Mercredi 7 février, 16 h, sur le mont Royal, à l’écurie du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM).
Myriam Murray Langlois guide son cheval Pacific à l’intérieur d’une remorque. La policière et sa collègue doivent se rendre à Dollard-des-Ormeaux, où, la veille, un homme a été abattu par balle1. Leur rôle ? Sécuriser le voisinage, mais aussi jaser avec les gens pour possiblement recueillir des informations.
« Quand il se passe quelque chose, on veut être présents », fait valoir Myriam Murray Langlois, défaisant l’idée que la cavalerie est là où les policiers vont finir leur carrière en douce avant la retraite.
On voit des policiers à cheval dans les fêtes de quartier ou en balade sur la montagne. Mais le rôle de la plus vieille unité du SPVM, instituée en 1885, va bien au-delà de la surveillance. La cavalerie peut être déployée dans tous les arrondissements de l’île, de son propre chef ou à la demande d’un poste de quartier.
« On écoute les ondes radio », indique Myriam Murray Langlois, qui a dû récemment intervenir lors d’un conflit violent entre un fils et un père qui avait appelé au 911.
Les chevaux attirent positivement l’attention et nourrissent l’approche de la police communautaire.
Les gens viennent vers l’animal alors qu’ils n’iraient pas vers un policier dans une autopatrouille.
Marie-Ève Dufort, sergente du SPVM
Pendant la période estivale, des policiers à cheval surveillent la sortie des bars sur le boulevard Saint-Laurent les vendredis et samedis. Pour faire circuler les gens et prévenir les attroupements qui tournent mal, ça fonctionne ! « On estime qu’un cheval est l’équivalent de quatre à six policiers au sol. Et c’est beaucoup moins répressif », note Karine Beattie.
Elle et ses collègues de la cavalerie — en grande majorité des femmes — peuvent créer des corridors et des périmètres de sécurité, que ce soit pour immobiliser un suspect ou faciliter le passage d’une ambulance.
Karine Beattie se souviendra toujours d’une intervention menée avec la sergente Marie-Ève Dufort. « Nous étions dans une fête de quartier à Saint-Léonard. Marie-Ève est partie au galop en me disant de la suivre pour un appel d’urgence concernant un bébé en arrêt respiratoire dans une pharmacie, raconte-t-elle. Marie-Ève a géré les chevaux et moi, j’ai fait les manœuvres sur le bébé qui avait un collant coincé dans la gorge… et on lui a sauvé la vie. »
Avec le recul, c’était épique, convient la policière.
Nous avons traversé le boulevard Lacordaire à cheval comme si nous étions des cowboys.
Karine Beattie, cavalière du SPVM
Un rôle en évolution
C’est une chose de monter à cheval le dimanche par plaisir, mais cela en est une autre de le faire sous haute tension, avec de l’équipement armé et un gilet pare-balle qui pèse une douzaine de livres. « Il faut avoir l’instinct de policier et l’instinct de cavalier », résume Karine Beattie.
Et comment les bêtes réagissent-elles à l’intensité d’une métropole ? « Les chevaux ont toujours fait partie de la vie urbaine », répond Marie-Ève Dufort. « Nos chevaux auraient plus peur d’une vache que d’un camion de recyclage », renchérit Karine Beattie.
Même les contraventions se donnent sans même débarquer du cheval !
Pour Marie-Ève Dufort, c’est « la meilleure job sur la planète ». Même un privilège, puisque le seul autre corps policier de la province à avoir une cavalerie est la Sûreté du Québec.
« La cavalerie a passé à travers tellement d’époques. Même en 20 ans, le rôle du cheval dans le travail policier a beaucoup évolué, signale la sergente. Nous sommes en développement constant. Nous sommes les experts et c’est à nous de faire nos preuves et de nous assurer que les commandants comprennent bien ce que nous pouvons faire. »
Aux bons soins
Chose certaine, les chevaux de la cavalerie du SPVM sont traités aux petits oignons. À 22 ans, Merlin est le doyen et il est à l’aube de sa retraite.
L’écurie de la cavalerie du SPVM est située sur la voie Camillien-Houde. Le week-end, les petits et grands qui se baladent sur le mont Royal admirent les bêtes qui prennent l’air dans le manège.
Quatre employés de la Ville — appelés palefreniers — prennent soin des chevaux et entretiennent l’écurie. Après 18 ans de loyaux services, la retraite approche pour celui dont le nom prédestinait son métier : Bob Chevalier ! « Avant, je travaillais chez Blue Bonnets », raconte-t-il.
« Nous sommes très chanceux », souligne sa collègue Gabrielle Bissonnette, « tombée en amour » avec l’écurie sur la montagne.
En plus d’avoir une entraîneuse à temps plein, les chevaux bénéficient de différents soins, comme de l’ostéopathie et de l’acupuncture.
Les chevaux ne sont pas juste un outil de travail ou un partenaire : on les aime d’amour.
Karine Beattie, cavalière du SPVM
Plus d’appelés que d’élus
Les policiers qui souhaitent rejoindre les rangs de la cavalerie doivent réussir une entrevue, un test physique et une épreuve à cheval. Ils se retrouvent ensuite sur une liste, puis par ordre d’ancienneté, ils seront d’abord attitrés à des assignations occasionnelles avant d’obtenir un des douze postes.
Comme Myriam Murray Langlois, certains agents montent à cheval depuis leur enfance, alors que d’autres l’apprennent sur le tard.
Karine Beattie a grandi dans Ville-Émard en rêvant de faire de l’équitation, mais ce n’était pas une activité abordable pour ses parents. Plus tard, c’est toutefois devenu un privilège qu’elle a pu offrir à sa fille. « J’étais dans les gradins à la regarder et je me suis dit : pourquoi l’envier quand je pourrais me lancer ? »
Dès qu’elle a obtenu le brevet de cavalier requis (celui du niveau 3), elle l’a fait savoir aux ressources humaines, puis elle a rejoint la cavalerie après 15 ans à la patrouille.
Souvent, il lui arrive après une journée de travail de se pincer en disant : « Wow, j’étais à cheval. »
1. Lisez l’article « Un homme tué par balle à Dollard-des-Ormeaux »