La musique, d’inspiration autochtone, laisse filtrer le bruit apaisant d’un ruisseau entre les longues notes d’une flûte mélancolique. Les participants suivent le rythme, chacun à sa manière. Certains exécutent des mouvements tirés du vocabulaire du ballet, d’autres s’étendent sur le sol, plusieurs dansent les yeux fermés, perdus au fond d’eux-mêmes.

Nous nous approchons de la fin d’une séance de danse-thérapie. Andrea de Almeida, thérapeute certifiée en thérapie par la danse et le mouvement, réunit les participants, tous âgés de plus de 50 ans, pour revenir sur leur expérience.

Ils témoignent d’un recentrage sur eux-mêmes, mais aussi d’une expression d’empathie envers les Premières Nations en ce 21 juin, Journée nationale des peuples autochtones.

La scène se passe dans un studio des Grands Ballets canadiens, dans le cadre des activités de son Centre national de danse-thérapie. Ce centre, unique au Canada, célèbre cette année ses 10 années d’existence.

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE

Au centre, la thérapeute Andrea de Almeida dirige une séance d’échauffement avec des poids.

« Nous avons plusieurs volets d’intervention », précise Anna Aglietta, qui quittera bientôt la direction du centre pour retourner dans son Italie natale.

Nous essayons de faire comprendre que la danse est pour tout le monde, nous voulons partager ses bienfaits avec le plus grand nombre possible de personnes.

Anna Aglietta, directrice du Centre national de danse-thérapie

Elle parle ainsi de danse-thérapie proprement dite, mais aussi de danse adaptée, de formation et de recherche.

« En danse-thérapie, nous explorons quatre aspects de l’être humain, soit le social, le physique, l’émotionnel et le cognitif, précise la thérapeute Andrea de Almeida. Tout cela se retrouve dans l’expérience du mouvement et dans l’expérience de groupe. »

De nombreux bienfaits

Un certain nombre d’études se sont penchées sur les bienfaits que pourraient apporter la danse et le mouvement dans un cadre thérapeutique.

« Sur le plan physique, c’est assez évident, souligne Anna Aglietta. Il y a des bienfaits, par exemple, en ce qui concerne la coordination, la motricité et la forme physique. »

Sur le plan émotionnel, le fait de pouvoir s’exprimer sans avoir recours au langage peut être bénéfique pour certains patients. Mme Aglietta donne l’exemple d’un projet qui a cours en ce moment dans des centres jeunesse.

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Les participants se rejoignent pendant une partie de la séance.

« L’objectif, c’est d’aider les enfants à gérer leurs émotions de façon sécuritaire pour eux, mais aussi pour ceux qui sont autour d’eux. »

D’autres projets visaient à travailler sur l’estime de soi, sur la diminution des symptômes d’anxiété.

« En ce qui concerne les bienfaits cognitifs, nous avons notamment un projet de recherche avec McGill autour de la démence et de l’alzheimer, poursuit Mme Aglietta. Il y a des études qui supportent nos observations que la danse pourrait aider à ralentir la progression de la maladie. Elle peut aussi permettre ce qu’on appelle des moments de lucidité, donc des moments de connexion entre la personne atteinte et le reste du groupe ou les proches aidants. »

Les bienfaits sociaux se retrouvent spécialement dans les séances de groupe.

« On parle de la relation avec les autres, de l’acception des autres, mais aussi de la compréhension des limites et du développement de l’empathie, indique Mme Aglietta. Ça peut être très important, par exemple, pour les jeunes autistes : comprendre comment respecter l’autre et se respecter. »

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Une séance de partage en groupe

Ce que Mme Aglietta appelle la danse adaptée relève un peu plus des loisirs « tout en ayant des bienfaits thérapeutiques ».

« On essaie de développer la créativité des jeunes, par exemple dans notre camp d’été. »

La danse adaptée peut notamment s’adresser aux adolescents autistes, ou encore avec une trisomie ou une déficience intellectuelle.

Formation et recherche

Un autre grand volet du Centre national de danse-thérapie, c’est la formation. Au Canada, en 2013, il n’existait pas de programme formel de formation en danse-thérapie, ou même de certification pour les thérapeutes en danse.

Le Centre national de danse-thérapie s’est rallié au modèle de l’American Dance Therapy Association, qui exigeait une maîtrise. Le centre offre une façon de se conformer à ces exigences avec diverses formations en danse.

« Des étudiants qui ont une maîtrise en santé et en services sociaux peuvent la compléter avec des cours de 2e cycle en danse, indique Mme Aglietta. Quelqu’un qui a une maîtrise en danse peut aller chercher des cours additionnels en psychologie. C’est un peu comme un puzzle, les gens doivent avoir trouvé tous les morceaux pour aller demander l’accréditation auprès de l’American Dance Therapy Association. »

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Andrea de Almeida mène la première partie de la séance. Plus tard, les participants improviseront chacun de leur côté.

Le dernier grand volet du centre, c’est la recherche. Il a collaboré à plusieurs études élaborées par des universités locales.

« C’est très important pour nous et pour le développement du milieu, affirme Anna Aglietta. Les interventions par la danse sont encore peu connues. Les gens ne comprennent pas vraiment pourquoi la danse pourrait avoir un impact et souvent, si on n’a pas de données probantes à montrer, on ne réussit pas à franchir la barrière et à entrer dans une institution. La recherche est aussi importante pour améliorer nos services et les compétences de nos intervenants. »

À l’origine, les séances pour les 50 ans et plus faisaient partie d’un projet de recherche. Les participants ont tellement apprécié l’expérience qu’ils ont demandé que les séances se poursuivent à la fin du projet.

« C’est mon oxygène, ma bouffée d’air frais, commente Mireille Pilon, une des participantes. C’est une façon d’exprimer mes émotions sans être jugée, de faire appel à ma créativité. »

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  • 3000
    Le Centre national de danse-thérapie a touché plus de 3000 personnes issues de 21 communautés marginalisées et vulnérables.
    Centre national de danse-thérapie