Timothée Chalamet a le sens du style et de l’audace. Chaque fois qu’il apparaît sur un tapis rouge, il crée l’évènement. Il ose les paillettes, le dos nu, tout comme Harry Styles qui porte des costumes fleuris, des boas autour du cou et des jupes et robes. Les codes de la masculinité sont-ils en train de changer ?
Chez nous, les animateurs Angelo Cadet, Jay Du Temple et Jean-Philippe Wauthier se sont démarqués au fil des années avec des style audacieux et qui sortent de la norme masculine. « Quelle que soit l’époque, il y a toujours eu des personnages iconoclastes et différents », lance Thierry Tessier, historien français de la mode. Il cite en exemple le dandy, qui voulait casser les règles mondaines dès 1800. « Dans le langage courant, un dandy est un homme élégant, mais le dandysme est un courant de mode et de société qui vient de l’Angleterre, entre 1800 et 1825. C’était un état d’esprit, un style excentrique et une volonté d’être anticonformiste », explique-t-il. « Il y a toujours eu des électrons libres, et heureusement. Quand on voit ces deux artistes qui portent des tenues qui ne sont pas logiquement de leur genre, il y a clairement la volonté de casser les codes, d’être audacieux et créatif », estime le professeur d’histoire de la mode.
Liberté d’expression
« Comment définir la masculinité ? La féminité ? », s’interroge Alexis Walker, conservatrice associée, costume, mode et textiles, au musée McCord Stewart.
Peut-être est-ce une question de génération, car chez les jeunes, la question du genre ne s’applique pas, il y a cette liberté d’expression qui est formidable. Je vois la mode comme une force sociale, et ce qu’on porte représente ce que nous sommes et ce qu’on pense.
Alexis Walker, conservatrice associée, costume, mode et textiles, au musée McCord Stewart
Un avis que partage l’animateur et metteur en scène Angelo Cadet, qui depuis longtemps porte des tenues flamboyantes. « Depuis quelques années, je vois que la jeune génération est férue de mode. C’est sa façon de s’exprimer et de s’affirmer. Il n’y a pas de limites, et elle se fout des genres. »
Il se souvient que, plus jeune, il allait fouiller dans la garde-robe de ses sœurs pour prendre leurs blouses. « Il y avait beaucoup d’allures androgynes dans les années 1970-1980, il y a eu David Bowie, Prince, Boy George, le groupe Duran Duran. Je mettais du khôl sur mes yeux, je portais des souliers léopard et des vêtements flyés, c’était une façon de m’affirmer face à ma communauté haïtienne de l’époque, plus traditionnelle », explique-t-il.
« Aujourd’hui, il n’y a plus ces frontières, lance Angelo Cadet. Les silhouettes ont changé, on le voit dans les défilés. Beaucoup de vêtements sont unisexes et il y a de la couleur, alors qu’avant le seul fait de porter du rose était jugé comme étant féminin ou extravagant ! »
S’affranchir des barrières sexuelles
Le couturier français Jean Paul Gaultier a beaucoup joué sur le mélange des genres. En 1985, il a présenté Et Dieu créa l’Homme, un défilé unisexe avec des jupes pour hommes. « Dans la mode masculine, il y a toujours eu cette tension entre les excès et la retenue, autant elle peut être très expressive et originale, mais aussi très restrictive », admet Alexis Walker, qui constate des changements dans l’industrie.
La mode est plus inclusive et célèbre la diversité des genres. Cette idée de flamboyance commence à être plus courante au quotidien dans la mode, et j’espère que c’est juste le début, mais en même temps, il y a ce courant très conservateur que nous avons dans notre société.
Alexis Walker, conservatrice associée, costume, mode et textiles, au musée McCord Stewart
Thierry Tessier, qui enseigne à Paris, constate la volonté chez ses étudiants de s’affranchir des barrières sexuelles. « Ils portent des jupes, ce que je ne voyais jamais avant. Cette génération qui a été enfermée pendant près de deux ans avec la pandémie a une furieuse envie de s’exprimer, de casser les carcans moralisateurs, mais en même temps, Paris est une ville très bourgeoise et conservatrice. Je me demande s’il ne va pas y avoir un conflit sociétal entre les moins de 22 ans et les plus de 45 ans ! dit le professeur. Il ne faut pas sous-estimer la mode, car elle touche à tous les aspects de la vie. La mode, c’est de la sociologie, de la culture, de l’économie et de la philosophie. »
Alexis Walker croit qu’un nouveau type d’homme commence à émerger et que Harry Styles représente cette idée de masculinité alternative. « La mode masculine a longtemps été représentée en majorité par les valeurs du bourgeois. Il y avait cette idée du pouvoir, du contrôle de soi et de la sobriété dans son allure. Mais c’est en train de changer, heureusement », croit-elle.