En dépit du fait qu’elle n’a jamais remporté l’or aux Jeux olympiques ni aux Championnats du monde, Ellie Black est tout de même considérée comme la plus grande gymnaste de l’histoire du Canada. Comme si son héritage devait être façonné au-delà des récompenses.

Black aura l’occasion de mettre fin à sa disette olympique à l’occasion de ses quatrièmes Jeux, l’été prochain, à Paris.

Même si ses trois premières expériences auront été peu fructueuses, elle a tout de même connu les podiums, en vertu de ses 3 médailles gagnées aux Mondiaux, de ses 6 médailles aux Jeux du Commonwealth et de ses 10 médailles aux Jeux panaméricains. Plusieurs de ces réalisations auront été des moments d’anthologie dans l’histoire de la gymnastique canadienne.

Néanmoins, pour une athlète considérée pratiquement comme une légende vivante dans son milieu, il manque un peu de doré à son curriculum vitæ.

« Les médailles font partie du sport et ça récompense nos efforts », a-t-elle insisté lors d’un entretien téléphonique avec La Presse.

Mais dans un environnement où le succès se définit par les décorations et les distinctions, Black se concentre surtout à attiser le feu au bout du flambeau qu’elle passera à ses coéquipières le moment venu.

« Le vrai succès, c’est la personne que tu es, les valeurs que tu prônes et ce que tu es capable de donner à ton sport. L’héritage d’un athlète ne devrait pas être fondé uniquement sur ses médailles. »

Donner aux suivantes

Ellie Black était âgée de 16 ans lorsqu’elle a participé à ses premiers Jeux olympiques, à Londres, en 2012. Elle aura néanmoins été une pièce maîtresse de la formation nationale ayant terminé au cinquième rang, le meilleur résultat de l’histoire du Canada à l’épreuve par équipe.

Douze ans plus tard, elle est la grande leader d’une délégation assurée de participer aux prochains Jeux depuis les Mondiaux de 2022, résultat d’une médaille de bronze acquise à Liverpool. L’âge de ses coéquipières l’ayant accompagnée dans cette conquête varie entre 18 et 24 ans. Aucune ne peut revendiquer autant d’expérience que Black sur la scène internationale.

PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, ARCHIVES LA PRESSE

Ellie Black

« Il faut mener par l’exemple et outiller mes coéquipières pour mieux réussir. Ultimement, je suis dans une phase où je veux redonner, aider le système et ouvrir la voie pour les prochaines générations de gymnastes », répond-elle lorsqu’on lui demande de définir les grandes qualités dont doit être doté un bon meneur de troupes.

L’idée, ce n’est pas de mettre de la pression, mais de les inspirer le plus possible pour qu’elles aient à leur tour la confiance de pouvoir être les meilleures au monde.

Ellie Black

En route vers Paris

Black sera en action à Montréal, du 7 au 10 mars, dans le cadre de l’International Gymnix, une compétition faisant partie du processus de sélection olympique.

Chaque jour la rapproche un peu plus de Paris. Comme tous les Olympiens en cette année charnière, chaque décision de la gymnaste est orientée autour des Jeux.

« Je suis déjà passée à travers le processus olympique, donc je sais à quoi m’attendre, mais chaque cycle est différent. Actuellement, c’est surtout de la préparation pour arriver à être la meilleure version de moi-même une fois aux Jeux. »

Toutefois, elle s’est heurtée à un mur lors de la dernière compétition d’envergure à laquelle elle a participé. Au concours complet des Championnats du monde d’Anvers, en octobre, l’athlète de Halifax a pris le 16rang, malgré un début de compétition impeccable.

Sans l’avoir nécessairement déstabilisée, cette claque au visage a servi de « rappel », explique-t-elle.

Elle a surtout vu très peu d’action en 2023, car elle se remettait d’une énième intervention à une cheville, subie en février. « J’ai réalisé que j’avais besoin d’un peu plus de temps, de constance, d’entraînements et de compétitions. Mais cette prise d’information m’a permis d’arriver dans cette année olympique mieux préparée. »

De Halifax à Houston

Cette préparation a été quelque peu bonifiée au cours des dernières semaines, notamment grâce à un passage au club de Simone Biles à Houston, au Texas, au début du mois.

PHOTO TIRÉE DU COMPTE INSTAGRAM D’ELLIE BLACK

Les gymnastes Ellie Black et Simone Biles à l’entraînement

Cette même Simone Biles qui a empêché Black de grimper sur le podium aux Jeux de Tokyo à l’épreuve de la poutre. La Canadienne avait terminé au pied du podium, 0,134 point derrière l’Américaine.

Néanmoins, la complicité entre Ellie Black et la gymnaste la plus prolifique de sa génération est au beau fixe, assure-t-elle : « Cette collaboration entre les pays est devenue de plus en plus commune, surtout en gymnastique. C’est devenu très important. J’ai plusieurs amies dans les autres équipes. »

En fait, personne n’oserait décliner une invitation de Biles. Ce serait comme refuser une descente avec Mikaela Shiffrin ou rejeter un échange avec Serena Williams. « Le fait de s’entraîner avec d’autres athlètes, dans un autre établissement, avec d’autres paramètres, dans un autre environnement, pour voir comment eux s’entraînent, c’est vraiment chouette. C’est bon pour la motivation ! »

Les mois à venir seront « plus stressants et intenses » pour Black. D’ici son arrivée dans l’Hexagone, sa préparation, mais surtout sa capacité à s’économiser, sera primordiale.

Avec son lourd historique de blessures, l’objectif ultime consiste à se présenter aux Jeux en santé et en paix avec elle-même, car une part de son héritage sera à l’enjeu dans la pyramide de l’aréna Bercy. Un legs assurément défini par la visibilité et l’accessibilité dont elle aura fait cadeau à sa discipline. Et peut-être, enfin, par une médaille olympique.