Combien de bouteilles d’eau, de sacs réutilisables ou d’accessoires pour le lunch traînent chez vous ? Beaucoup ? Vous n’êtes pas les seuls. Ces objets, vendus comme étant plus écologiques que leurs pendants en plastique, s’accumulent souvent dans nos tiroirs. Pourquoi surconsomme-t-on des objets censés nous durer pour la vie ?

Bouteilles d’eau réutilisables

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L’époque des bouteilles d’eau en plastique est (presque) révolue. De nombreuses personnes possèdent une bouteille qu’elles traînent un peu partout. Et l’habitude est bien ancrée. En 2021, neuf ménages canadiens sur dix comptaient au moins un membre qui utilisait sa propre bouteille d’eau, selon Statistique Canada.

Les entreprises ont remarqué l’engouement pour ces versions réutilisables, dont la dernière coqueluche des adeptes des bouteilles d’eau et de tasses : Stanley. Son modèle Quencher a été vendu à plus de 10 millions d’exemplaires, et les revenus de l’entreprise sont passés de 73 millions US en 2019 à 750 millions US en 2023, selon une projection de CNBC.

Mais comment se retenir devant de nouvelles couleurs, de nouveaux formats et modèles de bouteilles qui font leur apparition presque chaque semaine ? « Une seule bouteille pourrait faire l’affaire, mais on est constamment sollicité », affirme Amélie Guèvremont, professeure titulaire au département de marketing de l’ESG UQAM. Il y a toujours des envies de consommation. »

« Une bouteille d’eau, ce n’est pas grave d’en acheter une. C’est de ne pas la garder et d’en acheter d’autres qui est grave », explique Mélissa de La Fontaine, cofondatrice de la coopérative Incita et conseillère et animatrice mode de vie zéro déchet.

Selon une étude de Quantis, commandée par Nestlé en 2010, une bouteille en aluminium neuve devrait être utilisée de 10 à 20 fois pour compenser son impact environnemental contre celui d’une bouteille en plastique (à usage unique) commercialisée comme durable.

On sous-estime souvent les ressources nécessaires à la fabrication de l’objet et son cycle de vie. Les bouteilles réutilisables en aluminium, en plastique et en acier produisent environ 1,5 kg d’équivalent de dioxyde de carbone, selon l’étude de Quantis et Nestlé. La bouteille en plastique (à usage unique) émet quant à elle un peu moins de 0,15 kg d’équivalent de dioxyde de carbone. « L’objet réutilisable a une plus grosse empreinte environnementale qu’un objet à usage unique. Il va devenir compétitif au moment où il va être utilisé sur plusieurs années », explique Mélissa de La Fontaine.

Accessoires pour le lunch

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Pailles en inox, sacs de collations réutilisables, contenants pour le lunch de tous les formats et designs possibles. Les accessoires pour l’heure du midi pullulent dans les boutiques. Ces objets sont valorisés alors qu’on nous dit de réduire nos déchets, notamment les emballages individuels qui règnent dans les rayons de collations.

Alexandra Perreault se rappelle qu’à ses débuts dans le mode de vie zéro déchet, elle avait acheté plusieurs de ces objets, notamment pour la cuisine et le lunch, qui se sont avérés finalement inutiles. « J’avais acheté des pailles réutilisables et j’étais toute fière de les montrer, mais au bout du compte, je les ai utilisées quatre fois, affirme la présidente du Mouvement zéro déchet Longueuil. En plus, j’avais déjà des pailles à la maison, donc ça crée un autre type de déchet. »

« J’ai des sacs réutilisables de type Ziploc, mais je ne dirais pas aux gens de courir en acheter si tu ne sais pas si tu vas les utiliser, explique Mélissa de La Fontaine. La question est : “Vas-tu, pour de vrai, les utiliser et as-tu besoin d’avoir 14 versions de la même affaire ?” »

Certains accessoires ne contrebalancent même jamais leurs impacts sur l’environnement malgré le nombre d’utilisations. C’est le cas des pailles en bambou et des emballages en cire d’abeille. Une étude publiée en 2021 dans l’International Journal of Life Cycle Assessment a conclu que ceux-ci avaient une incidence supérieure à leurs équivalents en plastique – et même si on les utilise de nombreuses fois – en raison du lavage manuel requis après chaque utilisation.

Sacs réutilisables

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Les sacs réutilisables, grands et petits, s’accumulent sûrement dans votre auto ou vos placards. Sans compter les sacs d’épicerie, qu’on oublie parfois lorsqu’on est arrivé à destination, ce qui nous force… à en racheter.

« Il y a des sacs avec des éditions spéciales, avec des dessins par exemple de designers ou d’artistes locaux. C’est vraiment joli, mais ça donne envie d’en consommer, justement », croit Amélie Guèvremont. En plus d’être un accessoire mode, le sac réutilisable est devenu un incontournable pour le consommateur responsable qui ne devrait jamais magasiner sans lui, dit la professeure.

Alexandra Perreault s’est laissé tenter, il y a quelques années, par des sacs pour le vrac, qui remplacent les petits sacs en plastique pour emballer les fruits et légumes à l’épicerie. Une sorte de leurre, selon elle, puisqu’elle n’utilisait pas plus les sacs en plastique que les sacs en vrac lors de ses courses.

Un sac en coton, par exemple, devrait être utilisé au moins 7100 fois pour constituer une véritable solution de rechange écologique au sac en plastique classique, selon une estimation de 2018 de l’agence danoise de protection de l’environnement, en raison des grandes quantités d’énergie et d’eau nécessaires à sa production et de son effet sur la couche d’ozone. Les sacs en coton sont également difficiles à recycler, ce qui réduit leurs qualités environnementales.

De 7000 à 29 000 litres d’eau

Nombre de litres d’eau nécessaire pour faire pousser 1 kg de coton

Source : Fonds mondial pour la nature

Que faire ?

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« C’est difficile d’aller à contre-courant du marketing. Le marketing est très, très fort, c’est puissant », concède Alexandra Perreault, qui croit que le mouvement zéro déchet a peut-être été repris par des entreprises pour faire vendre de nouveaux objets.

Mélissa de La Fontaine parle carrément de « reformater » son cerveau pour penser différemment. On doit prendre conscience tout d’abord de nos habitudes d’achat et de nos besoins, dit-elle, et ensuite on peut se demander si on a vraiment besoin du nouvel objet écologique à la mode.

Alexandra Perreault propose de fouiller chez soi en premier pour voir si on n’a pas déjà quelque chose qui pourrait remplir la fonction souhaitée. Sinon, on peut emprunter l’objet convoité. On peut aussi regarder du côté de l’usagé avant de lorgner du côté du neuf. Mais, il ne faut pas viser la perfection, rappelle-t-elle. On y va un pas à la fois.