Arts et être vous propose chaque dimanche un témoignage qui vise à illustrer ce qui se passe réellement derrière la porte de la chambre à coucher, dans l’intimité, loin, bien loin des statistiques et des normes. Cette semaine : Michel*, début soixantaine

Michel aime, a toujours aimé et aimera toujours les femmes rondes. « En chair », comme il dit avec appétit, les yeux brillants et le sourire fendu jusqu’aux oreilles. Entretien avec un homme gourmand qui s’assume. Pas à moitié.

« Moi, j’appelle ça une peau enveloppante », explique le dynamique sexagénaire en parlant avec ses mains, attablé dans un café, un après-midi frisquet du mois de juin. « C’est doux, doux, doux, ça sent bon, et quand on baise, ça bouge ! Moi, ça m’excite ! »

Il nous a écrit plus tôt cette année pour se confier, notamment parce qu’il sait que ses préférences détonnent, ou ne font peut-être pas l’unanimité. Pourtant, de son côté, il se fait une joie de les défendre, et de défendre tous ceux et celles (surtout) qui ne correspondent pas aux standards clichés de beauté.

Pompier pendant près de 30 ans, Michel en a entendu de toutes les couleurs, d’ailleurs. Au poste, entre collègues, on imagine les ragots. « Mettons que ce ne sont pas tous des Prix Nobel, confirme-t-il, avec un franc-parler qui ne le lâchera pas de l’entretien. Quand on voit passer des femmes, disons, les gars sont portés à regarder les minces. Mais moi, au contraire, j’ai toujours regardé les femmes en chair ! [...] Alors je me fais un plaisir de les ramasser s’ils font des commentaires déplacés. »

Les femmes minces ne m’attirent pas l’œil. Je ne trouve même pas ça attirant ! Moi, j’aime une femme qui a de la pogne. Ça fait macho, mais j’aime une femme que je peux prendre dans mes bras !

Michel

Et ç’a d’ailleurs toujours été le cas. En s’autopsychanalysant, Michel avance : « Je ne sais pas si ça a rapport, mais ma mère a été très malade. Elle a toujours été très maigre. » Petit, il a du coup toujours préféré se « coller » dans les bras de ses tantes plus « en chair », comme il dit. « Je n’ai jamais eu de blonde mince ! », dit-il en pouffant de rire. Même au secondaire, son amoureuse, c’était « la petite grosse de la classe », se souvient-il, sourire en coin.

« Les trois femmes de ma vie ont été des femmes en chair », poursuit-il. La première ? La mère de ses enfants. Une jeune fille rencontrée à 16 ans, avec qui il a eu sa première relation sexuelle à 18 ans. Ils ont été ensemble pas moins de 26 ans. Au lit ? « Ça allait bien, jusqu’à ce qu’elle tombe malade... », résume-t-il sobrement. Malade ? Oui, madame était bipolaire, et sa libido était « en perte de vitesse » avec le temps et l’« intensité » de la maladie. « Ç’a été très dur. Surtout quand elle est tombée en psychose. »

Tout à coup, la conversation perd ici de son apparente légèreté. « La maladie mentale, tout le monde se soucie de la personne malade, mais personne du conjoint. Élever des enfants, ç’a été très dur... », laisse-t-il tomber.

Au bout de longues et épiques années, comprend-on, Michel a finalement pris la « grosse décision » de partir. À noter : les deux parents sont toujours en excellents termes, tient-il ici à préciser.

À l’époque, il a ensuite rencontré une deuxième femme, un peu plus jeune que lui, mais toujours bien « en chair », vous l’aurez deviné. Et puis ? « Sexuellement, ça allait super bien, elle m’a vraiment comblé. Elle n’avait pas de tabous, on faisait beaucoup de jeux et ce qui m’excitait aussi : elle allumait à rien ! »

Leur histoire dure quelques années, jusqu’à ce que Michel rencontre la troisième et actuelle femme de sa vie, un « coup de foudre démentiel », résume-t-il, en rayonnant. « L’amour de ma vie. »

« Elle était serveuse, et ç’a été littéralement explosif, c’est incroyable, ce que cette femme m’a amené dans ma vie. Et c’est une très belle femme, en passant. » Très belle, même si elle a perdu du poids dans les dernières années, prend-il la peine de souligner.

Elle a perdu 30 lb. Moi, ça ne faisait pas mon bonheur. Mais elle a repris 10 lb. Et tout le monde lui dit : ça lui fait tellement mieux !

Michel

Cela fait maintenant plus de 15 ans qu’ils sont ensemble et Michel en frissonne encore : « Le terme qui me vient, c’est : passionné. Mes enfants ne comprennent même pas notre relation. »

Ce qu’il faut savoir, c’est que leur histoire n’a pas été de tout repos. On vous épargne les détails, mais sachez que, quand ils se sont rencontrés, ni l’un ni l’autre n’était célibataire. Ils ont mis des mois avant de passer à l’acte. Et d’après Michel, ça y est pour beaucoup dans le succès de leur couple. « Je louais une chambre d’hôtel et on ne baisait même pas ! On jasait, s’émerveille-t-il. Aujourd’hui, c’est avec elle que j’ai la meilleure communication. »

Ils ont aussi mis des années avant d’emménager ensemble, puis vécu leur amour à distance, quand Michel a décidé de partir travailler à l’étranger quelques années. Ce faisant, leurs retrouvailles ont toujours été assez intenses, merci. Michel ne se prive pas pour nous raconter ses prouesses sur le capot de la voiture dans un stationnement, sur le mont Royal, ou dans les toilettes de différents restaurants. « Cette femme-là m’a ouvert à une sexualité peu conventionnelle ! », dit-il en souriant de plus belle. En outre : ils ont exploré du côté des rencontres « à l’extérieur du couple » (« et ça n’a pas toujours marché ! »), aux clubs échangistes, même aux soirées fétichistes (« le plus long et plus beau préliminaire de ma vie ! »).

Aujourd’hui, Michel et sa douce vivent ensemble « 24 h sur 24 » et de toute évidence, notre homme est aux anges. « Encore ce matin, avant de se lever, on se flatte, elle sent bon, elle est belle ! »

Savez-vous quoi ? Au bout d’une petite heure de confidences, on comprend que Michel avait finalement tout faux. Son récit ne porte pas tant sur son amour des femmes en chair que sur son amour tout court. Son grand et fol amour. C’est la conclusion à laquelle on en vient, à l’écouter ainsi se raconter comme un gamin, les yeux pétillants, malgré son âge et la longévité de son couple. D’ailleurs, conclut-il en riant, comme pour confirmer notre pensée : « Y’a pas d’âge pour être passionné ! »

* Prénom fictif, pour protéger son anonymat

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