La Presse vous propose chaque semaine un témoignage qui vise à illustrer ce qui se passe réellement derrière la porte de la chambre à coucher, dans l’intimité, loin, bien loin des statistiques et des normes.

Paul* a eu plusieurs femmes dans sa vie, pratiquement autant d’enfants. Toutes, ou presque, ont été infidèles. Lui ? Jamais. Qu’on se le dise : tous les hommes ne sont pas des coureurs de jupons. Oh que non.

« Pour moi, une relation, c’est pour la vie », répète notre interlocuteur, rencontré un petit matin de juin, dans le chic Cathcart de la Place Ville Marie.

L’homme, fin cinquantaine, n’est pas un lecteur de La Presse. Il a plutôt entendu l’autrice de ces lignes parler de son boulot à la radio, et le sujet de la rubrique l’a visiblement interpellé. « Je trouvais important de donner ma version », déclare-t-il, à peine installé. Sa version ? C’est que Paul, célibataire depuis peu, se fait constamment poser la question : « Est-ce que tu as été infidèle ? » Et il n’en peut plus du sous-entendu : « C’est presque toujours la première question qu’on me pose ! […] Mais pourquoi toujours cette maudite question ? Je ne suis plus capable ! » Pour cause : c’est plutôt lui qui a fait les frais des infidélités de ses copines. Et il n’en peut plus qu’on tienne pour acquis que c’est lui, « la bête » dans l’histoire.

Ce qu’on entend […], les légendes urbaines, comme quoi tous les hommes sont infidèles, […] alors que la réalité est tout autre, moi, ça m’agace !

Paul, fin cinquantaine

Il faut dire que son histoire détonne. Tenez : son aîné, a-t-il appris il y a quelques années, n’est peut-être pas de lui. Et son petit dernier non plus, croyez-le ou non. Nous y viendrons.

Tout commence à la mi-vingtaine, quand Paul débarque à Montréal dans le but de fonder une famille. « Je voulais des enfants, explique-t-il tout naturellement, parce que c’est ça, la vie. »

Il rencontre sa première femme à l’usine. Au lit ? « Je croyais que je n’avais pas de problème, mais j’ai été abusé plus jeune, glisse-t-il ici, alors j’avais de la difficulté à ce que les gens me touchent. »

Abusé ? Paul tient ici à nuancer. Il devait avoir 5 ans, « mais ça n’a jamais été méchant ou menaçant, précise-t-il, seulement des attouchements de part et d’autre », et ce, de la part d’un voisin. N’empêche : « Ça ne m’a pas fait mal, mais ça m’a affecté », concède-t-il, sans s’épancher sur le sujet, puisque son propos est ailleurs et on le sait.

Avec cette première femme, donc, la relation dure deux ans, à la suite de quoi, madame, sans crier gare, part « soudainement » avec un autre, enceinte par-dessus le marché. « J’ai su 25 ans plus tard qu’elle avait un copain. Probablement que mon aîné était de son chum, mais un test génétique, ça ne m’intéresse pas… »

Quand madame part (enceinte, donc, on l’a dit), Paul se remet en couple rapidement, même s’il trouve la séparation « difficile ». « Parce que pour moi, c’était pour la vie. »

Sa deuxième conjointe tombe à son tour enceinte, si bien que les deux femmes accouchent carrément la même année. D’où les ragots de famille, comprend-on. « Tout le monde dit que c’est moi qui l’ai trompée ! Mais moi, je connais la chronologie, déclare Paul. Les gens se font des idées ! »

Ce n’est pas tout. Paul a ensuite un deuxième enfant avec cette deuxième conjointe, avant que celle-ci ne le quitte à son tour. Et puis ? Garde partagée oblige, la première demeure évidemment dans le décor. Ce qui devait arriver arrive, et notre Paul lui fait un second enfant. Vous suivez ? « Et cela a accentué cette idée que j’étais un trompeur de femmes. […] Mais moi, je sais que je n’ai jamais fréquenté les deux en même temps ! »

Mais les gens disent ce qui est facile ! Les gens y vont toujours avec la facilité…

Paul, fin cinquantaine

Il parle en connaissance de cause : dans les soupers de famille, Paul entend encore les « gens » faire des calculs dans son dos pour mettre le doigt sur ses secrets. Secrets qui n’existent pas, insiste notre homme. D’ailleurs, après un an de séparation avec sa seconde conjointe (la mère de ses deux autres enfants), le couple se donne aussi une deuxième chance. Comment ? « On a eu des discussions, explique-t-il. Et on a travaillé notre couple. Pour moi, encore une fois, c’était pour la vie. »

À noter que tranquillement, avec le temps, Paul a aussi commencé à surmonter ses démons du passé, et accepté de se laisser toucher. « Il a fallu que je travaille là-dessus… » Sauf que pour ce faire, encore faut-il qu’il y ait des « sentiments », précise-t-il. « J’ai besoin de sentir qu’on m’aime… »

Toujours est-il qu’alors qu’il est de retour avec cette seconde conjointe, Paul tombe gravement malade. Les traitements sont si sévères qu’il en perd sa fertilité. Or tenez-vous bien, dans l’année qui suit, sa conjointe tombe malgré tout enceinte, le quitte, et part avec un autre. Si elle l’a trompé ? « Je ne sais pas, dit-il en haussant les épaules, mais si on calcule les dates […], en principe j’étais stérile… » Quoi qu’il en soit : « Ç’a été ma pire séparation, déclare Paul. Non seulement je ne peux plus faire d’enfants, mais peu importe les problèmes, il faut les élever. »

Paul a 30 ans et il n’est pas au bout de ses peines. Il se retrouve célibataire, avec une poignée d’enfants à gérer une fin de semaine sur deux. C’est alors qu’il se met en couple avec une voisine, une histoire qui dure cette fois un peu plus de dix ans. « J’ai su après que, quand elle m’a rencontré, elle avait déjà un “ami” », glisse-t-il ici. Cela dit, avec elle, aucun risque de se faire tromper : madame est « froide ». Pourquoi il reste si longtemps, alors ? « Est-ce que c’est par paresse ? Pourquoi je ne resterais pas ? Les raisons de partir n’étaient pas assez graves, même si, à la fin, elle avait sa chambre, j’avais la mienne. »

Au tournant de la quarantaine, ils finissent néanmoins par se laisser et Paul se met alors en couple avec une collègue (mariée, lors de leur rencontre), une relation qui dure dix autres années. « Mais elle, elle faisait l’amour machinalement, je n’avais pas de retour sentimental », déplore Paul, qui a quant à lui besoin de sentir ces « sentiments ».

On dit que ce sont les hommes qui font l’amour machinalement, je peux vous dire qu’il y a des femmes comme ça aussi !

Paul, fin cinquantaine

Depuis ? Désormais célibataire, chaque fois qu’il rencontre une femme, on lui pose les mêmes questions. « Et moi, je n’ai plus envie de répéter cette histoire, de me défendre, de me justifier, d’avoir quelque chose à prouver, dit-il. Ça me blesse. » À tel point que Paul n’a plus envie d’être en couple du tout. Finies, les relations ? « Il ne me manque rien dans ma vie, conclut-il. Et je n’ai surtout pas envie d’une femme qui va m’être infidèle… »

* Prénom fictif, pour protéger son anonymat