La Presse vous propose chaque semaine un témoignage qui vise à illustrer ce qui se passe réellement derrière la porte de la chambre à coucher, dans l’intimité, loin, bien loin des statistiques et des normes. Aujourd’hui : Alex*, 49 ans.

Alex aime le sexe. Il aime découvrir, expérimenter, jouer. Sa blonde ? Moins. Mais ils ont trouvé un « compromis » : les photos érotiques. Entretien.

« Je suis vraiment content de te rencontrer ! », nous dit-il tout de go, à peine attablé dans un petit bistro de Drummondville. « Parce que je ne peux pas en parler à personne ! Ma blonde veut que ça reste privé ! » Quant à lui, il en parlerait à tout le monde : « Je le recommande à tous les couples ! C’est tellement une expérience incroyable ! »

Comment ils en sont venus à ça ? Longue et révélatrice histoire, que le volubile quadragénaire ne se fait pas prier pour raconter.

Alors voilà : il faut savoir que sa copine et lui sont ensemble depuis 30 ans. C’est la troisième femme qu’Alex a dans son lit, après une première blonde à 17 ans, puis un flirt avec une coloc l’année d’après.

Ils se sont rencontrés au cégep. « Dans un cours de français, se souvient-il. Elle était très discrète, jamais maquillée, très naturelle. Et c’est comme ça que je les aime. » Non, ça n’a pas été un coup de foudre, « mais ça a allumé de quoi ».

N’empêche qu’il n’aurait pas parié sur ce couple. « Quand on dit que les contraires s’attirent, disons que ça s’applique vraiment à nous. Je suis très organisé, très sportif, elle, non. J’ai le beat dans le sang, elle, pas du tout. […] Moi, je suis hypersexuel, c’est clair, ma copine ne l’est pas. […] C’est sûr que je suis à 98 % l’entreprenant […], elle est plus passive. » On l’avait compris. « Je suis l’actif du couple », confirme-t-il.

Certes, au lit, « il y a des choses qu’elle ne veut pas faire, et ce n’est pas un problème » prend-il la peine de préciser. « On baise toujours autant. Et c’est toujours aussi bon. »

Les premières années, leurs deux personnalités se sont tout de même un peu « heurtées », concède-t-il. Mais ils ont cheminé. « Je ne veux pas la heurter, alors je me garde une gêne. » De son côté, elle a une belle « ouverture d’esprit », fait-il valoir.

Mais ? « Mais c’est long ! Te donner une idée, les jouets sexuels, ça a pris dix ans ! » Pas besoin de ça, croyait-elle. « C’est pervers ! »

Aujourd’hui, ils en ont toute une collection et s’amusent joyeusement (à preuve : « je ne sais pas si tu connais le Womanizer ? », demande-t-il, l’air entendu).

« On a toujours réussi à s’adapter, poursuit Alex, entre deux gorgées de bière. Mais ce n’est jamais elle qui initie. C’est toujours moi. » Si ça le dérange ? « Non, sourit-il, satisfait, parce qu’elle dit toujours oui. »

Il faut accepter qu’on n’est pas tous pareils. […] C’est dans le compromis que le couple va évoluer. On a fait beaucoup de compromis, et le shooting en est un.

Alex, 49 ans

Nous y voici ? Pas encore. C’est que pendant des années, et pour ne pas la brusquer, justement, Alex n’a pas tout dit à sa copine. Et c’est à ce moment précis de l’entretien qu’il nous parle aussi de ses fantasmes à lui, ses rêves de trip à trois, de libertinage (« pour moi, la sexualité est avant tout un jeu ! »), et de tout ce qu’il a longtemps gardé enfoui. Il faut dire que, de son côté, madame ne s’ouvre pas trop sur la chose non plus. « Je ne sais aucun de ses fantasmes ! Mais je sais qu’elle en a ! Enfin j’espère ! » Jusqu’au jour où Alex a décidé que c’en était assez et lui a tout déballé. Crac, d’un coup. C’était il y a dix ans.

On imagine la surprise. Le choc. Pire : « le clash », confirme-t-il en grimaçant. Mais il n’a pas lâché le morceau et proposé cet habile « compromis », comme il dit : « Il y a une chose que je veux faire avec toi, c’est un shooting photo. T’es belle, t’es sexy, je veux qu’on immortalise ça. »

Et ? « Elle est ouverte », rappelle Alex. On ne sait pas trop comment il a fait, mais un an plus tard, ils avaient un photographe, une suite dans un hôtel, un projet. Et il s’en félicite à ce jour. « Ça s’est super bien passé. Zéro gêne, zéro malaise. Tellement le fun ! » Le « fun » ? « Tout, explique-t-il. Pas juste le faire, mais le planifier, le réfléchir, oui, le faire, puis choisir ces souvenirs pour la vie ! »

On devine à le voir rayonner que tout cela relève en prime d’un certain exhibitionnisme. Et Alex ne s’en cache pas. « Oui, oui, oui », hoche-t-il. Parce qu’on ne l’a pas dit, mais il participe évidemment au shooting. Ce qu’il veut, au bout du compte, « c’est être en train de donner du plaisir, en recevoir, et avoir tout ça sur pellicule ! Ce sont des souvenirs pour la vie ! », insiste-t-il.

En dix ans, ils ont renouvelé l’expérience une poignée de fois. « Elle aime ça », assure-t-il, photo noir et blanc à l’appui.

« Elle n’aime pas planifier ni regarder après […], mais elle embarque et je ne l’ai jamais forcée. » Et avec le temps, « elle s’en permet de plus en plus… », glisse-t-il, visiblement ravi. D’abord pudiques, les séances photo sont devenues avec le temps (et l’expérience) un peu plus érotiques. Plus coquines, disons.

Et est-ce que tout cela a fait évoluer leur sexualité ? « Ça l’a enrichie, mais ça n’a pas été un tremplin, tranche Alex. Faire l’amour dans une chambre à 10 h, c’est une chose, s’autoriser à se donner du plaisir devant une caméra, c’en est une autre. »

Fin de l’histoire ? Pas exactement. C’est qu’il ne nous a pas encore tout dit non plus. Ou il ne voulait pas tout dire. En fait, avec un des photographes (et sa copine, puis quelques-uns de leurs amis), il y a finalement eu « tremplin ». « Des jeux à caractère érotique », nuance-t-il, mais sans plus. « On a arrêté, ma blonde, ça ne lui tentait pas trop. […] Moi, je suis content qu’on ait essayé, on l’a fait ensemble, c’était une expérience de plus, mais pas une obligation. » Et ils n’en ont d’ailleurs plus jamais reparlé.

Par contre, les photos, ça oui, ils en reparlent. Parce que c’est quelque chose qu’ils peuvent faire ensemble, et poursuivre « en couple ». Leur terrain d’entente. Pardon, leur « compromis ».

« Et il faut que ça se poursuive. Continuer à diversifier. Ne pas s’encabaner dans la routine, parce qu’en sexualité, la routine tue ! […] Mais il faut reconnaître que l’autre n’est pas comme soi. […] Et travailler sur des compromis pour permettre au couple de se rejoindre », conclut-il. Son mode de vie depuis 30 ans, quoi.

* Prénom fictif, pour protéger son anonymat