Deux aventuriers viennent de réaliser la traversée intégrale du Québec, du sud au nord, à vélo et à ski, un trajet que personne n’avait encore concrétisé.

Le 28 avril dernier, Samuel Lalande-Markon et Simon-Pierre Goneau ont atteint le cap Anaulirvik (Wolstenholme) après un exigeant périple de trois mois sur 3000 kilomètres, dans des conditions météo difficiles.

« Pour moi, ça a été quelque chose de très chargé en émotion, commente Simon-Pierre Goneau. C’est un projet que j’avais dans la tête depuis cinq ans, c’était donc la réalisation d’un rêve. »

De son côté, Samuel Lalande-Markon s’est laissé subjuguer par le paysage.

« C’était vraiment le plus beau de toute notre traversée. »

PHOTO MARIE-FRANCE L’ÉCUYER, FOURNIE PAR TRANSBORÉALE 2023

Samuel Lalande-Markon et Simon-Pierre Goneau sont partis ensemble pour la deuxième partie du périple, à ski.

Samuel Lalande-Markon a une grande expérience des voyages épiques : en 2018, il avait relié Montréal à Kuujjuaq à vélo et en canot, une épopée de 31 jours avec David Désilets. En 2021, il avait fait équipe avec le même partenaire pour traverser la province dans un axe est-ouest, de Blanc-Sablon à la communauté crie de Waskaganish, au bord de la baie James.

Pour Simon-Pierre Goneau, il s’agit d’une première grande expédition, qu’il a concoctée après avoir découvert que le point le plus au sud du Québec se trouvait sur un terrain privé à hauteur de la borne 720, à la frontière canado-américaine. Avec la permission du propriétaire, il a entrepris sa traversée en 2020 à vélo. Malheureusement, de mauvaises conditions météo et la pandémie l’ont forcé à abandonner le projet à Chisasibi, sur la baie James.

Il a décidé de se reprendre cette année en partant de Chisasibi. Samuel Lalande-Markon l’y a rejoint en partant une quinzaine de jours plus tôt de la fameuse borne 720 en solo.

PHOTO MARIE-FRANCE L’ÉCUYER, FOURNIE PAR TRANSBORÉALE 2023

Les automobilistes étaient parfois hostiles pendant la portion à vélo.

C’était vraiment froid. Dans le sud du Québec, un froid de -32, c’est plus inconfortable que dans le nord, c’est très humide. La sloche gelait sur le bord de la 117, c’était dangereux. Et puis, je sentais une certaine hostilité de la part des automobilistes, ça n’a pas aidé.

Samuel Lalande-Markon

Ça a été un plaisir de rejoindre Simon-Pierre et de troquer le vélo pour les skis.

« Après une première section solo, c’était le fun de pouvoir arriver avec quelqu’un, raconte Samuel. Ça aidait énormément, tant psychologiquement que physiquement. »

Toutefois, la première semaine a été éprouvante, avec des conditions particulièrement froides, en bas de -30 °C. En outre, Simon-Pierre embarquait « à froid » dans l’expédition, alors que Samuel était déjà aguerri après deux semaines de dur labeur.

PHOTO MARIE-FRANCE L’ÉCUYER, FOURNIE PAR TRANSBORÉALE 2023

Samuel Lalande-Markon et Simon-Pierre Goneau ont frappé de très grands froids dès la première semaine en ski.

Les deux aventuriers ont suivi la côte de la baie James et de la baie d’Hudson, essentiellement sur la banquise jusqu’à Inukjuak, puis sur la terre ferme jusqu’à Ivujivik.

Il a fallu faire un petit détour dans les terres dans le parc Tursujuq pour éviter un goulet qui ne gèle pratiquement jamais.

« On nous a recommandé de remonter par une espèce de petite vallée qui a encore des arbres, raconte Samuel. C’était fantastique comme expérience de passer par là, même si ça a été les deux jours les plus difficiles de l’expédition en termes de progression. »

PHOTO MARIE-FRANCE L’ÉCUYER, FOURNIE PAR TRANSBORÉALE 2023

Le parc Tursujuq, une des belles sections de la traversée.

En chemin, les deux aventuriers ont pu se ravitailler tous les 6 à 11 jours dans des communautés cries et inuites.

« Ça permettait de briser le challenge en petites bouchées, raconte Simon-Pierre. On essayait d’en prendre une à la fois. »

Les aventuriers y ont fait de belles rencontres, ils ont notamment parlé aux jeunes dans les écoles.

PHOTO MARIE-FRANCE L’ÉCUYER, FOURNIE PAR TRANSBORÉALE 2023

Simon-Pierre Goneau et Samuel Lalande-Markon ont rencontré un groupe d’aînés à Chisasibi.

« C’est un immense privilège, commente Samuel. Les rencontres se faisaient beaucoup aussi sur le land, en général une ou deux journées avant d’arriver dans chacune des communautés ou en partant. On croisait des Inuits en motoneige, qui souvent nous donnaient de la viande qu’on mangeait sous la tente. »

Il reste qu’une expédition hivernale demeure particulièrement difficile.

« Il faut travailler tout le temps, il n’y a pas de moment de flottement, contrairement aux expéditions d’été, où on peut avoir quelques moments pour se laisser aller. C’est ce qui devient un peu difficile à la longue. »

Il n’y a pas eu de gros pépins, hormis des bottes de ski qui se sont brisées en chemin.

« Grâce aux arrêts dans les communautés, on a pu se faire envoyer de nouvelles bottes », indique Simon-Pierre.

PHOTO MARIE-FRANCE L’ÉCUYER, FOURNIE PAR TRANSBORÉALE 2023

Les conditions n’étaient pas toujours faciles pour l’équipe de tournage qui a rencontré les deux aventuriers à quelques points précis du trajet.

Une équipe de tournage a rejoint les aventuriers à quelques endroits bien précis pour prendre des images, soit à Chisasibi, au parc Tursujuq puis finalement à Ivujivik, la communauté la plus au nord du Québec. L’équipe a alors passé trois jours avec Samuel et Simon-Pierre pour se rendre en raquettes jusqu’au cap Wolstenholme.

L’équipe devrait produire une « espèce d’hybride film d’aventures — essai documentaire » d’ici un an.

Samuel Lalande-Markon réfléchit à d’autres grandes expéditions. En attendant, il rejoindra cet été des amis pour descendre la rivière Georges de Schefferville à Kangiqsualujjuaq.

« Un beau 30 jours de canot. C’est presque des vacances. »