Arts et être vous propose chaque dimanche un témoignage qui vise à illustrer ce qui se passe réellement derrière la porte de la chambre à coucher, dans l’intimité, loin, bien loin des statistiques et des normes. Cette semaine : Geneviève*, 38 ans

Pour la première fois de sa vie, Geneviève* est infidèle. Il y a quelques mois, elle a fait le saut : elle s’est inscrite sur un site et rencontre des hommes, infidèles comme elle. « Ce n’est pas correct », sait-elle, dit-elle et répète-t-elle. Mais elle le fait quand même. Voici pourquoi.

La petite brunette à lunettes nous attend dans un café anonyme de Drummondville et, d’emblée, on la sent fébrile. Est-ce de l’énervement ? Du stress ? Toujours est-il qu’elle parle avec un débit accéléré, se gratte les bras, rit nerveusement. On devine qu’elle en a long à raconter, et qu’elle ne s’est probablement jamais confiée. « Je ne peux parler de ça à personne, on s’entend… », confirme-t-elle.

Jusqu’à tout récemment, elle n’aurait pas eu grand-chose à raconter, en fait. Tout vient tout juste de débouler. La preuve : âgée de 38 ans, Geneviève s’est mariée jeune, à 22 ans, avec le père de ses enfants, avec qui elle est (fidèlement) depuis 15 ans. « Un parcours un peu archaïque, s’excuse-t-elle quasiment. Je me suis mariée, puis j’ai eu des enfants. C’est rare, à nos âges… »

Il faut dire que son mari n’était que le deuxième homme de sa vie. Le premier ? « Un gars, trouvé sur l’internet, dit-elle, toujours un peu gênée. J’avais un but : j’étais écœurée d’être pucelle. » Elle s’explique sans se faire prier : « Au secondaire, au cégep, je n’ai pas eu de chum. J’étais rejet. » 

Elle s’en souvient encore : Geneviève, c’était la fille dont personne ne voulait pour les travaux de groupe, la dernière choisie dans les sports d’équipe. « J’étais rejet, répète-t-elle. Et ça m’a fait de quoi de commencer le cégep vierge. »

D’où cet ami « avec bénéfices » trouvé sur le web, donc. Ce n’est qu’un an plus tard, à 21 ans, qu’elle a fini par rencontrer le futur père de ses enfants. Son premier, seul et unique chum. À vie. Sexuellement ? « Plaisant », résume-t-elle simplement. On comprend qu’elle n’avait pas de nombreux points de comparaison…

J’ai longtemps ignoré que ça pourrait être plus cool ailleurs…

Geneviève, 38 ans

La routine s’est ensuite installée. Assez rapidement, merci. Pour cause : en quatre ans, ils ont eu trois enfants. Malgré tout, le couple a toujours gardé un rythme assez soutenu au lit. De deux à trois fois par semaine, environ, estime-t-elle. 

À nouveau, Geneviève s’excuse presque en s’expliquant : « Je suis une fille vraiment féministe, mais d’une manière un peu contradictoire. Je sais que c’est terrible ce que je vais dire, mais pour moi, ça fait partie du contrat de mariage. Je sais que ça fait années 50, mais pour moi, le mariage, c’est un échange. Je ne dis pas non souvent… »

La trahison

N’empêche. Avec le temps et les années, leur « lien d’attachement » s’est tout de même « étiolé », enchaîne-t-elle, son visage se voilant tout à coup. La dernière année, tout particulièrement, a été raide sur leur couple. « Tsé, la maudite charge mentale… », dit-elle, exemples de lave-vaisselle plein et de chaussettes sales à l’appui. 

La goutte d’eau a fait déborder le vase pendant les Fêtes : une chicane de famille comme on en a tous, sauf que monsieur ne l’a ici pas soutenue, résume-t-elle, tout en souhaitant rester vague sur le détail. Reste qu’il l’a laissée tomber. Et Geneviève s’est sentie trahie. Trahie solide. Ici, sa voix tremble. « Là, j’ai senti qu’on ne se devait plus rien. Et je me suis inscrite sur un site. »

Elle se ressaisit, et sans crier gare, son sourire revient d’un coup. « Là, il y a comme quatre gars pour une fille. Côté estime de soi, c’est vraiment bon ! » 

C’est qu’on arrive enfin au clou du récit. Il faut dire que tout s’est passé très vite. En quelques semaines, il y a quelques mois à peine, Geneviève a donné rendez-vous à un premier homme, marié comme elle. Si elle était stressée ? À mort, rit-elle de plus belle. « J’avais mal au ventre ! Un gros trac ! » Mais tout s’est finalement très bien passé. Elle a attendu dans une chambre de motel, le type est arrivé, « et on a fait ce qu’on avait à faire »...

C’est une grande satisfaction personnelle pour vrai de voir qu’on peut susciter le désir à ce point chez quelqu’un qu’on ne connaît pas. De voir qu’on peut encore plaire. Ça a vraiment augmenté mon estime de moi. Courtiser, et me faire courtiser.

Geneviève, 38 ans

Non, ça n’a pas été le coup du siècle, mais ça valait la peine. Comme de fait : elle a récidivé. Avec cinq hommes différents. Certains lui ont même fait prendre goût à des pratiques qu’elle n’aimait pas particulièrement. Le cunnilingus, pour ne pas le nommer. « Avec un amant, le seul objectif, c’est d’avoir du plaisir. Alors qu’en couple, on fait les choses par habitude. Là, tu veux te prouver », analyse-t-elle. 

Ses amants veulent lui plaire, la satisfaire, et enfin elle prend (parfois, mais pas toujours) son pied.

À travers tout cela, Geneviève estime avoir découvert son corps, gagné en confiance, même réalisé certaines qualités de son mari, dit-elle. « La grosseur ! » Mais ce n’est pas assez pour la ramener à lui. « C’est trop peu, trop tard… », laisse-t-elle tomber.

Elle n’est pas folle. Elle sait bien que, tôt ou tard, son couple craquera. Et elle a peur. Parce que son fameux « modèle des années 50 » en est un peu un. « Chez nous, j’ai longtemps été une femme au foyer. Lui, il avait un gros salaire. » 

Un gros salaire qui ne l’empêche pas de manquer d’attention, d’être désintéressé, et d’ignorer, après 15 ans de vie commune, qu’elle n’aime pas le ketchup sur ses hot-dogs, dit-elle, visiblement amère.

Voilà pourquoi elle ne se sent pas tant coupable, finalement. « On a tous un petit ange et un petit diable. Moi, mon ange a toujours été ben, ben plus fort. Je n’ai jamais fait de conneries. J’ai toujours été sage. Pour une fois dans ma vie, c’est comme si mon démon l’avait emporté. Et c’est bon ! », conclut-elle, en applaudissant carrément.

* Nom fictif, pour protéger son anonymat