La rubrique où les journalistes de l’équipe des Sports de La Presse répondent à une question dans le plaisir.

Simon-Olivier Lorange

Ce n’est pas tant une expression qu’une formulation : celle faisant appel au « tu » collectif. « Si tu accordes deux buts en début de match, tu vas te retrouver dans le trouble. » « Tu ne peux pas échapper l’avance trois fois et espérer gagner. » Vous avez compris où on s’en va avec ça. C’est un emprunt évident à l’anglais, qui n’a pas le pronom indéfini « on » sur lequel se rabattre comme en français. Dans un monde idéal, pour nos articles, nous transformons le « tu » en « on ». « On ne peut pas échapper l’avance trois fois et espérer gagner. » C’est nettement plus harmonieux, encore qu’on ne puisse pas le faire systématiquement – nous ne voulons pas non plus modifier l’essence des propos de l’interlocuteur. Mais puisqu’on parle des expressions, mes deux coups de cœur avec l’emploi du « tu » : « Si tu t’appelles... » et « tu te dois... ». Idéalement utilisées ensemble : « Si tu t’appelles Nick Suzuki, tu te dois de tirer plus souvent vers le filet. » Tu ne peux pas ne pas aimer ça.

Guillaume Lefrançois

Le vocabulaire sportif est pollué par des calques de l’anglais. Certains, comme « dur à jouer contre », sont assez évidents pour ne pas être repris ailleurs. Mais « éthique de travail », traduction un peu trop directe de work ethic, circule abondamment sans qu’on puisse trop s’expliquer pourquoi. Nos amis d’Antidote définissent l’éthique comme « l’ensemble des règles de conduite propres à une société, à un groupe », et aussi comme une « branche de la philosophie qui étudie les fondements des mœurs et de la morale ». Bref, rien ici qui décrit les heures que passe Sidney Crosby dans la salle de musculation dans son entraînement estival. Nos collègues à la révision nous suggèrent « bonnes habitudes de travail » ; chez nos amis de Radio-Canada (on a des amis partout, c’est mieux qu’avoir des ennemis), on nous propose « discipline, ardeur au travail ». Il existe plusieurs options pour éviter de calquer l’anglais.

Mathias Brunet

PHOTO PHELAN M. EBENHACK, ARCHIVES ASSOCIATED PRESS

Gabriel Landeskog, de l’Avalanche du Colorado, soulève la coupe Stanley le 26 juin dernier.

Il y en aurait mille, mais l’expression « grande finale » m’agace particulièrement. L’Avalanche et le Lightning se sont affrontés en « finale » de la Coupe Stanley l’an dernier, pas en « grande finale », parce qu’il existe une seule finale pour le premier prix. Le nom « finale » devrait suffire à nous rappeler le caractère héroïque de cette réalisation sans pour autant ajouter de superlatif. Il y a évidemment, dans certains cas, un match pour la médaille de bronze ou une finale de consolation, une finale pour la troisième place ou même à la limite une petite finale. Mais merci d’épurer « finale ». Point final.

Richard Labbé

Ce qu’il y a de fabuleux avec le monde du sport, entre autres, c’est qu’on peut y dénicher des perles de philosophie évidentes. Par exemple, un joueur qui est victime d’une « vilaine grippe » tombe inévitablement au combat, car personne n’a jamais attrapé une grippe agréable. Dans cette voie, il y a le concept du match qui serait « sans lendemain ». De mémoire, n’était-ce pas Horace qui avait évoqué l’importance de cueillir le jour présent sans se soucier du lendemain, ou quelque chose du genre ? Mais vos joueurs favoris ne mangent pas de ce pain-là. Ainsi, il faut « tout donner », « tout laisser sur la glace » (ou sur le terrain), comme si chaque match était le dernier. Ce qui nous mène aux lendemains qui chantent, ou pas, car s’ils n’existent pas, ils ne peuvent pas chanter. Dans cette réalité, une défaite cruelle, par exemple dans le cadre d’un septième match, reviendrait à un genre d’apocalypse sportive, parce qu’il n’y aurait plus rien par la suite. Ce qui est faux, comme on le sait, parce qu’il est primordial de « préparer le prochain match ». Et comment peut-il y avoir de prochain match s’il n’y a pas de lendemain ? On vous le demande.

Justin Vézina

PHOTO DOMINICK GRAVEL, ARCHIVES LA PRESSE

À quand un « tir avec avertissement » de Cole Caufield ?

Je sais qu’au sein de ma garde rapprochée, l’expression « vice-champion » pour désigner un athlète qui termine sur la deuxième marche du podium donne de l’urticaire. Toutefois, personnellement, c’est l’expression « un tir sans avertissement » qui décroche la palme. Je comprends qu’il ne faut pas prendre cette expression au pied de la lettre et que le joueur a rapidement décoché son tir. Mais s’il y a des tirs sans avertissement, il y a donc des tirs avec avertissement. Et cette notion me fait rire chaque fois. Je me dis qu’un beau jour, Cole Caufield va crier avant de prendre un bon tir frappé et le commentateur pourra enfin dire : « Un tir avec avertissement de Caufield surprend le gardien. » Mon rêve.

Nicholas Richard

Je n’ai pas choisi une expression à proprement dit, mais plutôt une manière de nommer. Dans le jargon sportif écrit ou parlé, une chose me chicote, et ce, depuis un sacré bail, mais encore plus pendant les derniers Jeux olympiques de Tokyo. Pendant plusieurs semaines, il a été question de « la médaille d’or de l’équipe canadienne de soccer féminin ». Or, il s’agit plutôt de « l’équipe féminine canadienne de soccer ». Parce qu’en soi, l’équipe est genrée, elle est soit féminine ou masculine. Le sport, lui, est non genré. Il n’y a pas de soccer féminin ou de soccer masculin. Du soccer, c’est du soccer ! Même chose au hockey, où « le hockey féminin » est largement utilisé, tandis que ce qui varie, c’est le genre de l’équipe, et non le hockey.

Jean-François Tremblay

J’ai développé avec le temps plusieurs haines viscérales de certaines expressions. Je déteste avec une passion malsaine les participes présents ou les conjonctions qui suivent des virgules, par exemple. Mais rien ne me fait frissonner le corps plus que « vibrer les cordages » ou toute déclinaison de l’utilisation du mot « cordage », ou « scintiller la lumière rouge ». En fait, j’ai horreur de chaque expression utilisée 10 000 fois pour exprimer une action facile à exprimer d’une autre manière. Bref, il faut se forcer un peu. Je sais que mon insistance fait en sorte que certains se retrouvent avec un syndrome de la page blanche à essayer de trouver une nouvelle manière de dire la même chose, mais au bout du compte, les textes sont plus amusants à lire. Pour moi et pour vous.

Appel à tous

Et vous, quelle expression utilisée dans la couverture sportive vous irrite le plus et pourquoi ?

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