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Depuis six ans, la policière Joannie Boulanger est inséparable de son berger allemand Jeff. Jour et nuit, puisque les chiens de l’unité canine du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) ne quittent pas leur maître quand leur quart de travail est terminé. « Ce n’est pas juste un métier, mais de l’engagement et une passion. »

« C’est prenant », convient aussi l’agente. Mais c’est ce qu’elle souhaitait. Il lui a même fallu plusieurs essais avant qu’elle obtienne son poste pour lequel il y a plus d’appelés que la douzaine d’élus.

Joannie Boulanger a eu le « coup de foudre » pour l’unité canine au cours d’une intervention. « C’était pour une introduction par effraction. Un suspect était entré dans un commerce, puis nous l’avons localisé avec le maître-chien, raconte-t-elle. J’étais impressionnée. On pouvait pratiquer le métier de policier avec un chien comme outil de travail. »

PHOTO FRANÇOIS ROY, LA PRESSE

Joannie Boulanger a 38 ans et compte 17 ans de service au SPVM.

La mère de deux enfants de 6 et 10 ans parle de Jeff comme d’un « outil de travail », mais aussi comme d’un « membre de la famille ».

« On amène le travail à la maison, renchérit son collègue Patrick Desjardins, dont le compère s’appelle Monty. Mais il y a une grande différence entre un chien de famille et un chien de travail. »

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Monty est un berger allemand.

Beaucoup de temps

Les deux policiers ont été la famille d’accueil de leur chien avant de rejoindre officiellement les rangs de l’unité canine. Ensuite, un an d’entraînement est nécessaire avant d’intervenir sur le terrain. Et ils devront recommencer quand ils changeront de chien. « C’est un travail de longue haleine avec des petites victoires chaque jour. Mais pour les chiens, c’est du jeu », indique Patrick Desjardins.

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La première unité canine a existé pendant quelques années avant d’être abolie en 1972. Un projet pilote l’a fait renaître en 1995 avec un vif succès.

Depuis quelques années, l’unité canine partage sur le mont Royal un bâtiment avec la cavalerie, la plus vieille unité spéciale du SPVM⁠1. Les chevaux passent la nuit à l’écurie alors que les chiens suivent leur maître 24 heures sur 24, 7 jours sur 7 (en restant toutefois à l’extérieur de la maison dans un enclos avec une niche chauffée).

Dans l’écurie, Merlin est, à 22 ans, le cheval le plus âgé. Il approche de la retraite. Dans l’unité canine, les bêtes cessent de « travailler » beaucoup plus tôt, vers l’âge de 8 ans. Dans les deux cas, les animaux peuvent ensuite être adoptés par leur fidèle compagnon policier.

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Les maîtres de Jeff et de Monty les décrivent affectueusement comme deux « bougonneux » à la loyauté exemplaire.

Comme tous leurs collègues de l’unité canine, Monty et Jeff sont généralistes avec une spécialité en détection de stupéfiants, mais aussi d’armes à feu et d’argent.

Patrick Desjardins raconte comment il a été fier de Monty quand le chien a trouvé un suspect caché dans une cour après une fusillade. Détail : ce dernier avait aussi un kilo de cocaïne et une arme à feu chargée. « C’était vraiment impressionnant. »

« Ce qui me rend le plus fière, c’est quand je n’y serais pas arrivée sans mon chien », lance Joannie Boulanger.

Selon elle, 70 % des recherches de suspect que mène actuellement son chien Jeff sont pour des vols de voiture. Souvent, les voleurs pourchassés par les policiers abandonnent le véhicule et prennent la fuite. « Nos chiens sont entraînés pour suivre l’odeur humaine. »

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Jeff a trouvé devant nous en quelques secondes des douilles cachées.

« Les chiens ont des bonnes et des mauvaises journées. On se remet constamment en question sur ce qu’on doit travailler avec eux », souligne Joannie Boulanger.

L’entraînement se fait selon trois disciplines (détection, recherche, agilité). Or, les molosses devinent quand la personne qu’ils doivent trouver est un suspect et non un policier qui le fait pour s’exercer. C’est grâce aux phéromones, qui permettent aux chiens de détecter des odeurs liées à l’anxiété et à la peur.

Monty aurait pu y passer en 2021. Son maître et lui accompagnaient le Groupe tactique d’intervention pour un homme barricadé dans une maison qui menaçait des membres de sa famille. Quand Monty a trouvé le suspect en crise, ce dernier l’a coupé à la gorge avec de la vitre. « Heureusement, c’était dans le gras du cou, raconte Patrick Desjardins. Monty s’en est remis en quelques semaines. »

Non seulement Monty s’en est remis, mais l’Association des médecins vétérinaires du Québec (AMVQ) l’a aussi intronisé au Panthéon québécois des animaux – dans la catégorie professionnelle.

Consultez le site du Panthéon québécois des animaux

PHOTO FOURNIE PAR L’ASSOCIATION DES MÉDECINS VÉTÉRINAIRES DU QUÉBEC

Patrick Desjardins avec Monty lors de la cérémonie

Du dévouement

Les maîtres-chiens ont un grand engagement émotif envers leur animal. Ils lui consacrent aussi beaucoup de temps et de soins en dehors des heures de travail.

En décembre dernier, Jeff a dû être opéré d’urgence après avoir mangé du tissu. Joannie a passé son temps des Fêtes à lui prodiguer des soins. C’est sans compter que le berger allemand a une alimentation crue spéciale avec des suppléments, indique Joannie. « Son estomac est fragile. »

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C’est le temps de la récompense.

L’odorat d’un chien est de 10 000 à 20 000 fois supérieur à celui de l’homme. Selon le SPVM, un chien de l’unité canine accomplit en une heure de recherche extérieure l’équivalent du travail de 30 policiers.

Les maîtres-chiens travaillent avec beaucoup d’inconnues et d’imprévus. « C’est un être vivant », dit Patrick Desjardins. « Qui ne parle pas », ajoute Joannie Boulanger avant de dire, en conclusion :

« Je sais que nos collègues de la cavalerie vous ont dit qu’ils ont la plus belle job au monde, mais c’est nous qui l’avons ! »

1. Lisez l’article « Être policière... à cheval »