La Presse vous propose chaque semaine un témoignage qui vise à illustrer ce qui se passe réellement derrière la porte de la chambre à coucher, dans l’intimité, loin, bien loin des statistiques et des normes. Aujourd’hui : Delphine*, octogénaire

Delphine a plus de 80 ans. Cela ne l’empêche pas de vivre aujourd’hui, et avec le troisième homme de sa vie, une véritable « apothéose », carrément un « couronnement ».

Tenez-vous bien : avec son amoureux des cinq dernières années, ils font l’amour matin et soir, « presque » tous les jours, nous a-t-elle écrit plus tôt cet hiver. « Nous sommes comme deux ados ! »

Elle a aussi une « vie bien remplie », précisait-elle, et elle pouvait difficilement dire mieux. En ce petit midi de juin, où nous nous rencontrons chez elle, dans un coquet quartier résidentiel de la région, on comprend qu’elle nous a casée entre deux rendez-vous. Son témoignage, express, et tout en légèreté, durera moins d’une heure chrono.

Arrosée d’un bon Pouilly, entre plusieurs fous rires, Delphine passe rapidement sur plusieurs pans de sa vie. Pour faire court, sans doute, assurément par pudeur, mais surtout pour ne pas se faire reconnaître. Et surtout parce que l’essentiel est ailleurs : ici, et maintenant.

C’est ainsi qu’on devine qu’elle a découvert la sexualité avec son premier mari, quelque part au début de la vingtaine. Et puis ? Son fou rire en dit long. « Je m’attendais au Cantique des cantiques. À quelque chose de très beau, c’est pour moi le plus beau des poèmes d’amour ! » Elle a donc été déçue ? Autre fou rire. « Disons que ce n’était pas fameux. » Déçue de cette première fois, ou de l’ensemble de la relation ? « L’ensemble des 30 ans », précise-t-elle, toujours en riant.

C’est que monsieur n’était pas trop porté sur la chose, disons. « On faisait ça plutôt rarement. Et pas à mon goût. Je lui faisais des avances, et il me disait qu’il n’était pas un objet sexuel. »

Cela dit, ce rejet ne l’a visiblement pas trop affectée. « Je savais que j’étais attirante et que j’éveillais le désir, poursuit-elle. Seulement, pas celui de mon mari ! » Si elle l’a trompé ? « Bien oui », répond-elle, sur le ton de l’évidence. Trois, quatre fois plutôt qu’une. Quelque part autour de ses 40 ans, une fois ses enfants grands. Et non, elle ne s’est jamais sentie coupable. « Pantoute ! » D’ailleurs, elle se souvient encore d’un de ses amants. Un type de qui elle a sans doute été éprise longtemps. « Toi, tu aimes ça, faire l’amour, ça paraît... », qu’il disait.

Toujours est-il qu’au bout de ces 30 années de mariage, monsieur est parti. « Il m’a rendu service », glisse-t-elle. N’empêche qu’elle a eu du chagrin. Beaucoup. Et ça paraît. « Pas à cause de lui. Mais pour ma famille qui éclatait... »

Elle ne s’étend pas trop sur le sujet, puis passe rapidement à sa rencontre, quelques années après, avec le deuxième homme de sa vie. Une rencontre digne d’un conte de fées, commandée par sa propre mère, et qui a drôlement porté ses fruits. Pour faire court, ils ont passé les 20 années suivantes ensemble !

Il m’a emmenée au resto, et la première question qu’il m’a posée, c’est : est-ce que tu aimes faire l’amour ? J’ai dit oui !

Delphine

Tout un revirement, on s’entend.

Monsieur avait eu une première femme qui « n’aimait pas ça » (tiens, tiens) ; or lui, de toute évidence, « aimait les femmes », enchaîne-t-elle. « C’était un bel homme, dit-elle, c’était très, très bien. Il a été actif jusqu’à trois ou quatre mois avant sa mort. » Mort de sa belle mort, comme on dit, il y a moins de 10 ans.

Delphine se retrouve donc de nouveau seule, autour de ses 75 ans. Mais n’allez pas croire que sa vie soit ici finie pour autant. « Oh non ! lance-t-elle. Voyons donc ! » Au contraire, en quelque sorte, elle commence. Au bout de quelques longs mois de célibat (« et j’étais vraiment tannée, je n’avais jamais été seule ! »), elle demande à son fils de la prendre en photo, pour s’inscrire sur un site de rencontre. « Elite quelque chose, dit-elle. J’ai payé pour trois mois, mais j’ai mis mon argent à l’eau parce que le jour même, mon conjoint actuel m’a écrit ! »

Un « bel homme », de nouveau (tous ses compagnons ont d’ailleurs été très beaux, prend-elle la peine de préciser), qui répondait à « [ses] critères ». Tous deux ne voulaient pas « perdre de temps » et se sont donc rapidement donné rendez-vous. Et leur première rencontre a tout l’air d’un coup de foudre. « Quel bel homme ! », lui dit-elle. « Belle madame ! », lui dit-il. « Et on est partis ! Ç’a été très facile ! »

Au lit ? « Vraiment le gros lot, répond Delphine, sans la moindre hésitation. Il aime ça beaucoup, et moi aussi. »

Mais attention, cela dépasse de beaucoup le pur plaisir physique, précise-t-elle. « C’est être ensemble, se cajoler, faire oublier ce qui n’est pas agréable dans la vie ! Cela redonne le goût de vivre, de continuer, ça énergise ! C’est cet aspect-là, bien avant le plaisir physique ! »

Elle en a des frissons rien qu’à y penser. « C’est la communion des âmes. Pas juste des corps, c’est bien au-delà. [...] Nous allons bien ensemble, nos corps et nos esprits s’harmonisent. C’est une chance inouïe qui m’est arrivée. »

Comment envisage-t-elle l’avenir ? « Je ne pense pas à ça beaucoup, répond-elle. Une journée à la fois... »

D’ailleurs, on ose la question : les gens de son entourage sont-ils aussi actifs ? « S’il y en a de mon âge qui font encore l’amour ? reformule-t-elle en souriant. Je ne sais pas ! » Il y a quelques années, elle a osé en glisser un mot à une connaissance. « Elle m’a traitée de menteuse ! Alors je ne parle plus de rien ! », dit-elle en riant de plus belle.

* Nom fictif, pour préserver son anonymat

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