Notre journaliste se balade dans le Grand Montréal pour parler de gens, d’évènements ou de lieux qui font battre le cœur de leur quartier.

« C’est un beau problème, comme on dit. Et c’est juste le début », lance Gilles Parent, à la fois ravi et dépassé de voir autant de gens affluer et trimballer des sacs remplis d’objets que d’autres considéreraient comme des « Serpuariens ».

À 16 h, le Repair Café est à peine officiellement commencé que chaque bénévole-réparateur est déjà jumelé avec une personne qui a un objet à faire réparer. Pendant ce temps, la file s’allonge pour s’inscrire.

Que sont les Repair Cafés, de plus en plus nombreux et populaires ? Grâce à des bénévoles aux doigts de fée, les cafés de réparation permettent aux gens de donner une deuxième vie à un grille-pain ou à un appareil électronique au lieu de le jeter aux ordures (et d’en commander un nouveau pas cher qui brisera sans doute aussi rapidement à son tour).

PHOTO DOMINICK GRAVEL, LA PRESSE

Selon l’organisateur bénévole Gilles Parent, le taux de réussite des réparations est de 60 %.

« Le concept du Repair Café est né à Amsterdam il y a une quinzaine d’années à l’initiative d’une journaliste qui s’appelle Martine Postma », indique Gilles Parent, organisateur bénévole du Repair Café qui a lieu chaque mois à l’Espace des possibles des Ateliers de la transition socio-écologiques (ATSE).

Aujourd’hui, on compte quelque 3000 Repair Cafés partout dans le monde. Il faut payer une contribution de 75 $ pour utiliser le nom.

Consultez le site de l’organisation mondiale du Repair Café

L’objet le plus réparé : le grille-pain

Dans le Grand Montréal, les Repair Cafés se multiplient, de Pointe-Claire au cégep du Vieux Montréal en passant par Pierrefonds et Longueuil. Chose certaine, la demande est très forte, a-t-on constaté.

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Il y avait foule pour faire réparer des objets de toutes sortes : des lampes, un moniteur pour bébé, des jouets, et même une déchiqueteuse.

Dans la file d’attente, il y avait Nicole, venue tenter de sauver un grille-pain et un hachoir. Grâce à son fils, elle est presque devenue une habituée. Elle a déjà fait réparer un jouet musical et un humidificateur. « C’est bien de pouvoir se servir de nos objets brisés à nouveau. »

Johanne Couture, pour sa part, a bon espoir de donner un nouveau souffle à sa machine à café. « C’est la première fois que je viens. J’habite juste à côté », souligne celle qui a déjà fréquenté l’espace collaboratif des Affûtés boulevard Saint-Laurent, mais qui apprécie la gratuité du Repair Café.

Une autre femme, Ginette Michaud, a sorti de son sac un grille-pain qui date de... 1957 ! « Il appartenait à mes parents », dit-elle.

Enfin, pour compléter le quatuor, une dame espérait pouvoir raccommoder le fil qui lui permet de recharger son aspirateur Dyson. « J’ai déjà fait changer la batterie. »

Après tout, « rien ne se perd, tout se répare », dit le slogan du Repair Café.

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Cette mijoteuse est officiellement réparée !

Transmettre un savoir-faire

Philippe Cloutier était venu expressément de Repentigny pour venir faire réparer le fil d’un dispositif qui contrôle des écouteurs. Avec René Lévesque, informaticien – et non politicien de métier –, il était en bonnes mains. « Mon hobby depuis toujours est de travailler le bois et l’électronique », dit le réparateur bénévole.

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L’idée du Repair Café est aussi d’impliquer les participants et de les familiariser avec les réparations.

Son diagnostic pour l’appareil de Philippe ? « Les fils à l’intérieur ont commencé à briser à l’extérieur de la gaine moulée à l’entrée du dispositif qui est censé les protéger, indique René. Ce qu’on va faire, on va reprendre les fils plus loin et les retenir avec des composants de plastique thermorétractables. »

René souhaite transmettre son savoir-faire à Philippe qui l’écoute attentivement. « Je pourrais le faire et ça se finit là, mais l’idée est de lui montrer comment faire. »

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Le bénévole Serge Lemire est attitré à la couture.

Les Repair Cafés se veulent un remède contre l’obsolescence programmée, mais il y a aussi une grande dimension humaine, fait valoir René Lévesque.

Ce qui nous motive à venir ici, c’est aussi l’aspect social et communautaire. On contribue à briser l’isolement social après le premier besoin de venir faire réparer quelque chose.

René Lévesque, informaticien

« Des fois, les gens sont émus aux larmes, renchérit Gilles Parent. Je me souviens d’une dame qui est venue avec un petit foyer électrique. L’élément chauffant fonctionnait, mais pas l’ampoule qui imite les flammes. Pendant la pandémie, elle a souffert de dépression comme bien des gens et elle nous disait comment son foyer lui faisait du bien. »

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Les bénévoles viennent toujours jeter un coup d’œil aux objets qui donnent du fil à retordre à d’autres.

Parfois, il faut toutefois être patient avant de dire « eurêka ». Roselyn Dhani en était à sa troisième tentative de faire réparer sa machine à espresso et ce n’était pas fini puisqu’après trois heures « devrecherche et de démantèlement », elle devait commander une pièce dans laquelle... elle fonde beaucoup d’espoir !

Pour ma part, mon col roulé a été recousu par le bénévole Serge Lemire et il est comme neuf, mais mon lecteur CD peine encore à éjecter des disques. Mais pas question de baisser les bras. La courroie de transmission est en bon état, a constaté le réparateur bénévole Louis Taillefer. Cette hypothèse étant écartée, je compte poursuivre d’autres recherches au moyen de tutoriels YouTube en attendant le prochain Repair Café.

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« Des gens aiment faire des puzzles. Pour moi, c’est le même genre de loisir et de défi », indique le bénévole Louis Taillefer, ingénieur retraité de Polytechnique.

Croyez-moi : les gens qui fréquentent les Repair Cafés deviennent investis d’une mission. Celle de tout faire afin qu’un objet ne devienne pas un « Serpuarien ».

Consultez le site du Repair Café de La Petite-Patrie