Peut-être les avez-vous vues sur les réseaux sociaux, ou votre enfant vous a peut-être demandé d’en acheter… ou même d’en vendre ? Les boissons sportives Prime sont la nouvelle coqueluche chez plusieurs jeunes. Explications d’un phénomène.

Qu’est-ce que les boissons Prime ?

Avec leur emballage aux couleurs vives et leurs goûts éclatés, on parle ici de « Ice Pop » et de « Meta Moon », les boissons Prime se déclinent en boissons d’hydratation et en boissons énergisantes. Elles sont le fruit de la collaboration de deux youtubeurs très populaires : Logan Paul et KSI. Les deux anciens rivaux de boxe maintenant devenus partenaires d’affaires ne se gênent pas pour dire qu’ils veulent détrôner la boisson sportive Gatorade.

Lancée en janvier 2022, leur boisson Prime Hydration a rapidement engendré un engouement monstre. Des épiceries au Royaume-Uni ont dû rationner les clients à quelques bouteilles par personne. Leurs boissons ont aussi été rapidement en rupture de stock sur leur site web.

On est devant un phénomène nouveau, croit Jordan Lebel, professeur titulaire en marketing alimentaire à l’École de gestion John-Molson de l’Université Concordia. « On voit apparaître depuis quelques années des marques qui, tout à coup, poussent comme des champignons, dit-il. Elles ont une stratégie de croissance qui prend naissance à travers un groupe de gens déjà affiliés comme des fans. »

PHOTO TIRÉE DU COMPTE FACEBOOK DRINKPRIME

KSI et Logan Paul

Détaillée à 1,99 livre au Royaume-Uni, une bouteille a même été affichée sur eBay pour 10 000 livres, selon le Guardian. Au Canada, les boissons sont vendues en ligne et se trouvent aussi dans certains magasins spécialisés et dépanneurs depuis quelques mois. Leurs prix varient entre 7 $ et 9 $ pour une bouteille de 500 ml. En comparaison, on peut se procurer une boisson Gatorade pour moins de 2 $ pour un format similaire.

Pourquoi est-ce aussi populaire ?

Logan Paul compte plus de 23,6 millions d’abonnés sur YouTube alors que KSI en a 24,1 millions. Autrement dit, les deux influenceurs ont un « pouvoir de conversion élevé », croit Jordan Lebel, notamment du fait qu’ils jouent la carte de l’authenticité. « Dès que tu suis la personne et y es attaché, quand elle fait la promotion d’une nouvelle boisson, tu vas être tenté d’aller en magasin, de l’acheter ou de la commander en ligne. »

Il peut être difficile de mettre la main sur leurs boissons. Des personnes à la recherche de bouteilles Prime font part de leurs trouvailles sur les réseaux sociaux comme TikTok, contribuant à alimenter l’engouement. Il existe même une application pour faire le suivi des stocks disponibles au Royaume-Uni.

Les boissons Prime sont interdites dans certaines écoles au Royaume-Uni puisque des élèves avaient commencé à en vendre. L’engouement s’est d’ailleurs répandu dans certaines écoles du Québec.

Arthur, 11 ans, vend avec ses amis des boissons d’hydratation Prime à ses camarades de classe, mais hors des murs de son école de Montréal. Depuis septembre, ils ont vendu environ une cinquantaine de bouteilles, souligne cet élève du primaire. Ils achètent les boissons – en ligne ou dans une boutique spécialisée – 5 $ chacune et les revendent environ 9 $. « Tout le monde aime KSI et Logan Paul », dit-il.

Une enseignante de sixième année du primaire dans une école de la Rive-Sud confirme que ses élèves « parlent beaucoup des boissons Prime Hydration ». Aucune vente ici, mais les jeunes garçons sportifs de sa classe essaient d’avoir tous les parfums offerts et en font même une collection, dit-elle. Mais ce n’est rien d’inquiétant, selon l’enseignante.

Questionné pour savoir si certaines écoles faisaient face à une situation problématique avec les boissons Prime, le Centre de services scolaire de Montréal a indiqué n’avoir eu « aucun son de cloche à ce propos ». Le Centre de services scolaire de la Pointe-de-l’Île et le Centre de services scolaire Marguerite-Bourgeoys n’ont pas répondu au courriel de La Presse.

Est-ce bon pour la santé ?

« Ce n’est pas une boisson pour sportifs. C’est juste du pur marketing », lance Ève Crépeau, nutritionniste du sport. Selon elle, les créateurs de la boisson utilisent des mots populaires dans l’alimentation sportive, ce qui contribue « à l’idée que ces substances sont bonnes ».

La boisson Prime Hydration se targue d’avoir 10 % d’eau de coco, des BCAA (des acides aminés à chaîne ramifiée), de la vitamine B, des antioxydants, des électrolytes et aucun sucre ajouté.

L’eau de coco est là pour son apport en électrolytes, expose Ève Crépeau, mais c’est seulement le sodium qui est pertinent. Et même là, le sodium est requis seulement à un niveau élevé d’exercice physique, comme lors d’un marathon. « On n’a pas besoin d’électrolytes dans la plupart des cas. On va les trouver dans la nourriture », explique-t-elle.

Prime affirme que les BCAA sont ajoutés à ses boissons pour la récupération musculaire. Or, aucune étude n’a permis de démontrer ce que la boisson défend, indique Ève Crépeau. Concernant les antioxydants (les vitamines A et E), « on va les avoir dans les fruits et les légumes », donc ce n’est pas pertinent d’en ajouter.

La boisson Prime contient également 200 % des besoins quotidiens en vitamine B12 et vitamine B6. Or, les vitamines B sont hydrosolubles, donc si on ingère une trop grande quantité par rapport aux besoins réels du corps, les vitamines seront éliminées par les reins.

Prime se vante d’être sans sucre, comme si c’était meilleur, mais dans les faits, le but d’une boisson sportive est d’avoir des glucides.

Ève Crépeau, nutritionniste du sport

On va prendre une boisson sportive quand on fait un entraînement de plus de 90 minutes, et que l’eau n’est plus suffisante, dit-elle. « La boisson diabolise le sucre, alors que dans les faits, elle devrait en avoir. » Les boissons Prime ont plutôt de l’édulcorant, ce qui « maintient le goût du sucré ».

Pour Ève Crépeau, les boissons Prime Hydration sont « insignifiantes ». Gatorade, en comparaison, a un bon ratio de glucides, indique-t-elle. On peut aussi se concocter une telle boisson à la maison, rappelle-t-elle, avec de l’eau, du jus et un peu de sel. « C’est facile de dire n’importe quoi par rapport à la nutrition, surtout sur les réseaux sociaux, dit-elle. Les gens ne savent pas qui croire. »