La Presse vous propose chaque semaine un témoignage qui vise à illustrer ce qui se passe réellement derrière la porte de la chambre à coucher, dans l’intimité, loin, bien loin des statistiques et des normes. Aujourd’hui : Chanel*, 45 ans.

Ça se peut. Ça lui est arrivé. Et elle veut en témoigner.

Chanel nous a donné rendez-vous dans son petit appartement de la Rive-Sud, où elle vient de déménager, depuis sa séparation, bien sûr. Avant, elle avait une grosse maison. Des moyens. Un train de vie. Aujourd’hui, elle est ailleurs, certes. Mais elle a tellement plus.

« Je n’ai jamais lu une histoire comme la mienne, commence-t-elle. J’ai l’impression que c’est censuré. [...]. Mais j’avais envie de me raconter, parce que des fois, ça peut finir bien. Ça se peut que notre âme sœur, on la rencontre dans une histoire extra-conjugale... »

D’un naturel visiblement réservé, Chanel se raconte ici avec facilité, malgré le secret qui plane toujours sur son idylle. Tout est encore si frais. Trop frais.

Chanel a découvert la sexualité autour de 16 ans, dit-elle. C’était avec un premier amoureux. « Mais ce n’était pas le grand amour. » Au lit ? « Plate, alors je pensais que c’était plate comme ça tout le temps. Je ne connaissais pas autre chose ! »

L’histoire dure quatre ans, après quoi Chanel part faire des études. Et elle étudie, justement. « Des one night, je n’ai jamais fait ça. [...] J’étais concentrée sur mes études. »

Au début de la vingtaine, elle a quelques flirts, des « petits chums » avec qui ça ne « clique jamais ». « J’attendais trop le prince charmant, croit-elle. J’étais vite désenchantée. J’étais tout le temps en quête de cette histoire que j’attendais, d’une “sexualité wow !”. » En vain.

Puis, à la mi-vingtaine, elle rencontre dans une soirée le futur père de ses enfants. « Ça a cliqué, je l’ai trouvé drôle, et on est vite tombés amoureux. » Ils ont vite emménagé ensemble, et vite fondé une famille aussi.

Cette fois, sexuellement, c’est mieux. « Mieux que ce que j’avais connu, précise-t-elle. Ça me convenait. On avait des préliminaires, ça durait plus que quatre minutes, il était affectueux... »

Mais ? « Mais je suis tombée enceinte rapidement et notre sexualité a baissé. On s’est distancés. Avec une sexualité vite fait... »

Après le deuxième enfant, ça ne s’améliore pas, tout le contraire. « C’était rendu qu’on faisait l’amour une fois par mois. »

Chanel prend une pause et ose le fond de sa pensée : « Je n’en reviens pas de le dire, mais j’ai commencé à devenir une frustrée sexuellement... » Elle a des sautes d’humeur, se montre moins patiente et revient souvent sur le sujet. « Surtout quand on avait des soupers et qu’on buvait du vin, glisse-t-elle, je lui envoyais des messages : je vais aller voir ailleurs si tu ne fais pas ta job ! »

De son côté, monsieur lui reproche d’être le problème, elle doit être frigide, etc.

Chanel se souvient encore de leur routine à l’époque : boulot, souper, devoirs, coucher : « Chacun de son bord, pas de bec. C’était froid, un peu. »

Câline, peut-être que 15 ans, c’est trop long, en couple ?

Chanel

Et puis ? « Et puis, j’ai commencé à m’entraîner, enchaîne-t-elle. Et j’ai rencontré monsieur. Comment on l’appelle ? » Disons Roméo, dit-elle en riant.

« Et on s’est mis à s’entraîner ensemble. On s’arrangeait pour y aller en même temps. C’était très platonique, mais on aimait vraiment jaser... »

Ce n’est pas un coup de foudre. C’est plutôt par l’entremise de leurs conversations qu’une chimie finit par s’installer. D’ailleurs, de fil en aiguille et de machine en machine, ils finissent par jaser sexualité. « Lui aussi était en couple, dit-elle. Et il ne se passait plus rien. [...] Je ne me souviens plus comment, mais on a fini par décider d’aller à l’hôtel. »

L’aventure se veut une « expérience ». De son côté, Chanel souhaite voir si effectivement, au lit, c’est elle, le souci. « Et en fin de compte, ç’a été... l’extase ! Je ne m’attendais à rien, et ç’a été tout. » Pensez : des heures de plaisir, à faire et refaire l’amour. « Tout était parfait, insiste-t-elle. Tout se faisait tout seul, je n’avais jamais connu ça ! »

Ce devait n’être qu’une seule et unique aventure. Mais la chimie aidant, ils ont voulu recommencer. Une fois, deux fois, cent fois. Trois ans de temps, très exactement.

Trois ans ? « Toutes les semaines, acquiesce-t-elle. Et après trois ans, c’est encore plus wow. Ça n’a jamais baissé. C’est toujours mieux. [...] C’est tout le temps magique, ça n’a jamais été bof ! »

Les questions se bousculent dans notre tête. Et sa vie de couple ? Le mensonge ? Ça lui a pesé, ou pas du tout ? Comment elle a entretenu le tout ? Elle répond sans hésiter. « Ça mettait un baume sur mon cœur. Je revenais à la maison et j’étais capable de faire ma vie de famille. J’étais contentée, quelque part. » Certes, la culpabilité l’a rongée « au début ». « Les cinq ou six premiers mois, je faisais full anxiété, j’avais peur que mon chum le sente, on dirait que c’était écrit dans ma face. Mais à la longue, de moins en moins. J’étais tellement bien ! »

Tellement bien que ce qui devait arriver arriva. Elle est tombée amoureuse. Et vice-versa. « Et mon chum a commencé à me taper de plus en plus sur les nerfs. »

On ne saura pas les détails, mais toujours est-il que Chanel a fait le saut. Elle a fini par quitter son mari. « Je lui ai dit que je ne l’aimais plus... » C’était il y a un an.

« Bien sûr que je me sens mal, confirme-t-elle. C’est le père de mes enfants. J’ai à le voir régulièrement. Je suis pognée avec ce secret. C’est sûr que ça me libérerait de lui dire : je t’ai trompé. Mais tout le monde me le dit : ça me donnerait quoi de lui faire de la peine ? Pour me soulager ? Alors je le garde pour moi... »

Depuis, elle a pris cet appartement et continue de voir son amoureux en cachette. Pour un temps. Le temps de laisser « tomber la poussière ».

Et après ? Elle ne veut surtout pas refaire la même erreur. « Je ne veux pas habiter avec lui tant que j’ai un enfant sous mon toit, dit-elle. Je ne crois plus à ça, le moule ! [...] On reste chacun chez nous et on se permet de s’ennuyer. Je veux que ça reste tout le temps comme ça. Beau. Pas de routine. [...] La routine, ça tue un couple... »

* Prénom fictif, pour protéger son anonymat

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