« Que tu veuilles être plongeur ou aller à l’école pour devenir médecin, c’est la même affaire : il faut que tu aimes ce que tu fais. Ça, ça m’a pris du temps à le réaliser », lâche Meaghan Benfeito. Aujourd’hui, c’est ce qu’elle tente d’inculquer aux enfants et aux adolescents qu’elle a sous son aile au Deka CrossFit.

Nous voici entre les murs du Deka CrossFit, à Blainville, lieu de travail de Benfeito depuis environ six mois. Sa patronne et amie, Carianne Meti, nous laisse généreusement son bureau le temps de notre entretien. En bruit de fond de notre conversation : la musique énergique de la salle de sport et les poids qui tombent lourdement au sol.

Près de deux ans après sa retraite, Benfeito affiche le même sourire éclatant et la même énergie qu’on lui connaît. Le contraire aurait été surprenant ; l’ex-olympienne occupe un emploi qu’elle adore, après une fabuleuse carrière sur les tremplins, et elle porte en elle son premier enfant. Sous son coton ouaté se cache en effet une bedaine de 23 semaines. Petit garçon ou petite fille ? « Je ne veux pas le savoir ! », s’exclame-t-elle.

« Ce n’était pas planifié. Je voulais vraiment essayer de finir l’école. Finalement, j’ai fini et je me suis dit : si ça arrive, ça arrive. […] Je trouve ça le fun de travailler dans un gym parce que je peux continuer à m’entraîner. J’ai du monde incroyable qui m’entoure. »

Cette « école » dont parle Benfeito, c’est son attestation d’études collégiales (AEC) en techniques d’éducation à l’enfance, qu’elle a entamée en avril 2022. À l’époque, elle venait d’annoncer sa retraite publiquement, mais elle avait déjà arrêté de plonger depuis les Jeux olympiques de Tokyo, quelque huit mois plus tôt.

Dans les mois qui ont suivi les Jeux, la sympathique femme s’est questionnée sur la suite de sa carrière : « Est-ce que c’est vraiment ça que je veux ? », « Est-ce que j’ai encore ça en moi ? »… De septembre à décembre 2021, elle a suivi son partenaire, le footballeur Alexandre Dupuis, en Saskatchewan, où elle a été entraîneuse de plongeon. Une expérience qu’elle n’a pas particulièrement appréciée.

« Passée à autre chose »

Benfeito a deux sœurs qui sont jumelles, Alicia et Chelsea, de six ans ses cadettes. Les frangines, toutes trois passionnées de la petite enfance, ont toujours rêvé d’un jour ouvrir leur propre garderie. En janvier 2022, un poste s’est libéré dans la garderie où une des deux jumelles travaillait. Meaghan s’est donc jointe à l’équipe. Travailler avec une d’entre elles était le premier pas vers un plus grand objectif.

Ainsi, quand elle a annoncé sa retraite, le 6 avril 2022, Benfeito était déjà « passée à autre chose ».

Elle a passé l’année suivante à travailler à la garderie. Comme c’était ce qu’elle avait toujours voulu faire, la native de Laval croyait avoir trouvé sa nouvelle carrière. Sauf que voilà : parfois, la vie nous réserve des surprises.

« J’ai vraiment aimé ça, c’est juste que ça ne bougeait pas assez », dit-elle.

J’aime ça quand les enfants accomplissent quelque chose, qu’ils bougent. C’est tellement important. Ils ont besoin de bouger, de dépenser de l’énergie. Je ne retrouvais pas ça à la garderie. C’était comme une routine.

Meaghan Benfeito

Entre-temps, Benfeito avait commencé à donner des cours pour enfants les jeudis et samedis au Deka CrossFit. « On dirait que ça m’a vraiment plus attirée », raconte-t-elle.

PHOTO CHARLES WILLIAM PELLETIER, COLLABORATION SPÉCIALE

L’ex-olympienne Meaghan Benfeito entraîne des groupes de jeunes âgés de 2 à 16 ans.

Ainsi, quand l’offre est venue d’enseigner le CrossFit à temps plein aux enfants et aux élèves en sport-études snowboard, elle ne pouvait pas dire non. Même si ça signifiait faire de la peine, non sans difficulté, à ses sœurs. Après tout, il y aurait toujours la possibilité de revenir un jour.

Le plaisir

Depuis septembre, Benfeito entraîne donc des groupes de jeunes âgés de 2 à 16 ans. Et ça ne prend pas la tête à Papineau pour comprendre qu’elle s’épanouit dans son nouvel emploi.

« Autant ça peut être tannant, un enfant, c’est tellement le fun ! lance-t-elle en riant. C’est beau de voir quand ils accomplissent quelque chose et qu’ils se forcent, qu’ils travaillent. »

Auprès de ses élèves, à qui elle voue une sincère affection, Benfeito insiste notamment sur la communication, elle qui en a « toujours eu une bonne avec tous les coachs » qu’elle a connus.

« Autant tu peux détester ton entraîneur une journée, c’est quand même la personne la plus importante dans ta carrière. Aujourd’hui, ils sont capables de me parler, par exemple si ç’a moins bien été dans une compétition. »

En tant qu’athlète de haut niveau et triple médaillée olympique, Benfeito a vécu toutes sortes de choses. Elle a aussi appris nombre de leçons de vie. La plus importante d’entre elles, qu’elle a pris « du temps à réaliser », demeure d’« aimer ce que tu fais » avant toute chose.

Aujourd’hui, c’est le message qu’elle souhaite transmettre à ses élèves, surtout ceux en sport-études.

« Au début, j’étais un peu stressée. C’était toujours : on n’est pas bons, on fait ça parce que c’est un passe-temps, on est en sport-études parce qu’on finit l’école à midi… Aujourd’hui, si tu leur poses des questions, c’est : je veux monter sur le podium, je veux gagner, je veux faire des runs plus difficiles, je veux être membre de l’Équipe Québec. Tu ne peux pas changer quelqu’un, mais tu peux aller jouer dans son mindset. »

« Autant ça peut être difficile ; tu vas vouloir pleurer, tu vas vouloir abandonner. Que tu joues au hockey, que tu fasses du plongeon ou que tu sois un haltérophile, il faut que tu aimes ce que tu fais. »

Une leçon qu’elle applique, de toute évidence, elle-même encore à ce jour.