La tendance ugly chic effectue un retour en force cet été. On se promène en Birkenstock, on déambule en sabots et on aime porter nos Crocs avec des vêtements sans forme, pourquoi pas ? Et si le laid était attirant ? C’est ce que disait Miuccia Prada en 1996, quand elle a lancé la tendance.

« Les ugly shoes sont partout et sont devenus cool ! », lance au téléphone Juliette L’Écuyer, journaliste au magazine Elle à Paris. « Cet engouement est dû à plusieurs choses. D’abord, les marques comme Birkenstock, Crocs ou Dr. Scholl’s s’associent à des maisons de luxe comme Dior et Balenciaga et ça crée le buzz, car le luxe s’approprie des modèles de chaussures qui ont longtemps été considérés comme laids ! », dit-elle.

Il y a une vraie euphorie autour de ces collaborations et on peut même se demander s’il n’y a pas une chasse au bon coup de la part des maisons de luxe.

La collection Dior x Birkenstock est un vrai succès, on s’arrache les sandales réinterprétées par Dior, car le luxe est considéré comme beau, artisanal, lié à un grand savoir-faire.

Juliette L’Écuyer, journaliste au magazine Elle à Paris

  • Collection Balenciaga x Crocs

    PHOTO TIRÉE DU SITE WEB DE BALENCIAGA

    Collection Balenciaga x Crocs

  • Collection pour hommes Dior x Birkenstock

    PHOTO TIRÉE DU SITE WEB DE DIOR

    Collection pour hommes Dior x Birkenstock

  • La collection pour hommes Dior x Birkenstock

    PHOTO TIRÉE DU SITE WEB DE DIOR

    La collection pour hommes Dior x Birkenstock

  • Botte rose, Balenciaga, en collaboration avec Crocs

    PHOTO TIRÉE DU SITE WEB BALENCIAGA

    Botte rose, Balenciaga, en collaboration avec Crocs

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Pour Madeleine Goubau, chargée de cours à l’École supérieure de mode ESG UQAM, le confort est devenu une priorité. « Ces chaussures sont toutes ultraconfortables, voire orthopédiques. On ne fait aucun compromis sur le confort, que ce soit pour les vêtements ou les chaussures. D’ailleurs, on ne voit plus personne porter de talons hauts », indique-t-elle. Sans oublier l’effet des influenceurs. « Ce que portent des influenceurs comme Hailey Bieber, par exemple, les jeunes vont vouloir la même chose, que ce soit beau ou laid. »

La génération Z est ultraconnectée, et s’empare de la tendance ugly chic, car c’est une génération qui a un état d’esprit très disruptif, qui a besoin d’originalité et d’individualité. Ils ont envie de casser les codes vestimentaires classiques imposés par la société.

Juliette L’Écuyer, journaliste au magazine Elle à Paris

PHOTO TIRÉE DU COMPTE INSTAGRAM DE BELLA HADID

La mannequin Bella Hadid, 26 ans, n’hésite pas à multiplier ses allures, parfois très décontractées.

Juliette L’Écuyer, qui précise qu’à 29 ans, elle se situe entre les Z et les jeunes millénariaux, croit que cette génération veut se démarquer, repense les styles et a une façon différente de voir les vêtements. « Il y a un côté rébellion face aux règles imposées de la mode. Ils ont une grande liberté, mélangent les imprimés, portent des vêtements difformes. Il y a même des vêtements qui sont détournés de leur fonction originelle, un pantalon qu’on va mettre en haut, les marques proposent des choses invraisemblables, à tel point qu’on se demande parfois si c’est un vêtement ! », dit cette Parisienne d’adoption, qui vient de Metz, dans l’est de la France.

Le style chic parisien dont le monde entier s’inspire est-il en train de perdre de son éclat ? « Oui, car la nouvelle génération bouscule tout et ne s’identifie pas au style de la Parisienne. Il y a un vrai virage. On ne veut plus du style chic et classique de la Parisienne, on veut plus d’originalité. On souhaite avoir un style unique et se démarquer », constate Juliette L’Écuyer.

Le beau et le laid

Qui détermine ce qui est beau et ce qui est laid ? Ce qui est de bon goût ou de mauvais goût ? Cette question a été traitée par le sociologue français Pierre Bourdieu, qui considère que le bon goût est l’expression de la classe dominante, la bourgeoisie qui estime avoir le monopole du bon goût.

D’un point de vue mode, il n’y a plus d’arbitres du beau et du laid. Avant, il y avait les créateurs des grandes marques, certaines célébrités et les rédactrices en chef des magazines de mode, mais aujourd’hui, ce n’est plus le cas. Il n’y a plus de monopole de la dictature du beau.

Madeleine Goubau, chargée de cours à l’École supérieure de mode ESG UQAM

« Les grandes maisons de couture, en présentant leurs défilés, avaient autrefois ce pouvoir de déterminer le beau, mais aujourd’hui, ces mêmes maisons de luxe se questionnent sur la beauté et la laideur, et s’emparent du phénomène ugly chic pour aller à contre-courant », pense Juliette L’Écuyer.

Même s’il y a une plus grande liberté, le laid reste-t-il éphémère ? « Il est très difficile de pérenniser le laid, surtout quand une marque crée un buzz avec une collection de Crocs, par exemple, ça ne dure jamais très longtemps. Mais en même temps, on voit que le succès des Birkenstock dure et qu’on a adopté les bottes de pluie Hunter, portées par Kate Moss [en 2005] », conclut Madeleine Goubau.