Arts et être vous propose chaque dimanche un témoignage qui vise à illustrer ce qui se passe réellement derrière la porte de la chambre à coucher, dans l’intimité, loin, bien loin des statistiques et des normes.
Cette semaine : Amanda*, 47 ans

Amanda* a été en couple 10 ans. Avec son conjoint, elle a fondé une famille, eu des enfants, une maison, la vie classique, quoi. La vie comme il se doit. Et puis dernièrement, basta. Elle en a eu assez des conventions. Elle s’est séparée, émancipée, et savoure depuis pleinement sa liberté. Portrait d’une femme libérée à la sexualité franchement assumée.

La souriante quadragénaire nous a donné rendez-vous sur une terrasse ensoleillée, dans un quartier branché de Montréal. Derrière ses grosses lunettes fumées, les cheveux au vent, on devine une femme au look naturel, avec peu, voire pas de maquillage. Au premier coup d’œil, disons que rien ne laisse présager une femme particulièrement libérée. Et pourtant.

« Très tôt, j’ai eu une vie sexuelle très fournie. Remplie », déclare-t-elle d’emblée. Exemple ? « J’ai fait ma première pipe dans une voiture à 14 ans avec un gars plus âgé, illustre-t-elle. J’ai toujours aimé ça. Avec les filles aussi, j’ai eu des rapports assez tôt, la découverte des corps, wow, se déshabiller, faire semblant de… » Et avec le père de ses enfants ? « Sexuellement, c’était très bien. Ce que je voulais, je l’ai eu. J’ai joui très rapidement. Je sais ce que j’aime. Avec lui, ça a toujours été très bien. » La preuve : une semaine avant de le quitter, ils faisaient encore l’amour à la sauvette, dans la salle de bains. « Pour lui, ça a été difficile, il ne comprend pas… », laisse-t-elle d’ailleurs tomber. On comprend à demi-mot que si elle est partie, c’est à cause de leur vie en général, et non de leur sexualité en particulier.

Mais moi, à 47 ans, j’ai cette maturité sexuelle : j’ai le discernement, je dissocie ce qu’est le plaisir charnel du corps, à l’état brut, de l’attachement, du sentiment…

Amanda

Elle a sans doute dû travailler longtemps sur elle pour en arriver à ce constat. C’est qu’une fois séparée, Amanda a d’abord cherché à se recaser. Parce que c’est ce qu’on fait, quand on se sépare. « Et j’avais cette ambition. » Mais une thérapie plus tard, elle a tout remis en question : « Tu fais les choses socialement parce qu’il est dit que, résume-t-elle. Mais toi, qu’est-ce que tu veux vraiment ? » La réponse s’est manifestée par un coup de fil. Un appel d’un ancien « ami/amant » de plus de 20 ans. « Une personne très sexuelle, résume-t-elle. Et là, c’est parti… »

C’est parti ? « Depuis, c’est parti, répète-t-elle. Avec lui, je peux pleinement assouvir mes fantasmes, quels qu’ils soient. » Elle sourit à pleines dents. Tout à coup, on découvre devant nous une quadragénaire en pleine possession de ses moyens. Rayonnante. Loquace, en prime. Elle confirme. « Il y a une notion de fuck off. Je veux vivre pleinement qui je suis. J’ai confiance en moi. Professionnellement, je sais où je vais. » Il faut dire que ses enfants sont (presque) élevés, elle est célibataire, bref elle n’a de comptes à rendre à personne. Et elle en profite. Enfin, pourrions-nous ajouter.

Concrètement, avec ce « partenaire sexuel favori », son « premier » ou son « best », comme elle dit, elle fréquente des sites échangistes. Elle est aussi sur des sites de rencontre libertins, a des rapports avec d’autres « personnes », même si ultimement, c’est ensemble qu’ils aiment par-dessus tout échanger (aux sens propre et figuré) et explorer (à deux, trois, ou quatre), s’étant en outre découvert un intérêt manifeste pour le « caudalisme » (« prendre plaisir à voir son partenaire baiser avec d’autres », cite-t-elle).

On se parle beaucoup de nos rapports l’un à l’autre, l’un de l’autre, je te jure, il y a un plaisir ! Des fois, je me demande si on n’est pas un peu pervers !

Amanda

Elle pouffe de rire. Quelque part, ne forment-ils pas un couple, ose-t-on demander ? « Non, répond-elle sans hésiter. Parce que socialement, on ne sort pas ensemble. » Il faut dire qu’elle ne nous a pas encore tout dit. C’est que ce « best » est aussi travesti. « On a découvert ça ensemble, sourit-elle. Et là, on a un mélange des genres assez extraordinaire. Moi aussi, je suis quelqu’un de bi. » Et ? « J’adore complètement. Et lui, ça le fait tripper parce qu’il le voit bien que je trouve ça beau. À travers ça, moi j’assouvis certainement mon côté… »

Vous l’aurez remarqué, Amanda laisse souvent ses phrases en suspens. Ce qui ne l’empêche pas de poursuivre avec le même entrain, le même rationnel, sans lésiner sur les détails. Elle raconte alors qu’ils ont découvert ensemble le BDSM, qu’elle est tantôt dominatrice (« s’il y a plusieurs partenaires, c’est moi qui domine »), tantôt soumise (« si c’est juste lui »). « Il y a quelque chose dans la domination, dans le jeu, dans le plaisir du partenaire d’assez intéressant », note-t-elle.

Son plus grand, son plus fort orgasme, à vie ? La première fois qu’ils ont fait de l’échangisme, répond-elle, après réflexion. « C’est la première fois où lui, il est arrivé en travesti, se souvient-elle. J’avais la frousse, mais on a fait un show, pas à peu près. Fuck you, s’est-elle dit, je suis là pour m’amuser et je prends mon pied. Avec lui. Il y avait ce pouvoir, ce show, la surprise, l’idée de se dépasser. Une adrénaline ! »

Parlant de pouvoir, Amanda n’a jamais été aussi sûre du sien que depuis cette nouvelle vie. « Je sens une assurance, dit-elle. Ça va au-delà du sexe. Ça amène une confiance ! » Elle se connaît mieux, aussi.

Moi, personnellement, je suis une personne sexuelle. J’en veux, j’en mange. Quand je sors du bureau, il y en a qui vont courir, moi je peux caller quelqu’un pour des échanges corporels. Ça me décharge.

Amanda

Chose certaine, elle n’a pas, mais pas du tout envie de changer de mode de vie. Celui-ci lui convient parfaitement. « Je ne pense pas que j’ai envie d’une vie rangée. Avec un partenaire. Je ne veux pas faire plaisir à… Je veux que ce soit mon plaisir avant tout. » La liberté, comme valeur ultime, quoi. « Il ne faut pas avoir peur de s’affranchir, conclut-elle d’ailleurs, s’affranchir de cette vie imposée socialement. De ce carcan familial. Il faut faire la part des choses entre ce qui appartient à la société, à l’éducation, et ce que moi, je veux… »

* Nom fictif, pour protéger son anonymat