Quand on lui demande quel regard elle jette sur sa carrière, deux ans après sa retraite du plongeon, Meaghan Benfeito hésite. « Je ne sais pas », laisse-t-elle entendre.

Benfeito n’a jamais été à la recherche d’attention. Par exemple, elle aurait très bien vécu avec le fait de ne pas faire l’annonce de sa retraite publiquement. Elle a pris huit mois, après les Jeux de Tokyo, avant de dévoiler le tout. Elle avait déjà tourné la page depuis plusieurs mois. « Ça va passer dans le beurre », s’était-elle dit. C’est le responsable de l’équipe nationale qui l’a convaincue d’en faire l’annonce officielle, au début d’avril 2022.

Évidemment, la retraite d’une triple médaillée olympique ne serait certainement pas « passée dans le beurre ». Mais cette anecdote illustre bien la personne qu’est Benfeito. Une athlète qui pratiquait son sport parce qu’elle en était une passionnée, simplement.

« Je ne suis pas quelqu’un qui… », commence-t-elle en faisant une pause.

Elle ne termine pas sa phrase, mais on devine qu’elle voulait dire qu’elle n’est pas quelqu’un qui se valorise par les médailles.

« Je l’ai fait parce que j’aimais ça, dit l’ex-plongeuse. J’ai toujours travaillé pour ce que j’ai eu. Je ne me suis pas juste fait donner des trucs comme ça. »

J’ai travaillé pour mes médailles, je me suis entraînée, j’ai été une tête dure en tabarouette. Même si mon coach me disait : “ça, c’est bon”, je trouvais tout le temps quelque chose à aller améliorer.

Meaghan Benfeito

« Je sais que j’ai accompli beaucoup. Je le sais. Mais ce n’est pas moi qui vais le dire. Même ici [au Deka CrossFit], parfois, il y a de nouvelles personnes, et elles disent : “Est-ce que je t’ai déjà vue quelque part ?” Je suis comme : “Je ne sais pas !” »

Pas de regret

Toujours est-il que la femme de 34 ans a connu une grande carrière sur les plongeoirs d’un bout à l’autre du monde. Cette carrière, elle ne s’est pas terminée exactement comme elle l’aurait voulu ; avec une 4place au synchro avec sa partenaire Caeli McKay, et une 13place au 10 m individuel aux Jeux de Tokyo.

« Ce sont les pires positions. Les pires. Mais en même temps, j’aurais pu ne pas être là. Avec tout ce qui est arrivé… La pandémie, le feu… »

La plongeuse a en effet traversé deux années difficiles avant les Jeux, marquées par la pandémie, l’incendie de son condo, une blessure chronique à un coude, la mort de ses deux grands-mères et d’un grand-père. Sans compter que sa partenaire Caeli McKay s’est déchiré des ligaments d’une cheville à quatre semaines des Jeux.

PHOTO BERNARD BRAULT, ARCHIVES LA PRESSE

Meaghan Benfeito et Caeli McKay lors de l’épreuve de plongeon synchronisé des Jeux olympiques de Tokyo, en juillet 2021

« Déjà, d’avoir été là, j’ai fait ce que je pouvais avec ce que j’avais. »

« J’étais bien avec le fait que je ne retournais pas nécessairement faire des plongeons. Je ne sais même pas si je l’ai déjà dit, mais après m’être perdue dans les airs lors de mon premier plongeon de ma demi-finale, il y a une partie de moi qui se disait : yes, je n’ai pas à le refaire.

« J’étais comme en paix avec le fait que… Je n’ai pas fini comme j’aurais voulu finir, mais en même temps, j’ai tout donné. J’ai tout laissé dans la piscine. Je suis contente d’avoir poussé jusqu’au bout. Pas de regret. C’est une des raisons pour lesquelles j’étais correcte de passer à autre chose. »

Des émotions uniques

Deux ans après sa retraite, Benfeito regarde « toujours, toujours ! » les compétitions de plongeon. Elle les fait même jouer sur l’écran du Deka CrossFit pendant ses cours.

À plusieurs reprises, l’ex-olympienne a écrit sur ses réseaux sociaux que la compétition lui manquait – mais « pas nécessairement de [se] lancer en bas du 10 m », lâche-t-elle.

« Mon chum me le demande souvent : y retournerais-tu ? Si tu me donnes du temps, je pourrais retourner au 10 m. Je n’ai pas peur du 10 m. C’est d’aller te préparer comme il faut… C’est toute cette préparation-là [qui était dure]. Je serais capable de le refaire, mais est-ce que j’ai la mentalité de toujours vouloir m’améliorer ? J’en ai fait assez, je pense ! »

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Meaghan Benfeito s’élance de la tour de 10 m dans le cadre des Jeux olympiques de Tokyo, en août 2021.

« Je sais que je ne veux pas y retourner, mais en même temps, il n’y a rien qui va arriver proche de ce qu’on vit quand on est athlète. »

Quand je parle avec des athlètes qui sont plus jeunes, surtout en plongeon, je leur dis : plonge le plus longtemps que tu peux parce qu’après ça, il n’y a rien qui va être un mini peu proche de ce que tu vis quand tu es athlète.

Meaghan Benfeito

Benfeito s’ennuie de « la gang », des rivaux devenus famille avec qui elle garde contact, comme McKay et la Québécoise Pamela Ware. « Il y en a beaucoup qui ne sont plus là, mais ils sont tous devenus coach, team manager ou juge. Ils sont quand même là. Roseline [Filion, son ancienne partenaire et bonne amie] est analyste. »

Benfeito écarte la possibilité d’œuvrer dans les médias, mais elle ne ferme pas la porte à occuper un jour un rôle au sein de Plongeon Canada.

« On en a déjà parlé, évoque-t-elle. […] Peut-être dans les prochaines années. Je suis partie du plongeon en aimant ça encore. Je ne détestais pas ça. Je n’étais pas tannée. J’aimais ça et je pense que c’est pour ça que j’ai cette relation-là, saine, avec le sport. Je ne veux juste pas être entraîneuse. »

Quand on évoque les Jeux de Paris, Benfeito esquisse un sourire nostalgique en feignant de pleurer. « Tout le monde va être là-bas, et je vais juste être comme : [pleurs]. »

Chose certaine, elle sera devant sa télévision pour regarder ce sport qui lui a tant apporté et qui la passionnera toujours. « Ça risque de faire un pincement. […] Il n’y a rien, dans la vie d’adulte, qui accote ça. »