Arts et être vous propose chaque dimanche un témoignage qui vise à illustrer ce qui se passe réellement derrière la porte de la chambre à coucher, dans l’intimité, loin, bien loin des statistiques et des normes. Cette semaine : Isabelle*, mi-quarantaine

Isabelle n’a jamais été très portée sur la chose. Pendant 20 ans, ce sont plutôt ses enfants qui l’ont occupée. Or, depuis quelques années, fraîchement divorcée, la voilà qui découvre enfin les joies de la sexualité. Et c’est « compliqué ». Parce qu’elle est tombée sous le charme (et dans le lit) d’un homme pris. Entretien avec une maîtresse un peu malgré elle.

La jolie brune, toute de noir vêtue, nous a donné rendez-vous un matin de canicule, dans un petit parc de Montréal. Elle raconte sa nouvelle passion charnelle sans gêne, passant du rire aux larmes, et vice-versa. Parce que quand c’est compliqué, c’est souvent aussi émotif, comprend-on très vite.

« J’ai découvert la sexualité tard, quand même, commence-t-elle d’emblée. À l’adolescence, j’aimais frencher dans les partys, mais jamais plus loin. C’est vraiment plus tard, à l’université, que j’ai eu ma première relation sexuelle. » C’était avec son amoureux de l’époque, une expérience qui a été « correcte », sans plus. « Je n’ai pas eu de révélation, dit-elle en riant. J’étais à des années-lumière de savoir c’est quoi, la sexualité. Parce que maintenant, je sais… », ajoute ici la quadragénaire, un brin énigmatique.

Avant d’y venir, il faut savoir qu’elle a ensuite rapidement rencontré celui qui allait devenir son mari, le père de ses enfants et son compagnon de vie pendant 20 ans. Certes, les débuts entre eux ont été « électriques » : « Wow, c’est ça, le sexe, réalise-t-elle alors. Il y avait un courant qui passait. Ç’a été un coup de foudre entre nous deux. » Un coup de foudre qui s’est toutefois rapidement éteint. « La routine. Le couple, explique-t-elle. On est vite entrés là-dedans. » Et les enfants n’ont fait qu’empirer le tout. Bilan ? Une famille nombreuse plus tard, elle n’avait « plus le goût », affirme-t-elle, mi-laconique, mi-réaliste. « Fait que pauvre lui, il ne l’a pas eu facile avec moi. J’étais vraiment focus sur les enfants. »

Ça ne m’intéressait pas. J’étais vraiment bien dans ma petite vie avec mes enfants. J’étais pas là…

Isabelle

« En même temps, il n’y a pas que ça qui n’allait pas dans le couple, ajoute-t-elle. Et la vie nous a séparés… »

C’était il y a trois ans. Et c’est précisément après la séparation, donc, qu’un premier homme est « passé » dans sa vie, comme elle dit. Un passage tout à fait platonique, mais non moins symbolique. « Il ne s’est rien passé, jure Isabelle, mais il a éveillé quelque chose en moi : le désir de vivre autre chose, d’être en amour, peut-être, parce que je ne me sentais plus en amour… »

Après ce premier « éveil », elle décide de faire « comme tout le monde » et s’inscrit sur un site. Précision : pas franchement pour se trouver un chum (« J’ai une vie occupée, mes enfants, mon travail, mes activités, j’ai pas de place vraiment pour un chum. Après 20 ans, j’ai pas le goût de me ramasser avec un gars à gérer », résume-t-elle), mais plutôt pour trouver un « amant ». Et c’est là, après une première aventure plutôt concluante avec un pompier (« vraiment hot ! », pouffe-t-elle), qu’Isabelle rencontre ici l’« autre », comme elle l’appelle, l’homme du moment, « celui qui est encore là aujourd’hui », après deux ans, très exactement, de chaudes – pardon, torrides – fréquentations. Avec tous ces hauts (« quand je le vois, je suis sur un high, résume-t-elle, c’est une drogue ! »), mais aussi ses bas. Nous y voilà.

L’« autre »

Elle se souvient encore de leur première rencontre. Après quelques semaines à échanger par textos (« il me mettait en appétit, dit-elle en riant, il avait le tour »), ils se sont rencontrés dans un parc, sur un banc, « et ç’a été tout de suite électrique ». Une main sur la cuisse ici, une autre là, et le lendemain, il se retrouvait chez elle. « Ç’a été rapide, explosif, et tellement naturel. Il a la même intensité que moi ! »

Tout un revirement pour une femme qui se disait jadis « frigide ». « Peut-être que je n’étais pas avec la bonne personne, analyse-t-elle avec le recul. Et peut-être que c’est une question de chimie avec lui, l’“autre”. Et peut-être aussi parce qu’on n’a pas une relation de couple traditionnelle. On est dans le charnel, carrément. Ça nous permet d’explorer plein de choses. »

Avec tout le bon, mais aussi le moins bon, qui vient avec, donc. Commençons par le bon : quand elle le retrouve, après des jours, des semaines ou des mois (selon), elle a « les jambes qui shakent, c’est physique, vraiment physique ». « On connecte pas mal au lit. C’est jamais monotone. On est toujours dans la nouveauté. On explore beaucoup. »

Faute de routine, ils « jouent » en effet beaucoup : est-ce qu’on essaye ceci, cela, pourquoi pas ? C’est ainsi qu’ils ont commencé à s’attacher, à faire l’amour les yeux bandés, etc. Il lui a aussi offert son premier vibrateur (« une invention merveilleuse ! ») et elle s’est procuré quelques jouets (fouets, attaches, « BDSM soft », résume-t-elle) et autres « petites tenues un peu trash, mais de bon goût », dit-elle en riant de plus belle.

Il trippe vraiment. Et moi, ça me fait tripper de le voir tripper…

Isabelle

Tout un revirement, disions-nous, pour une femme qui n’a pour ainsi dire connu qu’une seule et unique position pendant 20 ans. « C’était très traditionnel avec mon mari… »

Seulement voilà, il y a un « mais ». Et ça n’a jamais été un secret. Cet « autre » est en couple. Au début, il était officiellement séparé, « mais il habitait avec elle [sa femme] », se souvient Isabelle. « C’est compliqué », qu’il disait. « Compliqué » à cause des enfants, des engagements, parce qu’ils ont un passé, à tel point qu’il n’a jamais fait « le move » de partir. Et Isabelle n’a jamais osé trop le questionner.

« Elle me ressemble beaucoup, a-t-elle toutefois constaté, en fouinant sur les réseaux sociaux. Elle a l’air d’une bonne maman, sportive, bien organisée, elle me fait penser à moi, carrément. Moi dans mon mode familial… »

Deux ans plus tard, si la relation demeure certes aussi « intense », rien n’a par ailleurs bougé. Et c’est là que le bât blesse.

Quand on la questionne sur son statut, sa conscience, son bonheur ou ses rêves (ses « contes de fées », comme elle se plaît à dire), Isabelle fond tout à coup en larmes. On devine que sous ses allures de femme libérée, elle se retrouve dans un cul-de-sac. Parce que sans vouloir de chum à temps plein, elle ne se plaît pas tant dans le rôle de la maîtresse. « J’aimerais être aussi valorisée à d’autres niveaux, finit-elle par confier. Est-ce que je suis juste bonne à ça ? Je ne suis pas assez bonne pour autre chose ? »

« Oui, je suis émotive, mais ça ne veut pas dire que c’est tout négatif parce que je pleure », se ressaisit-elle pour conclure en souriant. D’où l’impasse, d’ailleurs. « C’est une drogue, c’est carrément ça. Faudrait que je me sèvre. J’ai essayé. Mais ça n’a pas marché… »

* Prénom fictif, pour protéger son anonymat

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