Notre journaliste se balade dans le Grand Montréal pour parler de gens, d’évènements ou de lieux qui font battre le cœur de leur quartier.

Où peut-on se procurer une perruche, une robe de mariée, un vinyle ou des extensions de cheveux tout en mangeant un bon smoked meat ? Sur la Plaza Saint-Hubert, bien entendu.

Si l’artiste Pony, née Gabrielle Laïla Tittley, a choisi en 2020 de s’installer au 6534, rue Saint-Hubert, c’est qu’elle adore la multiculturalité et l’éclectisme de la Plaza. « Elle reflète Montréal et le clash entre la tradition et l’avenir. »

Y cohabitent des commerces « qui existent depuis le temps des néons » et ceux de jeunes « qui veulent refaire vivre ce bout de rue ». « C’est touchant et c’est weird », dit Pony.

La Plaza, c’est un monde à part. Et une conférence sur l’histoire de la Plaza aura par ailleurs lieu ce dimanche à la Librairie Paulines.

Se succèdent sur 1,2 kilomètre des institutions, des locaux vacants qui affichent « ouverture bientôt », des magasins aux enseignes défraîchies, des bars branchés et des bureaux d’architectes dernier cri. Or, on méconnaît les histoires qui se cachent derrière les portes des quelque 400 commerces.

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Stéphanie Pothier est à l’étape des dernières retouches avec la couturière Manon Tremblay.

Par un mercredi matin, dans le salon VIP de la boutique Oui je le vœux, Stéphanie Pothier est tout sourire dans la sublime robe de dentelle blanche sur laquelle la couturière Manon Tremblay fait les derniers ajustements. « Il y a des poches », se réjouit Stéphanie en levant le bas de sa robe pour dévoiler une paire de bottines Doc Martens aux motifs fleuris qui ajouteront une touche grunge à son look de mariage prévu dans un bois.

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Line Grenier et Chantal Parizeau, de Oui je le vœux

Des femmes achètent des robes chez Oui je le vœux depuis trois générations. D’autres y reviennent pour une deuxième union. Il y a aussi une importante clientèle autochtone et du Grand Nord.

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Tony Parente a travaillé pendant 15 ans chez Chaussures Cemy avant d’ouvrir Chaussures Tania en 1978.

Chaussures Tania

Mais pourquoi la Plaza Saint-Hubert est-elle devenue un repaire de futurs mariés et de finissants ? Pour avoir la réponse, nous avons jasé avec Tony Parente, propriétaire des Chaussures Tania.

De 1978 à 1980, Tony a pris part à des salons de mariées. À l’époque, il était président de l’association des marchands de la Plaza. La directrice de l’époque, Raymonde Cadieux, et lui ont invité d’autres commerçants à participer à des salons, ce qui a créé un effet boule de neige.

Tony Parente connaît encore par cœur les adresses d’anciens et d’actuels commerces, qu’il récite à la vitesse de l’éclair. Son magasin est un voyage dans le temps. « Je suis le seul endroit qui reste au Québec qui fait des teintures de toutes les couleurs de l’arc-en-ciel », se targue-t-il.

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Ricom, sur la Plaza Saint-Hubert

Chez Ricom attire plutôt une importante clientèle de femmes noires – même des États-Unis – pour ses gammes de cosmétiques ou de produits pour les cheveux. « J’habite à Amos, en Abitibi, et je viens ici pour acheter mes produits, nous a dit Jessica. Ici, il y a des produits pour les femmes noires qu’il n’y a pas chez Jean Coutu. »

Si la Plaza Saint-Hubert a toujours eu une clientèle très multiethnique, beaucoup de commerçants latinos se sont installés récemment entre les rues Bélanger et Jean-Talon, souligne Mike Parente (le fils de Tony), directeur général de la Société de développement commercial (SDC) de la Plaza.

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Vien Man Cao Tran et Michelle Vo

L’effet du Montréal Plaza

Vien Man Cao Tran et Michelle Vo s’apprêtent à ouvrir le bar à vin vietnamien Ăn Chơi. Cette dernière n’était pas convaincue de l’emplacement de la Plaza au départ. « Pour moi, la Plaza, c’était des magasins de tissus et de robes. Clairement, elle a changé », confesse-t-elle.

Son associé raconte qu’il venait y faire des emplettes avec ses parents quand il était enfant. « Dans les années 1980, c’était LA place, se remémore-t-il. Pour les immigrants, la Plaza était un endroit d’aubaines, mais c’était chic. Les loyers sont encore abordables. » Plus que dans la Petite-Bourgogne, où il a ouvert le Bar Otto.

Vien Man Cao Tran souligne à quel point l’ouverture du Montréal Plaza par Charles-Antoine Crête et Cheryl Johnson en 2015 a redoré l’image de la Plaza et favorisé l’arrivée d’autres restaurateurs, dont le bar à vin Brouillon, le restaurant Beaufort et Le Système, une buvette où on peut danser après avoir mangé. « Ce n’est que le début de la nouvelle Plaza », dit celui qui se réjouit néanmoins que la Plaza demeure… la Plaza.

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Terry Westcott

La librairie Westcott

En apercevant Terry Westcott sortir de sa librairie d’occasion, nous avons le souvenir des médias anglophones qui ont annoncé son arrivée sur la Plaza en 2018 après qu’il eut été forcé de quitter le boulevard Saint-Laurent en raison des loyers trop élevés. Il aura 80 ans sous peu. Le choix est vaste dans sa librairie, mais Marie Kondo ferait une syncope.

« Les affaires vont bien ?

— Les gens lisent encore des livres », répond le personnage montréalais.

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Vanessa St-Louis et Antonin Vézina, de l’Aquarium du Nord

L’Aquarium du Nord depuis 1947 !

Prochain arrêt incontournable : l’Aquarium du Nord. « Je suis la relève », nous dit derrière la caisse Vanessa, fille du propriétaire François St-Louis. « Aquarium du Nord existe depuis 1947 et occupe l’adresse ici depuis 1961. Mon grand-père a acheté la bâtisse. C’est la plus vieille institution animalière montréalaise encore ouverte. C’était un ancien restaurant chinois ici, et j’ai retrouvé récemment des photos de l’époque des néons qui ressemblent à ceux de Las Vegas. En avant, le St-Hubert avait un gros coq lumineux. »

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Mike Parente, directeur général de la SDC de la Plaza Saint-Hubert

En évolution constante

« Récemment, beaucoup de bureaux sont venus s’installer : TUX, Cardin Julien, La Firme », souligne Mike Parente, à qui nous avons fait une demande d’entrevue la veille des manchettes sur les marquises flambant neuves de la Plaza qui devront être modifiées pour mieux supporter la neige.

Une fois de plus, la Plaza saura se tirer d’affaire (cette fois-ci après un imbroglio d’ingénierie). La preuve : le Nickels est encore là, tout comme la confiserie Oscar, la boutique médiévale Dracolite et la librairie Raffin, ouverte en 1930 !

Alors, comment va la Plaza ?

« Mieux qu’elle n’a jamais été, mais elle a ses défis, répond Dave Lechasseur, président du conseil d’administration de la SDC. Il faut garder son cachet, mais la renouveler. »

Prochain grand chantier : un projet de piétonnisation prévu pour l’été prochain. Rien de moins !

À l’invitation de la Société d’histoire Rosemont–Petite-Patrie, Justin Bur animera une conférence intitulée La Plaza Saint-Hubert d’hier à aujourd’hui, ce dimanche, à 14 h, à la Librairie Paulines.

La Plaza en dates

  • 1922 : Ouverture d’un cinéma de 980 places qui est devenu le Théâtre Plaza.
  • 1951 : Ouverture de la première rôtisserie St-Hubert deux ans avant la création de l’Association du Centre d’achats de la rue Saint-Hubert.
  • 1984 : Malgré des critiques, installation des marquises colorées emblématiques de la Plaza.
  • 2022 : Fermeture du légendaire magasin de matériel photographique L. L. Lozeau, qui sera remplacé par une succursale d’Aubainerie.