Il n’y a pas si longtemps, c’était un ingénieur à la retraite anonyme de Hongrie. Aujourd’hui, il parcourt le monde et se fait reconnaître dans les rues de São Paulo comme de Montréal. La Presse a rencontré András Arató, devenu célèbre grâce à la magie du web.

András Arató ? Qui ? Si vous ne connaissez pas son nom, vous reconnaîtrez probablement son visage.

Il est l’homme derrière l’un des mèmes les plus populaires du web. Un ingénieur électrique retraité de Budapest devenu une sensation internet il y a une dizaine d’années.

« J’existe ! Je suis une vraie personne ! », lance joyeusement András Arató, rencontré vendredi matin devant l’hôtel Fairmont Le Reine Elizabeth.

Plus tôt cette semaine, il a posé devant l’anneau géant du centre-ville, affichant un sourire crispé – sa signature. La photo est rapidement devenue virale sur les réseaux sociaux. Même la mairesse de Montréal, Valérie Plante, a commenté la publication sur Facebook, lui souhaitant la bienvenue.

Nous l’avons attrapé quelques heures avant son vol de retour vers la Hongrie. Le septuagénaire tournait une publicité à Montréal, la raison de sa visite. Encore la semaine dernière, il était à Amsterdam pour un autre contrat.

C’est qu’András Arató est un homme très demandé. Il y a une dizaine d’années, il est devenu populaire dans le monde, et ce, totalement par accident.

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De retraité à roi du mème

Tout a commencé lors d’un voyage en Turquie pour célébrer son départ à la retraite. Un photographe qui était tombé sur ses photos de voyage en ligne l’avait approché. « Il cherchait un modèle comme moi et m’a invité à faire un essai. Finalement, il a aimé le résultat et m’a rappelé à plusieurs reprises », raconte M. Arató.

Les photos étaient vendues à des banques d’images destinées à un usage commercial. Le septuagénaire posait dans un costume de médecin, de professeur ou encore d’homme à tout faire.

Plus tard, András Arató a fait une recherche par images, curieux de connaître l’usage qui avait été fait de ses photos. « C’était choquant à voir », lâche-t-il.

À sa consternation, le retraité était devenu un mème. Un groupe d’adolescents américains qui avaient déniché les images étaient amusés par l’expression figée de ce vieil homme qui semblait cacher sa douleur derrière un sourire forcé. Ils ont superposé de courts textes humoristiques sur les images, donnant naissance au fameux mème « Hide the Pain Harold ».

Le septuagénaire était abasourdi. Et offusqué. « Certains des mèmes étaient grossiers, voire dégoûtants. Certains étaient drôles, mais pas tous », dit-il.

Il aurait voulu tout effacer, mais c’était déjà trop tard. La machine était lancée. « J’ai d’abord pensé que les gens oublieraient, mais ce n’est pas arrivé », dit-il.

Il lui a fallu cinq ans pour accepter sa nouvelle notoriété. S’il ne pouvait l’arrêter, il pouvait au moins en profiter. En 2017, il a créé une page Facebook, qui cumule plus de 750 000 abonnés. Et aujourd’hui, il parcourt le monde ! « En partie pour des publicités et en partie pour des festivals », explique-t-il.

Consultez la page Facebook d’András Arató

Partout où il se trouve, il se fait reconnaître dans la rue. « Ça arrive tous les jours. Où que je sois. Chez moi, à Budapest, à Montréal, à Moscou ou à São Paulo. C’est toujours la même chose », dit-il.

Il se fait régulièrement demander de se prendre en égoportrait avec des fans. « Je ne dis jamais non parce que je vois la joie que cela procure aux gens. Je les rends heureux pour la journée ! », s’exclame-t-il.

À Montréal comme à la maison

Devant la caméra de notre photographe, András Arató est comme un poisson dans l’eau. Entre deux prises, il lève le pouce en l’air, comme le populaire mème.

Alors, comment trouve-t-il Montréal ? « J’adore ! », s’exclame-t-il. « C’est très européen. Je m’y sens presque chez moi », poursuit-il.

Malgré un horaire chargé, il a trouvé le temps de faire toutes les activités qu’il s’était promises avant de partir : visiter le Vieux-Port, manger un smoked meat, voir un spectacle du Cirque du Soleil…

Se faire remarquer par la mairesse n’était toutefois pas sur sa liste. « J’en suis fier ! Même le maire de Budapest n’a jamais commenté mes publications… », rigole-t-il.

À ceux qui se le demandent, l’expression crispée qu’on lui connaît est simplement le résultat de plusieurs heures à sourire devant la caméra. En personne, son sourire a tout ce qu’il y a de plus sincère. « Je ne me considère pas comme un homme triste ! », lance-t-il.