Le ministère de la Famille cherche à recruter des milliers d’éducatrices et d’éducateurs de la petite enfance d’ici 2026. Alors que la sous-valorisation de la profession est décriée par différents acteurs du milieu, La Presse a voulu savoir à quoi ressemble réellement une journée dans un CPE, à travers les rires et les pleurs de nos petits cœurs. Compte rendu.

8 h

PHOTO MARTIN TREMBLAY, LA PRESSE

Le local des Crocodiles et des Lions

Lundi 23 octobre. Malgré l’heure matinale, il y a beaucoup d’action au CPE de Boucherville, qui accueille La Presse à l’occasion de la Semaine nationale des éducatrices et éducateurs de la petite enfance, qui avait lieu en octobre. Dans le local des Crocodiles et des Lions, où sont regroupés des enfants de 18 mois à 4 ans, des apprentis pilotes conduisent des voitures imaginaires, des dinosaures rugissent et un petit cuistot fait chauffer un délicieux repas… dans un four à micro-ondes en bois. « Attention ! C’est chaud ! », le prévient Greyssy Perez-Martinez, en soufflant sur l’assiette vide.

Depuis 7 h, les tout-petits arrivent les uns après les autres au CPE. « Je suis contente de te voir », lance l’éducatrice à un garçon qui vient d’entrer dans le local. En guise de réponse, elle reçoit un gros câlin.

C’est tellement valorisant d’être avec les enfants. […] On voit des sourires tous les matins ».

Greyssy Perez-Martinez, éducatrice au CPE de Boucherville

Pour une fillette, ce début de semaine est plus difficile. Son sourire se transforme en pleurs lorsque son père quitte la pièce. Son éducatrice Nancy Théberge la console en la berçant. La peine s’estompe rapidement.

9 h

  • Les lumières s’éteignent. La plupart des enfants arrêtent immédiatement de jouer. Habitués à la routine, ils savent que c’est le moment de ranger. Au son d’une comptine, morceaux de casse-tête et figurines retournent dans leurs bacs respectifs. L’heure de la collation est arrivée.

    PHOTO MARTIN TREMBLAY, LA PRESSE

    Les lumières s’éteignent. La plupart des enfants arrêtent immédiatement de jouer. Habitués à la routine, ils savent que c’est le moment de ranger. Au son d’une comptine, morceaux de casse-tête et figurines retournent dans leurs bacs respectifs. L’heure de la collation est arrivée.

  • À tour de rôle, chaque enfant se rend au lavabo pour se laver les mains avec l’aide de son éducatrice. Pour patienter, les tout-petits dévorent des livres.

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    À tour de rôle, chaque enfant se rend au lavabo pour se laver les mains avec l’aide de son éducatrice. Pour patienter, les tout-petits dévorent des livres.

  • « Qu’est-ce qu’on mange ce matin, les Lions ? », demande Greyssy Perez-Martinez. Certains nomment les fruits qu’ils voient : des pommes, des oranges et du melon d’eau.

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    « Qu’est-ce qu’on mange ce matin, les Lions ? », demande Greyssy Perez-Martinez. Certains nomment les fruits qu’ils voient : des pommes, des oranges et du melon d’eau.

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9 h 20

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Le coin maison

Pendant que les éducatrices nettoient les tables, les enfants sont heureux de retourner jouer. Le coin maison est particulièrement populaire ce matin, car de nouveaux berceaux pour les poupées y sont apparus. « On voyait vraiment qu’il y avait de l’intérêt pour les bébés, mais on trouvait qu’il manquait de choses dans ce coin-là », explique Greyssy Perez-Martinez. Observer tous les enfants puis proposer des activités ou des jouets en lien avec leurs champs d’intérêt est un des rôles importants des éducatrices, souligne la directrice adjointe du CPE de Boucherville, Janick Lafrenière.

9 h 45

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On joue au vétérinaire.

Deux enfants se pourchassent dans le local. Greyssy Perez-Martinez, qui travaille dans le domaine depuis 2018, en déduit qu’ils s’ennuient. Elle leur montre donc comment jouer au vétérinaire. Très vite, un attroupement se crée autour d’elle.

Quand l’enfant s’occupe, qu’il joue, qu’il explore ses intérêts, on fait beaucoup moins d’interventions dites négatives.

Greyssy Perez-Martinez

Pendant ce temps, Nancy Théberge change les couches des petits Crocodiles. Dans son groupe, six enfants sur huit en portent, glisse l’éducatrice qui compte 32 années d’expérience. « Ça fait beaucoup de couches ! » Alors que certains pourraient y voir une tâche ingrate, la directrice de l’installation, Janick Lafrenière, fait valoir qu’il s’agit d’« un moment privilégié à passer avec les enfants ». « C’est un moment où il y a un échange, un contact visuel, un toucher doux, une discussion. »

10 h

  • Assis devant le calendrier, les enfants tentent de répondre à la question de Nancy Théberge : « Dans quel mois sommes-nous ? » L’éducatrice invite les petits à insérer le mot « octobre » dans leur « tiroir de la mémoire ».

    PHOTO MARTIN TREMBLAY, LA PRESSE

    Assis devant le calendrier, les enfants tentent de répondre à la question de Nancy Théberge : « Dans quel mois sommes-nous ? » L’éducatrice invite les petits à insérer le mot « octobre » dans leur « tiroir de la mémoire ».

  • Après avoir compté le nombre de jours qui les séparent de l’Halloween, les tout-petits chantent des comptines et imitent les squelettes qui dansent le twist. « J’adore chanter avec eux. […] J’aime les tout-petits de 2-3 ans parce qu’ils embarquent comme ça », confie Nancy Théberge, en claquant des doigts.

    PHOTO MARTIN TREMBLAY, LA PRESSE

    Après avoir compté le nombre de jours qui les séparent de l’Halloween, les tout-petits chantent des comptines et imitent les squelettes qui dansent le twist. « J’adore chanter avec eux. […] J’aime les tout-petits de 2-3 ans parce qu’ils embarquent comme ça », confie Nancy Théberge, en claquant des doigts.

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10 h 45

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On s’amuse à l’extérieur.

C’est le moment d’aller jouer dehors. Après un passage au vestiaire lors duquel les éducatrices ont aidé patiemment les enfants à s’habiller, les tout-petits retrouvent leurs amis des autres groupes dans la cour. « On préconise beaucoup le jeu extérieur », affirme Janick Lafrenière.

11 h 45

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La cuisinière Nathalie Bédard

De retour dans un local étonnamment silencieux. Les petites bouches se régalent de la soupe minestrone de la cuisinière Nathalie Bédard. Cette pause n’est que de courte durée. Le repas terminé, certains débordent d’énergie et retournent jouer bruyamment. Au contraire, d’autres, plus petits, sont sur le point de s’assoupir. De 18 mois à 4 ans, les enfants n’ont pas tous les mêmes besoins. « C’est un défi », concède Nancy Théberge, qui aimerait parfois sauter « l’effet brouhaha » vécu après le dîner. Entre le nettoyage des tables, les changements de couche et la préparation du local pour la sieste, les éducatrices doivent aussi gérer quelques conflits.

13 h

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Moment de lecture

« On ouvre grand les yeux, on ouvre grand les oreilles et on zippe la bouche », récitent en chœur les Crocodiles et les Lions. Ils écoutent avec attention l’histoire de Pacôme le fantôme avant de s’installer sur leur matelas respectif. Les deux éducatrices bordent les enfants un à un. Pendant la sieste, elles remplissent les cahiers de communication qui permettent aux parents de connaître le déroulement de la journée.

15 h

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Dans le vestiaire

Les tout-petits se réveillent peu à peu. Pour certains, ce moment est plus difficile. Une fillette pleure. Greyssy Perez-Martinez lui propose un câlin. Après avoir rangé les matelas, la routine de la collation recommence : les petits se lavent les mains et s’installent à la table. La journée se terminera à l’extérieur. Dans le vestiaire, nous disons au revoir au groupe. Émue, nous constatons que certains aimeraient nous voir rester.

Un manque criant de personnel

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Janick Lafrenière, directrice adjointe du CPE de Boucherville

Lors du passage de La Presse au CPE de Boucherville, un groupe a dû être fermé en raison de l’absence imprévue d’une éducatrice. Quelques enfants ont pu être déplacés dans d’autres groupes, mais certaines familles ont été privées de service. « Notre principal enjeu en ce moment, c’est la pénurie de personnel », souligne la directrice adjointe, Janick Lafrenière.

« L’enjeu de la pénurie de main-d’œuvre est pas mal généralisé », confirme Sandro Di Cori, directeur général de l’Association québécoise des CPE, qui regroupe environ 800 membres. Les régions éloignées sont les plus touchées.

Janick Lafrenière et Sandro Di Cori croient que les salaires peu élevés et la sous-valorisation de la profession ne favorisent pas le recrutement. Parmi les idées préconçues que l’éducatrice Greyssy Perez-Martinez a l’habitude d’entendre, il y a le fameux « c’est facile, tu fais juste jouer toute la journée ». « Ça va vraiment au-delà de ça. J’éduque les enfants. Ils apprennent tellement à travers le jeu. »

En savoir plus
  • 18,52 $ l’heure
    Salaire à l’échelon 1 d’une éducatrice non qualifiée. Au dernier échelon, il est de 27,78 $ l’heure.
    21,60 $ l’heure
    Salaire à l’échelon 1 d’une éducatrice qualifiée. Au dernier échelon, il est de 30,03 $ l’heure.
    Source : ministère de la Famille