Arts et être vous propose chaque dimanche un témoignage qui vise à illustrer ce qui se passe réellement derrière la porte de la chambre à coucher, dans l’intimité, loin, bien loin des statistiques et des normes. Cette semaine : Michaël*, 38 ans

Est-ce qu’on quitte une femme parce qu’on n’est plus satisfait sexuellement ? Parce qu’on ne vit plus d’intimité ? Parce qu’on est devenus de vulgaires coéquipiers ? Est-ce qu’on brise une famille pour ça ? Michaël s’est posé ces questions pendant des années. Et puis, il a osé. Entretien sans filtre et en toute sincérité avec un homme qui ne regrette rien. Mais qui revient de loin.

Michaël, 38 ans, nous a d’abord écrit l’été dernier, en réaction au témoignage d’un certain Richard, qui se posait plus ou moins les mêmes questions. « C’est une révélation ce matin de lire votre texte... », disait-il, après une énième dispute avec sa conjointe « sur le sexe ». Il était en pleine remise en question : « le sexe [...], est-ce assez pour briser une famille ? », « qu’arrivera-t-il aux enfants ? » et autres grands questionnements.

On a voulu le rencontrer, mais entre-temps, les choses ont évolué, pas à peu près, de son côté. C’est finalement le mois dernier, en novembre, donc, qu’assis devant une caméra, nous nous sommes finalement entretenus, une séparation et quelques aventures (épanouissantes) plus tard.

C’est un Michaël tout sourire, blagueur et loin de la crise existentielle, donc, qu’on découvre. Un gars bon vivant qui vient d’en arracher, mais qui semble, de toute évidence, drôlement soulagé. Il se raconte avec aisance et bonne humeur. « Ça faisait quatre ans que je me posais de sérieuses questions. » Quatre ans sur une relation qui en a duré moins de dix, disons qu’on devine que ça n’a pas été une union de tout repos. Mais avant d’y venir, on lui demande de se raconter.

Sa première relation sexuelle ? Quelque part autour de ses 16 ans, avec une « fréquentation » qui a duré trois ans, se souvient-il. « Ça allait bien, elle aimait ça aussi, on a découvert ça ensemble. » Au tournant de la vingtaine, il se retrouve ensuite célibataire, et profite bien de ces années-là, il ne le cache pas. « J’ai vécu ma jeunesse ! » A suivi une autre relation, laquelle a duré cette fois sept ans, avec le premier « coup de foudre » de sa vie. Une connexion sexuelle « super », mais côté relation, plutôt ordinaire. « On a exploré beaucoup ensemble, avec des vidéos, des jouets qu’on testait ensemble, sourit-il. C’était super sexuellement, mais dans la vie de tous les jours [...], dur. »

Le temps de se caser

Après cette séparation (fin vingtaine, donc), Michaël vit en colocation, et revit un peu sa fameuse jeunesse. « Oui, j’ai des beaux souvenirs », dit-il d’un air entendu. Jusqu’au jour où il finit par rencontrer la mère de ses enfants. Et ? « Et rapidement, les enfants sont arrivés », répond-il.

Mais encore ? Sexuellement ? « Au début, c’était bien. Mais je prenais beaucoup les devants. C’est moi qui allais la chercher. Et elle suivait. C’est rarement elle qui avait envie », résume-t-il. Certes, ils se sont amusés dans des « endroits inusités », mais l’ensemble demeurait somme toute « standard ».

C’était une « bonne fille », finit-il par confier, mais il n’avait « pas l’étincelle ».

Pas l’étincelle ? On ose : mais pourquoi diable s’est-il embarqué ? « J’avais besoin de quelqu’un qui me groundait, répond-il. Elle était très conservatrice, mais ça me faisait du bien. »

Disons qu’il s’est raisonné. « J’avais 30 ans, tous mes amis avaient des blondes, il fallait que je me place », poursuit-il, avec ce commentaire de son père à l’appui. « T’es pas tanné de butiner ? Elle est fine, cette fille, c’est quoi le problème ? » D’où le plongeon, comprend-on.

Je dis souvent à la joke qu’au début, on avait la fréquence des vidanges, ensuite des pleines lunes, puis des impôts.

Michaël

Il le sait, les enfants n’ont pas aidé. « À partir des enfants, tout a changé. Elle devenait une mère. Elle ne voulait pas de relation si le bébé était là. Mais on habitait un 4 1/2 ! »

Bref, « sexuellement, ça s’est mis à déraper », au point où ils se sont mis à avoir des rapports moins pour « explorer » que par « devoir », résume-t-il.

À noter, leur relation n’allait par ailleurs pas (trop) mal, prend-il soin de préciser. « On se chicanait rarement ! Sauf pour le sexe, la communication et l’éducation des enfants. OK, c’est assez majeur... », dit-il en riant de bon cœur, le recul aidant. « Mais on n’avait jamais d’engueulade ! »

Enfin un peu, quand même. La sexualité était « souvent » un sujet de discorde, concède-t-il. Une fois par mois, le sujet revenait : « Ça n’a pas de sens, disait-il, on est des associés qui élèvent des enfants ! » Mais madame, de son côté, n’avait « pas le goût », ou « zéro envie ». Quand ils se faisaient un rendez-vous amoureux, elle oubliait. Ça vous donne une idée du portrait.

S’il l’a déjà trompée ? Non, répond-il sans hésiter. Enfin, pas vraiment. Une fois, une seule, il est allé aux danseuses. « Mais j’ai pas aimé ça pantoute. J’ai trouvé ça débile. Mais ça en dit long. Je ne filais pas assez pour faire un move, mais j’étais pas capable d’assumer que je n’allais pas bien... »

Parce que non, Michaël n’allait pas bien. Il était de plus en plus frustré, en fait. « J’avais plus le goût de rentrer à la maison... » Et il a fini par voir un psychologue pour un gros « mal de vivre ».

Le temps de s’écouter

Une thérapie, une bonne médication plus tard, il s’est repris en main. Michaël a recommencé à faire du sport et, doucement, à « remonter la pente », comme on dit. Ils ont fini par consulter en couple, mais la thérapie n’a pas abouti. « Pour elle, les enfants, c’était un coup à donner, puis on allait se retrouver. Pour moi, m’occuper de mon couple, ce n’est pas négliger les enfants ! On était là avant ! On avait toujours dit qu’on n’allait pas se perdre ! » Mais ils se sont perdus... « On n’avait pas la même vision. C’est là que j’ai su que c’était fini. »

Et c’est aussi à ce moment-là que Michaël nous a écrit. Une première fois. Avant de finalement faire le saut. « Ce qui me freinait, c’est la peur ! Peur d’être seul. De ne pas y arriver financièrement, de scrapper les enfants. Je ne pouvais pas accepter que je briserais la famille. Je voulais tellement que ça fonctionne... Mais à un moment donné... »

Et quelque part à la fin de l’été, il lui a finalement dit cette vérité : « On est des amis. Mais plus un couple. » Ce n’est pas seulement l’absence de sexualité qui les minait, d’ailleurs : « On n’avait plus d’intimité, et plus de fun ! »

Et puis ? « C’est comme si une tonne de pression tombait ! » Certes, il s’est retrouvé du jour au lendemain dans un véritable tourbillon (garde partagée, trouver une maison, gérer les soupers) : « Mais j’étais bien ! »

D’ailleurs, comment va-t-il depuis ? Il ne cache pas s’être inscrit sur des sites. Avoir fait une agréable rencontre. Plus qu’agréable, en fait. Avec qui il a vécu de belles aventures. « Une femme qui veut ! Ça se peut ! Ça existe une femme qui pense comme moi ! » Il n’en revient pas. Mais il n’est pas près de se recaser de sitôt. « Je vais avoir 40 ans, on dirait que dans ma tête, c’est ma dernière chance de tripper ! Je veux la liberté, découvrir, la crise de la quarantaine, on dirait que je suis là-dedans ! »

Il le réalise avec le recul : « J’avais pas envie de finir dans un couple qui fait semblant d’être heureux. Trop de gars se la ferment et gardent le statu quo. [...] J’ai eu le courage de faire le move pour moi. Probablement que plusieurs ravalent ça pour pas perdre des acquis... »

Morale ? Michaël sourit droit vers la caméra : « Il faut s’écouter ! », répète-t-il, tel un mantra.

* Prénom fictif, pour protéger son anonymat.