Arts et être vous propose chaque dimanche un témoignage qui vise à illustrer ce qui se passe réellement derrière la porte de la chambre à coucher, dans l'intimité, loin, bien loin des statistiques et des normes. Cette semaine :  Geneviève*, mi-quarantaine

Geneviève* est une femme blessée. Meurtrie. Deux fois, elle s'est mariée. Et les deux fois, ses maris l'ont trahie. Lui ont menti. Et l'ont trompée. Récit.

« Il y a le syndrome de la femme battue. Moi, j'ai eu le syndrome de l'homme qui trompe... »

Assise devant un gros bol de café au lait dans un petit café branché de la couronne nord, la jolie quadragénaire platine n'a pourtant pas l'air si fragile que ça, sous son blouson de cuir et ses ongles mats. Elle nous accueille avec un grand sourire franc. Et nous dit d'emblée que même si elle est célibataire depuis maintenant trois ans, elle voit régulièrement un ami « santé ». « Ça fait mieux que fuck friend », dit-elle en riant, un brin nerveusement quand même.

Ce n'est qu'au fil de l'entretien que l'on devinera l'ampleur de sa douleur. De sa peine. Et de sa résilience.

Un premier mari « correct » au lit

Mais commençons par le commencement. Geneviève a eu son premier chum à 19 ans. Ils sont restés ensemble trois ans. « J'ai toujours eu de longues relations », précise-t-elle. L'année suivante, à 23 ans, elle a rencontré celui qui allait être son premier mari. Au lit ? « Correct. » Sans plus ? Sans vraiment répondre à la question, Geneviève enchaîne, un peu à côté (mais pas tant que ça) du sujet : « Moi, mon père a abandonné ma mère quand elle était enceinte. Alors pour moi, la famille idéale, c'est important. Moi, j'étais dans un moule. Je voulais : un mari, des enfants, une maison. Malheureusement, c'est jamais ça que j'ai eu... »

On comprend à demi-mot que même si le mari en question n'était pas fabuleux au lit, ses priorités étaient ailleurs.

« C'était correct, reprend-elle. Mais il disait toujours qu'il était trop excité par moi, et ça finissait trop vite. » Bref, non, elle ne prenait pas ici son pied.

Parenthèse : sur ce plan, pas un seul homme dans sa vie n'a « égalé » son fameux ami « santé » du moment. Pourquoi donc ? « Tu vas vraiment écrire ça ? rougit-elle. Premièrement, il a un bon engin, il sait bien s'en servir. Et il se sert bien de sa bouche, aussi... » Fin de la parenthèse.

Toujours est-il qu'avec son mari de l'époque, ils ne faisaient pas souvent l'amour non plus.

« J'imagine que quand tu vas voir ailleurs, t'as moins d'intérêt à voir ta femme... »

- Geneviève, mi-quarantaine

Comment elle a su ? « C'est quelque chose que je ressentais en dedans, répond-elle. Une boule dans le ventre. »

Ils ont été ensemble sept ans, et chaque année, il l'a trompée. Avec une amie, une collègue de travail, et une amie encore. « Oui, hoche-t-elle la tête. Je suis un peu stupide, mais je l'aimais. [...] Et j'avais mon objectif : réussir ma vie. Mon portrait de petite vie que tout le monde a, ou rêve d'avoir... »

Chaque fois, c'était le même scénario : monsieur avouait, partait chez sa mère et revenait en pleurant. Et puis il a fini par partir pour de bon. « Là, j'ai capoté. »

Un second mari, des enfants et une dépression

Deux ans de célibat plus tard, Geneviève a rencontré celui qui allait devenir son deuxième mari. À ce moment-ci du récit, ses yeux se brouillent. On devine que la peine est encore vive. Qu'elle a eu mal. Très mal. Et qu'elle n'est peut-être pas tout à fait guérie. « C'était un manipulateur narcissique », finit-elle par confier, avant de nous révéler, pêle-mêle, qu'elle a eu des enfants avec lui, fait une dépression majeure, même plusieurs tentatives de suicide. « Mais aujourd'hui, je suis bien, regarde-moi ! », se reprend-elle, en souriant timidement.

En gros, monsieur lui a menti dès le début. Il était marié, mais il lui a dit qu'il était séparé. Ils se sont fréquentés, et ont rapidement emménagé ensemble. On comprend qu'il a divorcé par la suite. Au début, c'était magique. « Pas comme avec mon ami santé, dit-elle en rougissant, pudique. Mais c'était fou. Pas platonique ! »

Avec l'arrivée des enfants, toutefois, tout a changé. Radicalement. « C'est devenu plate. Il ne voulait plus rien faire. La fin de semaine, il voulait juste rester en famille. Mais lui, il ne se privait pas pour faire des activités de son côté, aller à des 5 à 7... »

Son post-partum s'est transformé en dépression. En dépression majeure. Geneviève a carrément passé plusieurs jours à l'hôpital. À son retour, monsieur est parti en week-end. Soi-disant en week-end de vélo. Sauf que Geneviève a géolocalisé son téléphone. C'est là qu'elle a réalisé qu'il était en fait au spa, puis à l'hôtel.

On imagine à peine sa douleur. Son sentiment de trahison. Au cube.

Sauf que la jeune mère était prête à pardonner. « J'ai des enfants, justifie-t-elle. Moi, j'ai été élevée seule par ma mère. Je ne voulais pas ça pour mes enfants. J'aurais été prête à passer l'éponge... »

Mais voilà qu'après le fameux week-end de vélo, monsieur est parti cette fois dans une auberge. Soi-disant seul de nouveau. Geneviève n'est pas dupe. « Il est parti avec cette vache... »

« Moi, j'ai des principes. Tu ne touches pas à un gars marié. »

- Geneviève

C'était il y a trois ans. Depuis, Geneviève a plongé très bas. Très creux. Elle a connu deux ans « très difficiles ». Pensez peine d'amour, dépression, multiples tentatives de suicide. « J'avais toute », confirme-t-elle, d'un air entendu.

Sauf que depuis six mois, et plusieurs thérapies plus tard, elle remonte la pente. Tranquillement, mais sûrement. Et ça se voit. Son deuxième divorce enfin signé, elle recommence à se reconstruire. Si, sans vraiment y croire, elle espère rencontrer un jour quelqu'un avec qui partager de nouveau des morceaux de son quotidien (« si tu n'es pas tombée sur le bon dès le départ, on dirait que tu es faite, car le bon, il est déjà pris ! »), elle se contente pour l'instant de son fameux ami « santé ». «  C'est facile. Il est clean. Je sais qu'il veut juste ça. C'est tout. Et ça me fait du bien... »

* Prénom fictif, pour se confier en toute liberté.

BESOIN D'AIDE ?

Si vous avez besoin de soutien ou avez des idées suicidaires, vous pouvez communiquer avec un intervenant de Suicide Action au numéro suivant : 1 866 APPELLE (1 866 277-3553) ou au 514 277-3553.