Votre enfant a déballé ses cadeaux frénétiquement, le papier d’emballage revolant dans les airs. Les nouveaux jouets s’entassent maintenant dans un coin du salon. Bien que vous soyez reconnaissant de la générosité de la parenté, est-ce un beau souvenir de Noël ou la démonstration d’un enfant trop gâté ?

Mère de jumelles de 4 ans et d’un bébé de 1 an, Geneviève Guay a déjà vécu cette scène d’emportement désorganisé, où les enfants deviennent surexcités, voire « fous », devant la montagne de cadeaux à ouvrir.

« C’était la fête des jumelles, raconte cette résidante de la Mauricie, et elles déballaient à la vitesse de l’éclair, sans s’intéresser au jouet et sans remercier la personne qui leur donnait le cadeau. Je n’en revenais pas ! Est-ce que c’était ma faute ? Est-ce que j’avais élevé des monstres ? »

Une fois l’épisode passé, Mme Guay s’est demandé si elle pouvait revenir en arrière. Peut-on « dégâter » ses enfants ?

« Tout se travaille, il n’est jamais trop tard ! », lance la psychoéducatrice Stéphanie Deslauriers, mère d’une fillette de 4 ans.

Selon elle, un peu d’introspection est nécessaire avant d’ouvrir la discussion.

On est le modèle de nos enfants. Quel est notre rapport au matériel et à la consommation ? Il faut être en mesure d’avoir un regard franc et honnête envers soi-même.

Stéphanie Deslauriers, psychoéducatrice

La psychologue Nathalie Parent croit elle aussi que notre propre attitude va beaucoup orienter les enfants : si les parents sont dans l’équilibre lorsqu’ils font des achats, s’ils sont dans la gratitude, il y a de fortes chances que les enfants le seront aussi.

« En tant que parents, si on ne dit jamais “merci”, si on ne reconnaît pas ce que les autres font pour nous, les enfants risquent de retenir cela », indique-t-elle.

Quels indices ?

Mais d’abord, comment savoir si notre enfant est gâté ? S’il passe d’un bien à l’autre sans grand intérêt, s’il ne remercie pas les personnes, s’il tient pour acquis ce qu’il reçoit, bref, s’il n’a pas conscience de ses privilèges, c’est un signe, avancent les deux expertes.

Mme Parent nous invite aussi à observer nos émotions face aux agissements de nos enfants.

Lorsqu’on est irrité par son comportement, qu’on a l’impression par exemple de tout faire, d’être au service de tous les membres de la famille, il est temps d’en parler et de distribuer les tâches.

Nathalie Parent, psychologue

Ian Costa, Montréalais père de deux adolescentes, n’aime pas le mot « gâté », car il croit que cela décrit un état permanent, comme si c’était un fait immuable. « Je ne vois pas ça comme un trait de caractère, mais comme un comportement », confie cet éducateur.

Chez lui, tout le monde a ses responsabilités et ses tâches à faire. Et il a toujours résisté à donner de l’argent pour récompenser les services rendus à la maison. « Ça n’a aucun sens pour moi. On vit tous dans la maison, tout le monde doit mettre la main à la pâte. »

Développer l’empathie

Dans ce même état d’esprit, il se rend chaque année avec sa famille dans un centre de dons pendant la période des Fêtes. « On est à même de constater qu’on est chanceux et que certaines familles ont des besoins non comblés », illustre M. Costa.

Par des petits gestes comme celui-là, les parents peuvent aider leurs enfants à développer des valeurs comme la solidarité, l’empathie, la compassion, l’ouverture – ce qui aide à mettre les choses en perspective.

Mais attention, prévient Stéphanie Deslauriers, il est normal chez les enfants de demander des jeux et des jouets. « C’est attrayant pour eux. L’idée n’est pas d’interdire, mais peut-être de leur apprendre à tolérer un délai, suggère-t-elle. Si on attend à demain ou à après-demain, est-ce qu’il va en reparler ? »

Respecter son budget

Établir un budget, le maintenir et fixer des limites est aussi une bonne façon de ne pas trop gâter son enfant – et de lui montrer la valeur de l’argent.

Dès l’âge de 7 ou 8 ans, un enfant a la maturité de parler de consommation, d’achats, d’argent et de surabondance, croit Nathalie Parent. « Au lieu de sermonner, j’aime bien poser des questions et voir avec l’enfant comment on peut régler la problématique, dit-elle. Comment il voit cela ? Qu’est-ce qu’on peut changer, ensemble ? »

La psychoéducatrice Stéphanie Deslauriers aime offrir des solutions de rechange aux biens matériels offerts en cadeaux : des sorties, des activités, des repas spéciaux, des coupons pour accéder à des surprises ou des privilèges, par exemple.

« C’est une façon de se créer des souvenirs et de mettre de l’avant le fait que le plus important, au fond, c’est le temps passé ensemble », conclut-elle.