Il avait deux titres de champions en poche et s'en est fait souffler un troisième sous le nez l'an dernier, à la toute dernière course de la saison.

Hier, pourtant, les chronos de Fernando Alonso rappelaient davantage ses débuts en F1, dans la défunte écurie Minardi, que ses exploits de champion du monde. Il a signé le 17e meilleur chrono (ou le troisième pire, c'est selon) et a raté 45 précieuses minutes de la seconde séance d'essais libres après une sortie de piste au deuxième virage.

 

À voir l'Espagnol peiner autant, on ne pouvait s'empêcher de penser à la célèbre réplique de Molière dans Les fourberies de Scapin: «Mais que diable est-il allé faire dans cette galère?»

 

Pour dire vrai, rien ne va chez Renault. Alonso a beau se démener comme un diable au volant de sa citrouille, elle refuse toujours de se transformer en carrosse. Cette bagnole manque cruellement d'adhérence et au freinage, elle menace toujours d'aboutir dans l'herbe. «Cette voiture ne pardonne rien, a expliqué Denis Chevrier, directeur de l'exploitation moteur. On doit sans cesse la pousser tout près de la limite Par contre, s'il y a un jour pour essayer des choses, c'est bien le vendredi. Ce ne sera pas le temps de le faire (ce matin).»

 

Une tentative un peu trop risquée de la part de l'écurie a peut-être provoqué le tête-à-queue d'Alonso hier après-midi? «J'ai abordé le deuxième virage trop rapidement», a expliqué le pilote. Peu importe à qui revient la faute, l'écurie va en souffrir. Chaque minute d'essai est cruciale à Montréal, surtout depuis la disparition de l'antipatinage.

Malgré cette journée sombre, Alonso reste confiant. «Le résultat (d'hier) n'est pas fidèle à la réalité. Si on avait roulé toute la séance, nous aurions terminé en meilleure position. Je m'attends à un résultat assez semblable aux quatre dernières courses: nous pouvons nous qualifier en septième ou en huitième position sur la grille. Ensuite, nous devrons user d'une bonne stratégie en course et voir ce qui va arriver.»

 

Ce qui n'arrange guère les choses pour les Bleus, c'est que le coéquipier d'Alonso, Nelson Piquet fils, connaît une transition difficile en F1 (et c'est un euphémisme). Il n'a récolté aucun point en six courses et occupe l'avant-dernier rang au classement des pilotes. Certes, la Renault n'est pas parfaite, mais se faire damer le pion par des Force India et des Toro Rosso, c'est gênant.

 

Le directeur sportif de l'écurie, Steve Nielsen, a manifesté son impatience il y a quelques semaines et a déclaré que le Brésilien devait commencer à ouvrir les gaz. Dans l'impitoyable paddock, le nom de son possible remplaçant circule déjà: Anthony Davidson, au chômage depuis la mort prématurée de Super Aguri.

 

Hier, en conférence de presse, le directeur technique des Bleus, Pat Symonds, s'est montré plus conciliant. «On doit lui offrir du support. C'est facile de critiquer un pilote qui se retrouve dans une situation difficile. Mais les gens oublient que l'an dernier, Heikki (Kovalainen) a connu un début de saison catastrophique. Le samedi, à Montréal, il a sans doute vécu sa pire journée, avec deux gros accidents. Pourtant, le dimanche, il a terminé le Grand Prix en quatrième place. Et il n'a plus jamais regardé derrière. Il suffit souvent d'un bon résultat pour changer la donne.»

 

Le circuit Gilles-Villeneuve avait permis à la carrière de Kovalainen de prendre son envol. Piquet fils pourra-t-il en faire autant? Sur ce circuit où le freinage et l'appui aérodynamique sont cruciaux, les Renault semblent bien mal en point.

 

En attendant que l'écurie ne mette le doigt sur les nombreux bobos qui handicapent la bagnole, Alonso ronge son frein. Cette saison, il ne peut pas rêver à meilleur résultat qu'un podium.

 

Et l'an prochain? Hier encore, l'Espagnol a été pressé de questions sur son avenir. Pas de commentaires, comme toujours. Mais on sait une chose: sa cote n'a pas baissé dans le paddock. Les écuries - sauf McLaren, sans doute! - rêvent toujours autant de lui faire signer un contrat