Quand Geneviève Garon était au plus profond de sa souffrance, elle avait besoin d’entendre des histoires comme la sienne. Pour s’y retrouver, savoir qu’elle n’était pas seule, pas folle, et pas incurable. C’était dans les années 2018 à 2020, alors qu’elle était en thérapie pour soigner son trouble alimentaire.

« Le jour, en thérapie de groupe, j’entendais les autres filles parler, mais de retour à la maison, je ne trouvais pas de balado ou de documentaire en français. Il y avait La peau et les os, de l’ONF, mais ça date des années 1980... » Ce que Geneviève cherchait surtout, c’était les histoires qui donnent espoir.

Un projet actualisé

Ce projet dont elle aurait eu besoin, la journaliste Geneviève Garon y travaille depuis deux ans, aux côtés du réalisateur Martin Girard. Et il est fin prêt, à temps pour la Semaine nationale de sensibilisation aux troubles alimentaires. Divisée en sept épisodes, Dans le trouble plonge l’auditeur dans la réalité des troubles alimentaires à travers celles et ceux qui les vivent ou qui les ont vécus : Catherine, Ariane, Mégane et sa maman, Caroline, Marie-Pier et son conjoint, Antoine, David, Geneviève.

L’émission balado est d’abord destinée aux gens qui en sont atteints et à leurs proches, mais tout le monde peut y trouver son compte : avec sa propre histoire en filigrane, Geneviève Garon propose une incursion sensible, émouvante et sans tabou dans l’univers des troubles alimentaires et la psyché de celles et ceux qui en souffrent. Peu importe le type de trouble, l’âge et même le sexe, cette souffrance a quelque chose d’universel, constate Geneviève Garon, surprise de s’être à ce point retrouvée dans le témoignage d’un homme – l’enseignant Antoine. « Dans ses pensées par rapport à la réussite, à la rigueur », dit-elle.

Qu’ont en commun tous ces gens ?

Geneviève Garon prend un moment pour réfléchir. « C’est souvent d’avoir l’impression d’avoir toujours agi en fonction de ce que les autres attendent de soi, sans nécessairement savoir ce que, toi, tu veux réellement, illustre la jeune femme, rencontrée dans son lumineux condo, à Montréal. Et puis, c’est une façon de gérer l’anxiété quand, des fois, tu as l’impression de ne rien contrôler. »

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, LA PRESSE

Geneviève Garon

Pour certains d’entre eux, comme Catherine, hospitalisée trois fois en deux ans, les choses sont encore difficiles. « Mais il y en a aussi qui vont très, très bien, dit Geneviève Garon. Ça permet de voir qu’on a raison d’avoir espoir de se rétablir. » De se rétablir, mais aussi « de faire des choses qu’on n’aurait jamais pensé pouvoir faire avant ».

Animatrice de D’abord l’info week-end à RDI, Geneviève Garon n’aurait jamais pensé retourner à l’Institut Douglas non plus comme patiente, mais comme journaliste. Non plus fragile, mais solide.

Quand je passais mes journées au Douglas, il y a des moments où je me sentais très loin de la vie que je voulais avoir. D’y retourner, ça m’a donné l’impression de boucler la boucle. C’était un peu comme retrouver mon identité là-dedans.

Geneviève Garon

Donner de l’espoir

Geneviève doutait qu’elle puisse un jour manger ce que les autres mangent « avec bonheur », et vivre sans « s’entraîner tout le temps ». C’est pourtant ce qui lui arrive. « Je vais beaucoup mieux, mieux encore que lorsque j’en avais parlé il y a trois ans », dit-elle, en faisant allusion à son passage Tout le monde en parle, en 2020. Elle avait été invitée à l’émission après s’être ouverte sur son trouble alimentaire, sur Facebook. Elle voulait alors expliquer ses absences du travail (elle avait eu deux arrêts de plusieurs mois entre 2018 et 2020), mais aussi briser le silence et la honte.

« Ce qui reste, ce sont des petites parcelles de troubles alimentaires par-ci, par-là qui s’en vont graduellement. L’ambivalence, elle n’est plus là, explique Geneviève. Il n’y a aucun bonheur là-dedans. Je le sais. »

Les rencontres qu’elle fait au fil de l’émission balado mettent bien en lumière cette ambivalence devant le rétablissement. Au plus bas, Geneviève Garon se disait qu’il valait mieux être maigre et malheureuse que grosse et malheureuse.

Mais quand tu te remets à être mieux alimenté, tout s’éclaircit dans ta tête. Les choses qui étaient extrêmement lourdes deviennent plus tolérables. La vie devient un petit peu plus douce chaque fois. Et à un moment donné, tu ne veux plus revenir en arrière.

Geneviève Garon

Comme société, dit-elle, il faut continuer à réfléchir à notre rapport à la nourriture et à la diversité corporelle, à cette tendance à glorifier la « discipline » alimentaire, à nos commentaires sur l’apparence. « On le voit dans la série : il y a bien des gens qui ont entendu un commentaire, enfant, et qui s’en souviennent encore 20 ans plus tard », dit-elle.

Ce que Geneviève Garon souhaite surtout, « c’est donner de l’espoir aux gens qui pourraient se reconnaître à travers les témoignages, et comprendre qu’ils peuvent se faire confiance et faire confiance à leur corps, dit-elle. Il faut juste se donner la chance, commencer un cheminement, une thérapie. Parce que ça ne partira pas tout seul ».

Une semaine pour sensibiliser

Organisée depuis 2014 par Anorexie et boulimie Québec (ANEB) et la Maison l’Éclaircie, la Semaine nationale de sensibilisation aux troubles alimentaires se déroule cette année du 1er au 7 février. Différents évènements sont organisés, dont une conférence et un atelier en ligne gratuits. En 2023, ANEB a offert des services à 24 202 personnes, une hausse de 40 % depuis la période prépandémie. De plus en plus de jeunes enfants se tournent vers l’organisme, et les gens présentent des cas de plus en plus graves.

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