La Presse vous propose chaque semaine un témoignage qui vise à illustrer ce qui se passe réellement derrière la porte de la chambre à coucher, dans l’intimité, loin, bien loin des statistiques et des normes. Aujourd’hui : Mathieu*, 50 ans

Séparé depuis peu, Mathieu découvre ces jours-ci les joies du célibat et de ses rencontres, toutes plus imprévisibles (déroutantes ?) les unes que les autres. Entretien avec un quinquagénaire aussi coloré que mêlé, qui ne sait plus exactement sur quel pied danser.

Attablé dans un café de la couronne nord, le grand brun aux yeux bruns ne le cache pas : « C’est un peu un exutoire d’en parler ! », dit-il en éclatant d’un grand rire communicatif, qui ne le quittera pas de l’entretien.

Extraverti, blagueur, avec un entregent évident, on ne se doute pas en le rencontrant que son témoignage sera aussi divertissant. C’est qu’il en met sans doute un peu trop, mais c’est de bonne guerre, parce qu’en peu de temps, notre homme en a effectivement vu de toutes les couleurs.

Commençons par le commencement. Mathieu se fait sa première blonde tout jeune, en deuxième secondaire. « On a tout découvert ensemble. Et c’est très rare. On était très amoureux : les frenchs, les seins, les doigts, le cunnilingus, pour finir par le coït ! Mais ça, on a pris quelques années à y arriver ! » Nouvel éclat de rire.

Il se fait quelques copines au cégep, puis à l’université, avant de vivre une première « passion », pile pour le nouveau millénaire. « C’était très débridé, se souvient-il. On avait une chimie très naturelle, c’était une relation très gourmande. Mais c’est ça l’affaire, je suis souvent attiré par les filles passionnées, outgoing, mais c’est trop. [...] Ça vient souvent avec un penchant pour l’alcool et les drogues. [...] C’est correct, mais moi, j’ai un parcours straight ! », dit en riant notre interlocuteur, en glissant ici qu’il est ingénieur. Un ingénieur tout de même un peu wild, nuance-t-il en souriant.

C’est à la suite de cette aventure qu’il rencontre la mère de ses enfants, début 2000. Leur histoire dure 20 ans. « On s’est rencontrés au travail. I dipped my pen in the company’s ink », dit-il en riant de plus belle.

Tout ce qu’il ne faut pas faire m’attire !

Mathieu

Au lit ? « Très bien, répond-il, toutes mes partenaires, à part les one-night stand, ça n’a jamais été un problème. La sexualité a toujours été un plus. »

Oui, même avec les enfants, les années, la routine, assure-t-il. « Je suis un bon épicurien, je ne me tanne pas d’une femme, je l’ai toujours trouvée belle et attirante. » Et puis il évite à l’époque les cocktails, 5 à 7 et autres « tentations », comme il dit.

Toujours est-il que leur histoire finit par finir, pour toutes sortes d’autres raisons. D’un commun accord, ils se séparent. C’était il y a deux ans. Sans transition, Mathieu enchaîne : « Et là, j’ai faim ! », dit-il d’un ton solennel. « Je suis libre, célibataire, prêt pour de la nouvelle chair ! »

Une fois la garde partagée apprivoisée, et même avant de s’inscrire sur une application de rencontre, il passe à l’acte. Dans un centre d’activité physique, il repère une belle femme, lui laisse un mot à la sortie (oui, un mot, sur du papier), et l’invite à souper. Madame le texte le soir même, touchée par une attention aussi inusitée.

« Sauf qu’au resto, je me rends compte qu’elle est très entreprenante », poursuit-il. Sans crier gare, elle lui demande : « Bon, on va chez toi ? » Mathieu ne le cache pas, il est ici « intimidé ». Et voilà qu’en deux temps, trois mouvements, il la retrouve en sous-vêtements sur son lit. « Mais moi, grimace-t-il, un one-night stand, j’ai un peu de misère sur le plan mécanique, tu comprends ? » Or voilà qu’elle ajoute : « J’haïrais pas ça avoir un peu de coke entre mes seins... ! » Nouvel éclat de rire. « Ben là ! Moi, j’en ai pas ! »

Tout un baptême, on s’entend.

Et check ben ça comment je vais être confus, après plein d’autres rencontres complètement différentes !

Mathieu

C’est qu’il s’inscrit ensuite sur Tinder, et fait d’abord une première rencontre « super cool ». Leur aventure dure un an, et arrive sans doute trop vite dans son parcours, parce que Mathieu n’est pas prêt à s’engager. « Le premier soir, on frenche au resto, puis on danse chez nous en sous-vêtements ! Une super belle soirée ! », se dit-il avec le recul. Parce que toutes ses premières soirées ne seront pas aussi réussies.

À commencer par la suivante, avec une femme que lui présente un de ses meilleurs amis. Première rencontre : dans un bar du Plateau. Jusqu’ici tout va bien. Au moment de se dire au revoir, tout va encore mieux : « Gros french, avant de se dire tchao ! C’est cool, c’est le fun ! » Mathieu le sent bien. Puis arrive la deuxième rencontre, dans un restaurant cette fois. « Je me dis que je dois faire un move, alors je lui vole un baiser sur la joue. » Erreur : « Tu ne m’as pas demandé mon consentement », lui réplique sa date. « J’ai cru que c’était une blague... » Ils ne se sont jamais revus, ni reparlé, ni même réécrit.

« Je suis abasourdi, déclare-t-il, mi-rieur, mi-confit. Je ne comprends pas ce qui se passe ! Les filles ont des histoires pas d’allure, reçoivent des dick pics, etc. Moi ? Je suis intelligent, à l’aise financièrement, pourquoi je me fais rejeter ? »

Ce n’est pas tout. On présente ensuite à Mathieu une « professionnelle aguerrie » dans un party. « Oh, c’est hot ! Elle fait plus d’argent que moi, je trouvais ça attirant. [...] Mais encore une fois, c’est la boîte à surprises », prévient-il. Fin de soirée, les deux sont passablement « chauds », madame vient chez Mathieu. « Wô, ça va vite, je suis chaud, je ne suis pas prêt à embarquer dans le manège », se dit-il, quand madame lui susurre à l’oreille : « J’haïs pas ça quand c’est rough... » !

« Tsé : le consentement ? », s’interroge avec humour, et un fond de sincérité, notre interlocuteur, qui n’est pas exactement un adepte du rough, justement.

Toutes ces histoires m’ont un peu découragé de la scène de la rencontre.

Mathieu

« J’ai l’impression que les gens sont très campés sur leurs positions, poursuit-il. Souvent, les filles ont des listes. » Des listes de choses qu’elles recherchent ? Oui, mais pas que. « Surtout des choses qu’elles ne veulent pas. »

Il sait de quoi il parle. La dernière rencontre en lice, pourtant un gros coup de foudre, avec qui Mathieu a connu les nuits les plus « débridées » de sa vie, une femme avec qui il est même parti en voyage sur un coup de tête, vient de le laisser en plan au bout d’un mois. Pourquoi ? « Tu t’es acheté un paquet de cigarettes en voyage... », lui a-t-elle répondu.

Il en est à ce jour bouche bée. « C’est correct que les femmes soient difficiles, dit-il, sauf que souvent, elles sont difficiles pour les mauvaises choses ! Un gars qui a un bon cœur, qui est gentil, quand bien même il aurait les doigts dans le nez, ne le juge pas là-dessus ! », dit-il, aussi amusé que désabusé.

* Prénom fictif, pour préserver son anonymat

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