« Ici, on aime le sexe, c’est un programme sur le sexe, et on va parler de sexe ! » La gourou du bien-être Gwyneth Paltrow nous arrive ces jours-ci avec une nouvelle série, portant, on l’aura compris, sur la sexualité. Instructif ou bidon ? À prendre ou à laisser ? Deux sexologues répondent à la question. Résumé en trois temps.

La série 

Sex, Love & Goop, offerte depuis jeudi sur Netflix, se veut une série « divertissante », et non « médicale » (« nous n’offrons pas ici de conseils médicaux », précise d’emblée le générique du premier épisode), s’attaquant de front, et surtout à la caméra, à un sujet on ne peut plus délicat : le bien-être sexuel. Précision : le bien-être sexuel de couples engagés activement à l’optimiser.

Produite par Goop, marque de Gwyneth Paltrow (à qui l’on doit, on s’en souvient, son lot de controverses, notamment pour ses fameux œufs de jade aux soi-disant vertus sexuelles), la série suit différents couples – aux âges, orientations sexuelles et problèmes variés – dans leurs rencontres avec des thérapeutes choisis. Pensez : coach relationnel, mais aussi sexologue somatique, coach en plénitude érotique, même une animatrice de constellation familiale. Le tout se déroulant, on l’aura deviné, en Californie, berceau des thérapies parallèles du genre.

En six épisodes, et en mode téléréalité, on apprend à connaître ces différents personnages, leurs enjeux (par ailleurs, assez classiques : niveaux de libido variés ici, désintérêt pour la chose là) et leurs dynamiques (monsieur en veut beaucoup, madame moins, etc.). Surtout : on les voit plonger tête première dans de nouvelles pratiques (jeux de rôle, touchers sensoriels, yeux bandés) sous la supervision, voire sous l’action, de leurs thérapeutes. Avec, téléréalité oblige, un retour sur leur vécu, leurs sensations et leurs impressions.

Oui, « il y aura sûrement des moments gênants », prévient en riant l’animatrice de l’aventure, Gwyneth Paltrow, en saluant le courage immense des bénévoles ici présents. Sans rien divulgâcher, disons qu’effectivement, ils osent exposer leurs vulnérabilités. C’est le moins qu’on puisse dire. Quoique dans les limites du bon goût, rassurez-vous.

Une série qui ouvre les esprits

PHOTO FOURNIE PAR NETFLIX

Erika, dans Sex, Love & Goop

« J’aime parler de tous ces sujets, alors je suis contente de voir ça », a réagi Renée Lanctôt, sexologue clinicienne et coach sexuelle à Vancouver, invitée ici à regarder et à commenter la série.

Ça met le spotlight sur la sexualité. Ça ouvre les esprits à l’importance de se montrer vulnérable face à notre partenaire – c’est d’une importance énorme. J’ai adoré voir ça à la télé. C’est fabuleux.

Renée Lanctôt, sexologue clinicienne et coach sexuelle

Précisons que même si elle a fait un doctorat en sexualité humaine à San Francisco, Renée Lanctôt n’est « pas fan » de Gwyneth Paltrow. Loin de là. Elle a même visionné la série pour nous à reculons. D’où la surprise. « Oui, c’est très californien, convient-elle, c’est pour du monde qui a beaucoup d’argent, beaucoup de temps », il y a un petit côté « ésotérique » agaçant par moments (notamment ce cinquième épisode sur les constellations familiales, que Renée Lanctôt aurait carrément zappé : « J’ai de la misère à dire que ça, c’est de la science »), et elle aurait préféré une « gradation » dans la présentation des approches (« Tu ne commences pas avec la sexologie somatique… »). N’empêche, insiste-t-elle, « [elle est] vraiment contente qu’on parle ici de sexualité ! »

La thérapeute salue notamment le fait qu’on présente ici des couples diversifiés (« c’est un bon échantillon »), en abordant en premier lieu le plaisir féminin – « les gars ne savent souvent pas comment toucher les filles », constate-t-elle en consultation –, le facteur jeu et l’importance de ralentir ledit jeu. Et oui, ajoute-t-elle, on comprend que la sexualité au sein du couple est bel et bien un « travail ». « L’exploration de toute une vie ! »

Une approche loin d’être scientifique

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Rama et Felicitas, dans Sex, Love & Goop

Le sexologue clinicien et psychothérapeute montréalais Vincent Quesnel est nettement plus critique. « Comme on me demande de poser un regard professionnel sur cette série télé, indique-t-il, il est de mon devoir d’informer les lecteurs que cela ne représente en rien une démarche de psychothérapie en sexologie au Québec. » En clair : non, au Québec, les sexologues ne proposent pas d’ateliers « appliqués », ils « ne touchent pas leurs patients », et les approches cliniques sont au contraire « basées sur des études scientifiques validées depuis bon nombre d’années », explique-t-il.

Dans la série (et d’après le premier épisode visionné à notre invitation), il y a d’ailleurs confusion des genres, dénonce Vincent Quesnel.

D’un côté, on nous annonce que ce qui nous est présenté est du spectacle, et de l’autre, on nous fait croire que ce sont de réels professionnels de la santé sexuelle. Il y a un double discours dont le public doit être informé.

Vincent Quesnel, sexologue clinicien et psychothérapeute

Pire, ajoute-t-il, selon ses connaissances, les suggestions de ces « professionnels » (dictées sans vraiment connaître les clients, ce qui est contraire à la pratique psychothérapeutique, laquelle s’inscrit au contraire dans le temps), « ces ateliers pratico-pratiques n’ont jamais démontré un changement réel et profond sur le long terme dans l’intimité des couples ».

Certes, ces quick-fix, comme on dit, peuvent apporter du « piquant ». « Mais est-ce que ça se maintient dans le temps ? Aucune étude ne le démontre. »

Verdict ? « Gwyneth Paltrow est au sexe ce que Marie Kondo est à l’optimisation des espaces ménagers : axée sur le pragmatisme et sur les recettes déjà toutes préparées, conclut-il. Il faut rester prudent et garder un œil avisé. » Bref, à regarder avec un (ou deux !) grain de sel, donc.

Des pistes à retenir, selon Renée Lanctôt

1. La sexualité, ça s’apprend
« Oui », confirme Renée Lanctôt, sexologue clinicienne et coach sexuelle. « Et comment être en relation aussi, ça s’apprend. Mais on ne l’enseigne pas forcément… »

2. Les couples qui innovent durent
« Il faut toujours essayer quelque chose de nouveau, continuer de jouer, explorer, parce que la routine tue. »

3. La sexualité est un jeu
« Et il faut rire ! Oui, parfois c’est sale, il y a des bruits, ça surprend, et il faut rire. Les gens voudraient que ce soit parfait, mais la sexualité, c’est loin d’être parfait ! »

4. Nous sommes des êtres orgasmiques
« C’est une autre façon de dire qu’il n’y a pas que les organes génitaux qui soient sexuels. C’est une très belle image : toutes les cellules du corps sont là pour être stimulées. »

5. Nous sommes des êtres sexuels, et ce, jusqu’à la mort
« Et on commence à s’intéresser à cette sexualité, qui n’existe pas que dans le prime time de la vie ! », conclut Renée Lanctôt.