Arts et être vous propose chaque dimanche un témoignage qui vise à illustrer ce qui se passe réellement derrière la porte de la chambre à coucher, dans l’intimité, loin, bien loin des statistiques et des normes. Cette semaine : Simone*, début soixantaine

Décidément, l’amalgame entre ménopause et baisse de libido ne passe pas. Mais pas du tout. Une femme de plus, ménopausée depuis près de 20 ans maintenant, fait le point.

Simone, début soixantaine, nous a écrit à la suite du témoignage du fameux Luc (une autre !), en couple, mais résigné, avec une femme à la libido éteinte parce que ménopausée. « La vie est injuste ! Moi, je suis ménopausée et je mange les murs ! J’ai tellement envie de faire l’amour ! »

En entrevue (virtuellement) dernièrement, la dame, aux longs cheveux gris et au doux sourire franc, en remet. Encore et pour être bien claire : « Non, non, non et non, ça ne se peut pas. Ça ne se peut pas que parce que tu es ménopausée, tu n’aies plus de libido ! Ou bien c’est un piètre raisonnement, ou bien il y a d’autres problèmes que ça ! » Peut-être l’homme en question et sa douce ne sont-ils plus amoureux ? Peut-être madame n’a-t-elle plus envie de lui ? Toujours est-il que le problème dudit Luc doit être ailleurs, et que la ménopause a ici le dos un peu trop large, merci. Et Simone est catégorique :

Moi, je n’ai jamais eu de perte de libido. Au contraire ! Absolument pas. Ab-so-lu-ment pas ! Ménopausée ou pas, j’ai toujours aimé faire l’amour !

Simone

Toujours ? Toujours, assure-t-elle. Même ses premiers pas se sont faits dans la découverte, la douceur et le plaisir. « Oh, mon Dieu, j’étais très jeune. Je devais avoir 14 ans. » C’était avec un garçon de son âge. L’amourette a duré une année. « On a appris ensemble à se découvrir. Quand je fais ça, aimes-tu ça ? Je peux toucher là ? Oui, OK. Je n’étais pas traumatisée. C’était très, très beau ! »

Peu après, elle a rencontré le père de ses enfants, un homme de qui elle est tombée enceinte très tôt. Relationnellement, ça n’allait pas trop, mais sexuellement, totalement. « On était mieux couchés que debout, dit-elle en éclatant de rire. Sexuellement, on s’entendait très, très bien. Jeunes, on pouvait passer nos journées couchés. N’importe quelle occasion, dans le char, dans le bois, dans la chaloupe, c’était fou !, dit-elle en riant de plus belle. On était très, très attirés l’un envers l’autre. »

L’histoire a duré 10 ans, à la suite de quoi la vie de Simone a tourné. « Quand tu es une mère [de famille] monoparentale, les hommes... », laisse-t-elle tomber. Les hommes qui cherchent à s’engager ne sont pas légion, comprend-on à demi-mot. Elle en rencontre néanmoins un, avec qui elle passe quelques années. Un homme totalement différent du précédent, prend-elle soin de noter. « Sexuellement, ça allait très, très bien, mais c’était un tendre. Un romantique. C’était très, très différent. » Comment ? « C’est plus tendre, mais aussi bon. »

Il s’agit d’être ouverte. Faire l’amour, c’est de l’énergie. Il s’agit d’être ouverte à l’énergie de l’autre. Être réceptive…

Simone

Malheureusement, monsieur a des problèmes de santé mentale, et elle finit par le laisser. « Et depuis ce temps, je suis toute seule. Ça fait des années. » Combien ? « Je ne peux même plus compter. Peut-être 25, 30 ans que je suis toute seule. » Sa voix est triste, tout à coup. Ses yeux aussi. On devine que c’est long. Et lourd, surtout.

Bien sûr, Simone a eu quelques amants. Une poignée. « Mais jamais de relation significative. » Et ça lui pèse. Elle se souvient d’un « amant steady » qu’elle a fréquenté quelque temps. « Mais c’était tout le temps pareil, routinier, j’allais chez lui et je savais exactement comment ça allait se dérouler. Ce gars-là, je ne sais pas comment dire ça, il ne m’a pratiquement jamais pénétrée. » Jamais fait de cunnilingus non plus. « On faisait de la masturbation mutuelle, résume-t-elle. J’aurais pu me masturber toute seule dans mon lit. Ça manquait de chaleur, d’amour. De fini, mettons... »

Elle se souvient d’un autre avec qui, chimiquement, il se passait manifestement quelque chose. Quelque chose de fort. D’unique. D’« intense ». Mais monsieur aimait beaucoup les femmes. Il les collectionnait, en fait. Bref, ça n’a pas marché. « Ça n’est pas évident, trouver quelqu’un. Vraiment pas évident... »

Simone, comme tout le monde, a essayé les sites de rencontre. Mais sans succès. Sans trop y mettre de cœur non plus, pour être parfaitement honnête. « Je me suis consacrée à ma job. Et j’ai fini d’élever des enfants. » Il faut dire qu’elle ne voulait pas non plus leur faire vivre ses hauts, ni surtout ses bas, amoureux. Ça, non. « Alors j’ai décidé de mettre une croix là-dessus le temps d’élever ma famille... »

Un choix difficile. « Je m’en privais, tout simplement, confirme-t-elle. Ç’a été difficile. Des fois, ça me manquait tellement que j’en pleurais. » Sa voix tremble. Certains moments de l’année (l’été, aux Fêtes) ont été particulièrement pénibles. Elle ne le cache pas. « J’évitais de rester couchée le matin, parce que ça me faisait penser à ça... »

Je suis même plus capable de me masturber. Je pleure chaque fois. Ce n’est pas de ça que j’ai besoin. J’ai besoin de chaleur. Du contact de la peau.

Simone

Et de tendresse aussi, dira-t-elle à plusieurs reprises au cours de l’entretien.

Bien sûr, les années ont passé, son corps a changé, s’est « épaissi », ses humeurs aussi sont plus volatiles, mais de grâce, arrêtons de penser qu’une femme ménopausée n’a plus d’appétit sexuel, insiste-t-elle. « Jamais, jamais, jamais. » Et elle sait de quoi elle parle, ayant été ménopausée très jeune, début quarantaine. Cela dit, depuis, elle est plus libre que jamais. Pensez-y : « T’as plus la crainte de tomber enceinte, t’as une liberté avec ton corps, t’es plus vieille, tu sais ce que tu aimes, tu sais ce que tu n’aimes pas. [...] T’as plus d’enfants à la maison, alors tu peux faire l’amour n’importe quand ! » D’ailleurs, insiste-t-elle, la sexualité, ça ne meurt pas ! « Au contraire, ça garde vivant ! »

Alors pourquoi diable continue-t-on d’associer la ménopause à la fin de la vie sexuelle ? Elle nous regarde en souriant doucement : « Très bonne question... »

* Prénom fictif, pour protéger son anonymat.

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