo décide donc de faire confiance à son gardien le plus aguerri.

La décision se retourne contre le pilote. Huet est battu six fois, sur des tirs de loin, d'autres qu'il aurait dû arrêter. Le deuxième but des Leafs, celui de Nik Antropov, est marqué d'un tir d'une insoutenable lenteur qui glisse entre les jambières d'Huet. 

Le Canadien perd même une avance de deux buts en cédant trois fois sans riposte. Affreux. Le Tricolore est exclu des séries, au tout dernier match de la saison. 

« J'avais décidé de mettre Cristobal Huet à cause de son expérience. Ça ne s'est pas passé comme on voulait. On sentait les joueurs stressés, mais on s'était bien préparés. C'est toujours décevant de se rendre si près, mais de ne pas être capable de passer à la prochaine étape. » - Guy Carbonneau

Le contexte est différent aujourd'hui, mais la conclusion est la même. Une saison de dur labeur qui ne veut plus rien dire. On pourra toujours suggérer que le Canadien a mis la table pour la prochaine campagne, et c'est vrai. Mais à court terme, la cause est entendue, et on l'imagine, le verdict fait mal.

« Carbo » a vécu des déceptions des deux côtés du banc, comme joueur et comme entraîneur. Une saison est la somme de milliers de petits moments, de centaines de petites décisions. Et de toute évidence, c'est comme entraîneur qu'il a eu le plus mal. 

« Je me rappelle comme joueur, en 1985, on avait été éliminés par les Nordiques de Québec en prolongation [du septième match de la finale de division], dans un match au Forum de Montréal, a raconté Carbonneau lors d'une tournée médiatique pour Holiday Inn Express. Peter Stastny avait marqué et j'avais pris la mise en jeu. Cette défaite nous avait sortis des séries. »

Revoyez le match de 1985.

Il poursuit : « Mais après le match [contre Toronto en 2007], je me mettais beaucoup de fautes sur le dos comme entraîneur. J'ai pris ça personnellement. Ç'a été beaucoup plus difficile. En tant qu'entraîneur, tu as une responsabilité. Tu te poses beaucoup de questions. Est-ce que j'aurais dû mettre l'autre gardien ? Est-ce que j'aurais dû faire jouer tel joueur plus souvent ? Pourquoi j'ai mis ce joueur-là à ce moment-là ? Un million d'affaires te passent par la tête. C'est une déception et tu essaies de vivre avec et de tirer les leçons de ce qui s'est passé. » 

Passer à autre chose

Après la défaite, Carbonneau s'est mis à la recherche de solutions. Il a fait des recommandations à son patron, Bob Gainey, pour la saison suivante. Il a notamment suggéré d'envoyer des dépisteurs épier les matchs préparatoires des équipes que le Canadien allait affronter tôt en saison. L'idée étant de connaître un meilleur début, pour réduire la pression vers la fin. 

De fait, le Canadien avait une fiche de 9-3-3 après 15 matchs. L'équipe a même terminé la saison au premier rang dans l'Est. Cristobal Huet a été supplanté par Carey Price, puis échangé aux Capitals de Washington à la date limite des transactions. Le Canadien s'est finalement rendu au deuxième tour des séries. 

« Carbo » voit aussi un avenir radieux pour Claude Julien après une saison qui a de beaucoup excédé les attentes. 

« Beaucoup de joueurs ont connu de bonnes saisons, il y a eu de belles surprises. Jesperi Kotkaniemi a connu une belle saison même si on le sentait fatigué. Pour sa carrière, c'était la meilleure chose. Maintenant, reste à savoir si ces joueurs qui ont connu leur meilleure saison seront capables de la répéter. 

« Même si ç'a mieux été que l'an passé, une saison, c'est éprouvant physiquement et mentalement. Il faut prendre un certain recul pour te reposer, mais je ne suis pas inquiet. Claude est un entraîneur d'expérience. Redémarrer la machine va être plus facile parce qu'il a une meilleure idée de l'équipe qu'il dirige. Il part avec une longueur d'avance. »

Pour revenir à 2007, beaucoup d'eau a coulé sous les ponts depuis cette défaite cruelle contre les Maple Leafs. Carbonneau a eu des années pour ressasser ses décisions. Et comme on disait, une saison est faite de centaines de ces décisions. Donc, la question, pour finir : a-t-il regretté son choix de gardien pour ce match sans lendemain ?

« Tu prends une décision parce que tu penses que c'est la meilleure pour l'équipe. Par exemple, est-ce que Claude Julien aurait dû rentrer Nicolas Deslauriers contre les Capitals ? C'est toujours facile le lendemain. Quand tu prends ces décisions, c'est réfléchi. Puis une fois que tu l'as prise, tu vis avec. »