Découragée par le manque d’offre en friperie grande surface, Sandra Munoz Diaz a ouvert, en décembre 2022, Mala, une friperie destinée aux vêtements grandes tailles. Elle souhaite offrir un safe space pour les personnes qui n’arrivent pas à se vêtir dans les boutiques de vêtements seconde main.

« Il y a beaucoup de gens qui sont émus quand ils magasinent ici… C’est la première fois qu’ils peuvent essayer plusieurs morceaux de linge qu’ils aiment », confie la propriétaire en entrevue avec La Presse.

Le choix est souvent limité dans les magasins traditionnels pour celles et ceux qui portent des grandes tailles, et l’étau se referme lorsqu’il s’agit de vêtements de seconde main. Que ce soit par souci financier ou par conscience écologique, s’habiller en friperie devient une tâche encore plus ardue.

Selon une étude de Statista publiée en septembre dernier, les ventes de vêtements féminins taille plus (14 ans et +) ont généré environ 1,73 milliard de dollars au Canada en 2020, comparativement à 520 millions pour les tailles dites petites. Un fait demeure : il est difficile pour elles de trouver des vêtements à leur image. La recherche demande beaucoup de temps, ce qui contribue souvent à la popularité du magasinage en ligne et, la plupart du temps, sur des sites de fast fashion. L’empreinte écologique de cette industrie de production massive figure parmi les plus importantes mondialement.

PHOTO FRANÇOIS ROY, LA PRESSE

Mala offre des vêtements de tailles qui vont du XL au 5XL.

« Je comprends que les personnes de taille plus se tournent vers les magasins qui font du fast fashion. Si elles habitent loin des quartiers urbains ou si elles ont des enfants, elles n’ont pas toujours le temps de faire le tour des friperies, plusieurs fois par semaine, pour trouver un ou deux morceaux », explique Sandra Munoz Diaz.

Pour la propriétaire de Mala, l’accessibilité aux vêtements est au centre des valeurs de son entreprise. « Malgré que je vends des vêtements rétro et des pièces uniques, j’essaie de garder mes prix le plus bas possible. Certains de mes morceaux coûtent 10 $ ou 15 $. Mon but, c’est que les gens puissent trouver plusieurs vêtements sans avoir à stresser financièrement. »

Se sentir brimée

Myriam Daigneault-Roy est une cliente fidèle chez Mala. Environ 80 % de sa garde-robe provient de la friperie inclusive. Selon elle, le manque d’accessibilité dans les magasins à grande surface contribue à la stigmatisation des personnes grosses et, conséquemment, aggrave le manque d’estime de plusieurs d’entre elles.

On associe beaucoup l’estime de soi aux modèles qui nous sont présentés. C’est démoralisant de n’avoir accès à aucun vêtement qui te représente. J’ai l’impression que la mode nous fait souvent réaliser que notre corps n’est pas adéquat. Dans ces cas-là, c’est difficile d’être son propre modèle.

Myriam Daigneault-Roy, cliente fidèle chez Mala

La chanteuse et influenceuse Vanessa Duchel est du même avis. « C’est important de pouvoir s’exprimer à travers ses vêtements. J’ai longtemps été brimée et je sentais que mon linge ne reflétait pas ma personnalité et mon style, car je ne trouvais pas de morceaux à ma taille qui me représentaient. »

PHOTO FOURNIE PAR L’AGENCE SONIA GAGNON

Vanessa Duchel confie avoir de la difficulté à trouver des vêtements qui représentent sa personnalité.

L’artiste, qui compte près de 35 000 abonnés sur le réseau social Instagram, essaie de servir de modèle pour les personnes pour qui se vêtir rime avec stress. « On s’entend que, qu’on soit minces ou pas, on a tous besoin de vêtements dans lesquels on est bien. C’est un droit fondamental de pouvoir s’habiller ! », lance-t-elle.

Myriam Daigneault-Roy déplore le fait que de nombreuses femmes n’ont d’autre choix que de se tourner vers des sites de fast fashion où elles doivent acheter sans essayer les vêtements. Les achats en ligne peuvent constituer un autre échec qui touche leur estime si les morceaux sont trop petits ou ne leur vont pas bien. « Ce n’est pas censé être un luxe de pouvoir essayer ses vêtements avant de les acheter. »

La mode oversize

La tendance oversize et la popularité des vêtements trop grands achetés en friperie ont également gagné du terrain, laissant ainsi peu de choix aux personnes taille plus.

Les trois jeunes femmes s’entendent : les gens minces ne font pas exprès pour prendre les vêtements qui pourraient intéresser les personnes tailles plus. « Personne n’est malicieux en achetant des vêtements plus grands. Mais il faut être conscient de l’impact que ça a sur les autres qui ont moins de choix », explique Myriam.

« Il y a des gens qui ont seulement 10 $ pour s’acheter un t-shirt… Il faut penser à ça quand on achète exprès des vêtements qui sont de trois tailles plus grands. Certaines personnes n’ont pas le choix d’acheter leurs vêtements en friperie. Qu’est-ce qu’elles font quand les personnes de tailles régulières prennent les plus grands vêtements pour les découper en chandails crop top ? », demande Sandra Munoz Diaz.

PHOTO FRANÇOIS ROY, LA PRESSE

Sandra Munoz Diaz veut que sa friperie soit un endroit rassurant pour ses clientes.

Vanessa Duchel croit que cette lutte appartient à tout le monde. « J’incite les gens de toutes les tailles à demander aux entreprises qu’il y ait une plus grande diversité des tailles, dans les friperies comme dans les magasins réguliers. »

L’influenceuse n’hésite pas à utiliser sa tribune pour parler du sujet. « Ça fait plusieurs années que j’essaye de sensibiliser mes abonnés au fait que, si vous ne portez pas du 2X ou du 3X, laissez-en à celles qui n’ont pas les moyens d’acheter des vêtements neufs ou qui ne peuvent pas en trouver ailleurs. »

Sandra Munoz Diaz ajoute qu’elle ne ferait pas de discrimination en interdisant aux personnes plus minces de se procurer des vêtements dans son magasin. Par contre, elle souligne que les gens qui se retrouvent chez Mala sont bien au fait de la problématique, et « une fois qu’ils sont conscientisés, il devient naturel de penser à ce genre d’enjeux ».

En savoir plus
  • L’adresse de la friperie Mala

    2025-A rue Masson suite 101-F, Montreal, QC, Canada, Quebec