Claudette* a 63 ans. Et non, quoi qu’en disent, espèrent ou rêvent certains, sa libido n’est plus du tout ce qu’elle était. Mais savez-vous quoi ? Elle s’en tape. Son corps a beaucoup donné (et beaucoup reçu). Confidences d’une femme ménopausée et libérée.

La question de la libido des femmes ménopausées continue d’enflammer les lecteurs qui, semaine après semaine, réagissent aux témoignages de certains – et surtout certaines. « Mon Dieu, on n’en sort pas ! », confirme d’emblée notre Claudette, rencontrée virtuellement fin novembre, après deux témoignages publiés coup sur coup de femmes âgées à la libido apparemment bien vivante, bref, tout sauf enterrée. « Ce n’est pas possible, rit-elle de bon cœur, comment concilier leurs histoires avec la mienne ? Je crois vraiment que chaque personne est différente au niveau hormonal. »

Chaque cas est individuel. On ne peut pas généraliser !

Claudette, 63 ans

Si vous n’avez qu’une chose à retenir de son témoignage, c’est bien celle-là.

Elle nous a écrit cet automne, en réaction (elle aussi !) au récit du fameux Luc, souvenez-vous, lequel se plaignait du manque de libido de sa conjointe (ménopausée). Son point ? Direct et assumé : « Je suis aussi cette femme qui, à 63 ans, n’a presque plus de libido, et je m’en fous totalement. […] Célibataire depuis à peu près six ans, ça ne me manque aucunement. […] J’ai beaucoup donné, beaucoup reçu aussi. Les menstruations, les grossesses et la ménopause, c’est beaucoup pour un corps. Maintenant, il se repose. »

Les cheveux gris coupés court, le sourire étampé sur le visage, Claudette rayonne d’une joie de vivre communicative. Elle est bien dans sa peau, et ça paraît. « Moi, je suis bien avec moi-même, dans ma peau ! », confirme-t-elle d’emblée. Est-ce qu’elle a toujours été ainsi ? « Non, non, non, pouffe-t-elle de rire. Ç’a été des années de questionnements et de thérapie ! Mais en général, je ne m’ennuie jamais seule. » En tout cas, elle a eu une vie bien remplie.

Elle se raconte généreusement, exemples et adjectifs colorés à l’appui. « Je viens de la période bénie où on avait 15-16-17 ans et où on vivait des périodes intenses de necking ! débute-t-elle. On n’allait jamais jusqu’au bout parce qu’on avait peur d’avoir des bébés, ce qui fait qu’à mon premier toucher, ç’a été l’explosion ! »

L’explosion ? Au premier toucher ? On la fait répéter, pour être sûre d’avoir bien saisi. Elle confirme : après des mois de « necking », son premier amoureux (celui-là même qu’elle va épouser, début vingtaine, et avec qui elle aura ses enfants), à l’aide d’un seul toucher, l’a fait vivre son premier orgasme. Ça ne s’invente pas : « Ensuite, j’ai toujours refusé d’avoir une relation sexuelle sans orgasme, rit-elle encore. C’est comme ça, ç’a vraiment été une bénédiction ! »

Sans entrer dans le détail, on comprend que ç’a souvent (sauf exception) été elle qui se faisait jouir, après quoi elle appréciait « beaucoup » la pénétration. Dans sa tête, elle s’est d’ailleurs toujours dit : « Je sais que lui, il va jouir (et je n’ai jamais eu besoin de le dire), alors moi aussi, je veux un orgasme. Les caresses, c’est important. » En un mot : « Je regrette, mais ça me prend un orgasme ! », résume-t-elle.

Le « pattern »

Toujours est-il qu’avec ce premier homme, l’aventure dure 10 ans. « Après nos filles, c’est devenu plate, dit-elle en pouffant. Une chance que c’est anonyme ! Écoute, c’est sûr qu’après deux grossesses, les enfants, les préoccupations qui vont avec, j’avais plus le goût de rien… » Elle se croyait éteinte, littéralement. Or, c’était plutôt la routine qui l’avait éteinte, un schéma, « un pattern », qui va la suivre toute sa vie.

Elle rencontre ensuite un autre homme et, surprise, elle revit. « Moi qui étais convaincue que je n’avais plus de sang dans mes veines, j’ai redécouvert ma sexualité ! Je n’en avais jamais assez ! confie-t-elle tout sourire. On avait comme une urgence. Bing, bang. Il m’a un peu remise sur la ‟track”. » Et puis comme de raison, le train-train a fini par s’installer au bout de quelques années. Et rebelote : « Ç’a commencé à être plate… »

Apparaît ensuite l’« amant de [sa] vie », un homme qui va rester dans le portrait des années durant, aux habiletés mémorables, « extrêmement préoccupé par le plaisir de sa partenaire » (l’un des rares à la faire jouir de lui-même, vous l’aurez compris). « Tellement qu’il fallait que je lui dise : OK, tu peux jouir, c’est correct ! »

D’amants, ils sont devenus amoureux, pour ensuite former un couple. Et, vous l’aurez deviné, c’est là que ça s’est gâté : « Ça ne marchait plus, confirme-t-elle. Je réalise qu’on n’avait pas tant d’atomes crochus… »

Suivent différentes aventures – un amour d’été à qui elle fait peur avec son « trop de libido », le retour du fameux « amant de sa vie », etc. – jusqu’à ce que Claudette fasse l’ultime rencontre. Avec qui ? Un homme, bizarrement, qu’elle baptise ici son « maître ». Maître ? « Je suis tombée en amour cul par-dessus tête, explique-t-elle, mais lui, il a décidé autrement… » Et c’est là que, coup de théâtre, Claudette réalise qu’elle souffre de « dépendance affective », et décide surtout de s’y attaquer.

Pourquoi je m’accroche tant aux personnes qui ne s’intéressent pas à moi ? […] Il y a un problème, et c’est moi !

Claudette

Une thérapie plus tard, elle décide surtout d’en finir avec ces relations qui, fatalement, finissent dans l’usure. Pour décider d’en finir avec les relations tout court. Basta : « Ça ne m’allume plus. » Une décision qui a été une véritable libération. En effet : fini, le « sexe pour le sexe », comme elle dit. Une activité qui a pourtant été au « cœur » de toutes ses relations jusqu’ici, confirme-t-elle. Sauf qu’aujourd’hui, elle constate qu’elle a assez donné.

Fini ? « Peut-être que c’est l’âge, avance-t-elle. La vie, la ménopause aussi. Il y a un ensemble de facteurs. Les intérêts changent. Je fais du bénévolat, je chante, je suis sportive, je rencontre beaucoup de gens, aussi. C’est comme ci ce besoin-là était moins grand », dit-elle, en glissant un mot sur ses filles et ses petits-enfants, qui occupent désormais une place importante dans sa vie. « Et si le besoin se fait sentir, il reste la masturbation ! », ajoute-t-elle en riant. À ce sujet, ce plaisir solitaire n’a jamais été aussi plaisant, justement, que depuis ces derniers temps. Une fois ou deux par mois (maximum), quand l’envie lui prend – « je ne suis pas capable de décrire ça, mais c’est plus fort que jamais ! » Mais, nuance : « je ne ferais pas ça tous les jours. Voyons, il me semble qu’il y a autre chose à faire dans la vie ! »

* Prénom fictif, pour protéger son anonymat