Ottawa consacre 2,4 millions en « financement de crise » pour s’occuper de la santé mentale des athlètes amateurs.

La ministre fédérale des Sports, Pascale St-Onge, a annoncé lundi à Montréal que cette enveloppe soutiendra les soins de crise, la sensibilisation et la formation des athlètes et des entraîneurs olympiques et paralympiques canadiens.

De nombreux athlètes, toujours actifs ou à la retraite des compétitions, ont dénoncé récemment des environnements toxiques et des comportements abusifs dans le sport de haut niveau au Canada.

Ils ont réclamé un changement de culture du système et de leurs fédérations sportives — certains exigeant même une enquête nationale sur le sport amateur au Canada.

La ministre St-Onge a déclaré lundi à La Presse Canadienne que les discussions qu’elle a eues avec des athlètes avaient porté sur deux thèmes en particulier : le stress et l’isolement de l’entraînement pour se préparer et compétitionner à deux Jeux olympiques en pleine pandémie, ainsi que l’anxiété et la tension liées aux relations avec ceux et celles qui les supervisent et gèrent leur « carrière sportive ».

En entrevue téléphonique lundi, la ministre a soutenu que ce qui était devenu très clair dans ces conversations, « c’est que les athlètes traversent actuellement une période difficile ».

« Il y a beaucoup d’anxiété. Les derniers mois ont été assez difficiles pour les athlètes au milieu de cette conversation sur le sport sécuritaire, sur tous les abus, le harcèlement et parfois même les agressions sexuelles dont nous entendons parler dans de nombreuses disciplines. »

Le budget supplémentaire annoncé lundi par Ottawa vise à donner aux athlètes l’accès à des professionnels en santé mentale là où ils s’entraînent et compétitionnent. « Ils ont présentement accès à un soutien psychologique, mais il est très axé sur la performance sportive et les aide finalement à atteindre leurs objectifs », a expliqué la ministre St-Onge.

« On parle maintenant d’un nouvel élément : l’objectif est d’avoir des gens sur place, directement là où les athlètes s’entraînent et compétitionnent. Donc, s’il y a un problème, ils ont du soutien sur place pour y faire face. »

Mme St-Onge a notamment évoqué les athlètes de bobsleigh et de skeleton, et de leur relation conflictuelle avec leur entourage. Plus de 70 athlètes ont réclamé tout au long de l’été la démission du président et « directeur de la haute performance » de cette fédération. Un nouveau président a été élu en novembre.

« J’étais extrêmement inquiète de l’impact que ça avait sur eux parce que lorsqu’ils performent, c’est un sport à haute vitesse, ils se mettent en danger », a déclaré la ministre.

« S’ils ne sont pas complètement concentrés sur ce qu’ils font et leur technique, s’ils s’inquiètent des choses qui se passent à l’extérieur, ça peut vraiment être dangereux pour eux. J’ai senti qu’il était nécessaire d’apporter un soutien direct dans ce genre de situations. »

Changer la culture

Le bobeur olympique Neville Wright représente son sport, mais aussi l’athlétisme au conseil d’administration d’AthlètesCAN, l’association indépendante des athlètes des équipes nationales canadiennes. Il affirme que ce financement en santé mentale constitue un début.

« Il y a définitivement un besoin immédiat de ressources en santé mentale, avec tout ce qui se passe dans le sport en ce moment, dit-il. Mais je pense que si, d’une manière ou d’une autre, nous pouvons changer la culture et l’améliorer dans son ensemble, peut-être que le besoin de ressources en santé mentale pourrait diminuer. »

L’argent sera administré par le biais du réseau d’instituts sportifs à travers le pays et du programme de mieux-être « Plan de match » du Comité olympique canadien.

La ministre St-Onge a créé en juin le Bureau du Commissaire à l’intégrité dans le sport, pour traiter les plaintes. Le bureau a reçu 24 plaintes entre juin et septembre. Toutes les organisations sportives doivent devenir signataires du Bureau afin de recevoir un financement fédéral.

« Je travaille sur beaucoup de choses pour changer le système afin de rendre l’environnement plus sécuritaire pour les athlètes, a déclaré lundi Mme St-Onge. C’était quelque chose que je sentais nécessaire en ce moment. »

Deux comités parlementaires ont tenu des audiences sur le sport canadien au cours des derniers mois. Le comité du patrimoine a tenu tête à Hockey Canada pour sa gestion des allégations d’agressions sexuelles dans le hockey amateur. Et des athlètes féminines ont témoigné plus tôt ce mois-ci devant un comité de la condition féminine sur la sécurité pour les femmes et les filles dans le sport.

« Les deux comités qui étudient actuellement le système sportif font un excellent travail et posent les bonnes questions », a estimé la ministre St-Onge.

« Le comité du patrimoine se penche davantage sur la gouvernance des fédérations sportives et le comité de la condition féminine parle aux victimes, écoute leurs histoires, ainsi qu’aux experts qui ont travaillé toute leur vie dans la recherche d’un environnement du sport sécuritaire. »

« Nous attendons toujours leurs recommandations. Elles vont être extrêmement importantes. Il y a tellement de choses sur lesquelles nous devons travailler », soutient la ministre St-Onge.