Arts et être vous propose chaque dimanche un témoignage qui vise à illustrer ce qui se passe réellement derrière la porte de la chambre à coucher, dans l’intimité, loin, bien loin des statistiques et des normes. Cette semaine : Étienne*, début cinquantaine

C’est l’histoire d’un type, amoureux fou de sa femme, qui a décidé un jour d’aller voir ailleurs s’il avait toujours le pouvoir de séduire.

S’il était capable de « pogner », en bon français. Et de se laisser « pogner » au retour. Malgré l’âge et les cheveux gris.

Verdict ? Affirmatif. D’où une « introspection » et surtout un certain cheminement, plein de rebondissements.

« Est-ce que je plais encore ? J’ai le goût de cruiser et de me faire cruiser, même si je suis en couple depuis longtemps », confie Étienne, fringant quinquagénaire, sans filtre et en toute transparence, à la caméra.

Il faut savoir que l’homme a toujours été en couple, et ce, depuis l’adolescence. Sa première relation sexuelle ? Vers 18 ans, avec celle qui allait devenir sa « première femme » et la mère de ses enfants. Au lit ? « Insatisfaisant. » Pire : « J’ai toujours été insatisfait. » Comment est-ce possible ? « Elle avait peu d’intérêt pour la sexualité, le sexe la dégoûtait, résume-t-il. Pour elle, le couple n’était pas construit autour de la sexualité. »

Pourquoi est-il resté ? « Pour les enfants. » Et parce qu’il se disait que ça s’arrangerait. Mais plus de 10 ans et quelques maîtresses plus tard, rien ne s’est arrangé.

Parlant de maîtresses, Étienne a d’ailleurs finalement quitté sa femme pour épouser la dernière. Vous suivez ? Ils filent le parfait bonheur depuis, qu’il dit. Cela doit faire plus de 15 ans maintenant et il ne tarit pas d’éloges : « C’est une femme extraordinaire que j’aime beaucoup. Une femme exceptionnelle. […] Je l’adore, je l’aime beaucoup, beaucoup, ma femme. Notre couple va bien. »

Et au lit ? « Très bien, insiste-t-il. C’est une femme gourmande sexuellement, elle me refuse rarement. Et c’est la particularité de mon histoire, j’encense ma femme. Je l’encense littéralement. » Mais ?

Mais tsé, on vieillit. Moi, je suis en couple depuis que j’ai 16 ans. Je n’ai pas eu de pause entre mes deux mariages. Et je me suis rendu compte avec la quarantaine, à un moment donné […], j’ai le goût de cruiser encore.

Étienne

Étienne reste ici volontairement vague dans son récit, de peur d’être démasqué. « S’il y a un truc que je veux protéger, c’est ma femme, je l’aime trop », insiste-t-il. Mais disons pour résumer qu’il y a quelques années, il s’est retrouvé seul, et ce, dans un contexte plutôt festif. Et c’est là qu’il l’a constaté : « Je plaisais ! Une femme m’a littéralement sauté dessus ! Une femme vraiment belle. Je suis encore capable de pogner ! » Et ça lui a donné le goût : « C’est le fun de plaire, répète-t-il, c’est agréable. » Depuis, il a cherché à « tester ça », comme il dit. « Mais ça n’enlève rien des sentiments que j’ai pour ma femme ! »

Parenthèse : ce faisant, sa réflexion lui a fait réaliser que, aussi « gourmande » soit-elle, sa vie sexuelle conjugale avait tout de même pris quelques rides avec le temps. « Mon introspection m’a amené à réaliser la monotonie de la relation à long terme, glisse-t-il. Même si je suis comblé côté fréquence, à un moment donné, ça tombe très routinier. » Fin de la parenthèse.

Toujours est-il que c’est à cette époque, il y a deux ou trois ans, donc, qu’Étienne s’est inscrit sur Ashley Madison, site de rencontres extraconjugales bien connu. Ça n’a pas abouti, mais il a encore pu « tester » ici son fameux pouvoir de séduction. « Et c’est sûr que ça a un côté flatteur… »

C’est finalement en jasant du sujet avec une bonne amie, une femme qui lui plaisait par ailleurs et sur qui il voulait à nouveau se « tester », qu’Étienne a fini par se faire une énième maîtresse. « Mais ça ne m’empêche pas d’être amoureux de ma femme ! » Et surprise : l’aventure n’a pas été ici que physique. Étienne en est le premier étonné. « Ça peut sembler paradoxal, peut-être que peu de gens comprendront, mais moi, je comprends peut-être mieux les polyamoureux, déclare-t-il. Mais j’aime ma femme, et il n’a jamais été question que je laisse ma femme. »

Cul-de-sac ? Coup de théâtre, plutôt : c’est qu’à travers tout cela, Étienne a aussi ouvert la discussion avec la première intéressée. Il lui a avoué certaines choses (mais pas tout, et surtout pas cette dernière aventure), et contre toute attente, madame avait elle aussi constaté que leur vie manquait depuis quelque temps de piment.

Je ne m’attendais jamais à ce que ma femme ait cette ouverture d’esprit pour en discuter !

Étienne

Mieux, ils se sont communiqué leurs fantasmes (« et j’ai réalisé qu’on partageait des fantasmes de voyeurisme et d’exhibitionnisme ! »), ont discuté de libertinage.

Depuis ? Il a quitté sa maîtresse (ou c’est plutôt elle qui a mis un terme à l’histoire, pour se concentrer sur son couple), et Étienne continue d’« explorer » le milieu libertin, mais en couple désormais. « Il ne s’est rien passé, mais on discute, dit-il. C’est excitant ! »

S’il regrette son aventure ? Oui et non, avoue-t-il. « Oui, je regrette, parce que vivre avec le mensonge me dérange. Mais non, je ne regrette pas, parce que ç’a été une sacrée belle expérience. » N’empêche qu’il ne souhaite plus jamais revivre ça. Trop engageant. « Et j’ai encore du mal à décrocher. Heureusement que j’aime ma femme… »

Morale ? « Sacrée question », dit-il en riant. Étienne réfléchit longuement. Analyse tout haut. Puis conclut finalement : « Il faut se dire les vraies affaires, tranche-t-il. Avant d’assouvir nos fantasmes ailleurs, quand ça va bien dans notre couple, et moi ça va vraiment bien, il faut se dire ce qui nous préoccupe. »

Même si, de son côté, il est trop tard, croit-il. « Si je lui dis, c’est clair que je perds mon couple. Lui dire que j’ai eu une relation privilégiée ? Sur une bonne période de temps ? Ça ne passerait pas. Et je ne veux vraiment pas prendre ce risque… »

* Prénom fictif, pour protéger son anonymat.

> Écrivez-nous pour nous raconter votre histoire