Des « divergences stratégiques ». Un « manque de consensus ». Un « recul » nécessaire « pour mieux avancer ».

Voilà comment le président du CF Montréal, Gabriel Gervais, a justifié le divorce avec son directeur sportif et VP, Olivier Renard, vendredi matin.

Gervais, qui assumera la direction sportive à titre intérimaire jusqu’à nouvel ordre, s’est entretenu avec les médias dans le cadre d’une conférence de presse d’une vingtaine de minutes, au Centre Nutrilait. Elle a été courte, dans les circonstances, alors que les questions étaient nombreuses.

Et elles n’ont pas toutes reçu de réponse claire.

Vassili Cremanzidis, l’ancien adjoint et ami d’Olivier Renard, est-il encore employé du CFM ? S’il y a bien quelqu’un qui aurait pu prendre les rênes de la direction sportive, du moins temporairement, c’est lui. Au courant de tous les dossiers, c’est Cremanzidis qui gère avec minutie la masse salariale de l’équipe depuis 2020.

« Aux dernières informations, Vassili fait partie de notre organisation », a-t-il indiqué. Des mots qui ne donnent pas le sentiment tangible que Cremanzidis restera bien longtemps encore.

En anglais, Gervais a ajouté qu’il voulait « étudier de fond en comble l’organisation sportive, [y compris] l’académie », ainsi que « redéfinir la meilleure structure pour l’avenir ».

Pour l’instant, Vassili [Cremanzidis] est un membre clé de notre équipe, il a beaucoup de valeur. J’espère qu’il fera partie de notre structure dans le futur.

Gabriel Gervais, président du CF Montréal

D’ailleurs, Cremanzidis n’était pas présent, vendredi matin. Pour ce que ça vaut, La Presse l’a vu au côté d’Olivier Renard, mercredi soir, au complexe Claude-Robillard. Les deux hommes assistaient à la rencontre du CS Saint-Laurent. L’annonce du divorce n’était pas encore officialisée à ce moment.

Nous n’avons pas su, non plus, quelles étaient les raisons précises qui ont mené auxdites « divergences » entre le club et Renard.

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Olivier Renard, ex-directeur sportif du CF Montréal

« Je ne vais rentrer dans aucun détail de dossiers confidentiels », s’est borné à dire Gervais.

Je peux vous dire, peut-être à travers des décisions, que ce soit le fonctionnement du département [sportif], de la structure organisationnelle, ou oui, le choix des joueurs, c’est vraiment dans les derniers temps qu’il y a eu plus de divergences de ce côté-là.

Gabriel Gervais

Dans les « derniers temps », il y a eu le cas Mathieu Choinière, qui a demandé un échange après des négociations pour une prolongation de contrat – et, de toute évidence, une hausse salariale – qui ont achoppé avec le CFM. Pourquoi le club n’a-t-il pas voulu, pour l’instant, acquiescer aux demandes du meilleur joueur de l’équipe l’an dernier, québécois qui plus est ?

« Je ne ferai aucun commentaire sur des dossiers confidentiels ou des rumeurs, répète Gervais. Mathieu Choinière est un joueur important pour nous. Le coach peut compter sur lui, on l’a vu. Je vous rappelle que Mathieu est sous contrat pour encore 19, 20 mois. Nous, on ne négocie pas publiquement. »

Nous cherchons ensuite à comprendre un peu plus pourquoi un joueur local avec de telles performances depuis au moins un an et demi n’a pas été revalorisé depuis son ascension dans l’échiquier de l’équipe sénior. Le club sous-estime-t-il les joueurs d’ici lorsque vient le temps de les payer ?

« Les Québécois sont très valorisés et sont importants, rétorque le président, agacé. Je suis québécois. Je fais partie de l’organisation. J’ai joué pour le club. Les Québécois ne sont pas dévalorisés. »

Qui prend les décisions ?

Au plus fort de cette crise, il a été question de la structure hiérarchique qui a été instaurée entre le directeur sportif, le président et le conseil d’administration présidé par le propriétaire Joey Saputo.

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Joey Saputo, propriétaire du CF Montréal

Si Olivier Renard était prêt à offrir le contrat désiré à Mathieu Choinière, mais qu’il n’a pas eu les coudées franches pour le faire, qui prend réellement les décisions sportives au CF Montréal ?

En théorie, Olivier Renard, à titre de VP, relevait de Gervais, qui présentait ensuite les projets sportifs au conseil d’administration.

Ultimement, je suis imputable de toutes les décisions.

Gabriel Gervais

« Quand vient le temps de prendre des décisions stratégiques, on a notre C.A., nos propriétaires que nous rencontrons fréquemment », a expliqué Gervais.

Dans une discussion avec La Presse en novembre dernier, le président disait rencontrer le C.A., dont Joey Saputo, tous les mois.

Gabriel Gervais n’y voit pas de problème.

« Moi, je suis de l’avis de se faire questionner, challenger à travers les décisions, avance-t-il. […] [Le tout], c’est d’avoir des discussions saines autour de ça. Je ne le vois pas comme négatif. Je me sens bien dans mes décisions quand je suis appuyé par des gens avec des expériences différentes pour apporter le bon angle. C’est comme ça qu’on opère. C’est comme ça qu’on m’a présenté ma présidence quand je suis rentré. »

Un confrère demande si cette façon de faire s’applique même à des conversations sportives sur certains joueurs.

« Exactement. »

« Nous, notre patron, c’est Laurent Courtois »

Du reste, Gervais assure que la philosophie sportive n’est « d’aucune façon compromise », même malgré le départ de celui qui en a été son chef d’orchestre au cours des quatre dernières années.

Selon Samuel Piette, « Olivier a fait un très gros travail là-dessus », ajoutant que l’« identité de jeu » du CFM est « très bien définie ».

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Le capitaine du CF Montréal, Samuel Piette

Mais sinon, le départ du directeur sportif « ne concerne pas nécessairement » les joueurs, dit le capitaine.

Nous, notre patron, c’est Laurent Courtois. C’est lui qui décide comment on veut jouer, comment on est utilisés sur le terrain, quelle formation on doit jouer.

Samuel Piette

On demande à Piette si l’entraîneur a, d’une quelconque façon, tenu à protéger ses joueurs de la tempête qui a frappé le club cette semaine. C’est plutôt lui qui a lancé une idée.

« Moi, j’ai proposé d’aller à un de mes chalets tous ensemble ! Mais on avait un gros horaire. »

De son côté, Courtois dit ne pas avoir « la prétention de protéger qui que ce soit ».

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L’entraîneur-chef du CF Montréal, Laurent Courtois

« C’est juste : est-ce qu’on peut être nous-mêmes dans ce qu’on cherche à faire sur le terrain, et pas dépendre de facteurs. […] Mon focus, c’est les joueurs et le terrain. »

Il souligne néanmoins avoir vécu de la « déception » de voir partir celui qui lui avait donné sa première chance en tant qu’entraîneur-chef en MLS. Est-il inquiet pour son propre avenir ici ?

« Non, répond Courtois. Il y a une partie émotionnelle et ce qu’il a fait pour moi. Mais son but, c’était que je fasse avancer le club. J’ai envie de faire avancer le club. J’ai envie que les gars s’éclatent [ce samedi, contre Messi]. Et qu’ils soient eux-mêmes. »

Pour Piette, « ça fait partie du sport ».

« Je sais qu’à Montréal, il y a eu quelques changements, évidemment. Mais ça ne se fait pas juste à Montréal. Si je prends [l’Olympique de] Marseille, c’est un peu la même chose. »

La comparaison est bonne, quoique pas très flatteuse pour Montréal.

Laurent Courtois dit « avoir eu la chance ou la malchance de passer par deux, trois expériences » du genre en tant que joueur. « C’est toujours la même chose, c’est la perception des autres. »

Parce que de l’intérieur, ce qui importe selon lui, c’est de « prendre du plaisir » et d’« être sur le terrain ensemble ».

« C’est tout ce qui m’intéresse. »