L’expression « vieille fille » n’est presque plus utilisée aujourd’hui, mais son image reste peu inspirante. Égoïste, ingrate et aigrie, une vieille fille, c’est une femme qui vit seule, sans enfants, et qui n’a pas réussi à se caser. Dans son essai Vieille fille — Une proposition, la journaliste et autrice Marie Kock déconstruit les clichés autour de la vieille fille et prouve qu’il y a de nombreux avantages à adopter ce mode de vie. Entrevue.

Pourquoi ce livre ?

On voit aujourd’hui que certaines jeunes femmes ne veulent pas du modèle classique, du couple et de la maternité. Ça n’a pas été mon cas, j’ai été élevée dans l’idée de fonder une famille, et je pensais que ça allait m’arriver. À un moment donné, ça m’a rendue malheureuse de ne pas avoir d’enfants et je me suis questionnée. Alors je souhaite, avec ce livre, dire à toutes les femmes que la vie peut être riche et pleine en étant seule et libre, qu’on peut être complètement épanouie avec cet autre mode de vie qu’on choisit. Trop longtemps, on a jugé qu’une vie réussie passait par le couple et les enfants. Il est possible de vivre sans enfant ni partenaire, et d’avoir envie d’autre chose que de la vie prédestinée dès l’enfance.

Il y a encore de nombreux clichés sur les vieilles filles, n’est-ce pas ?

On plaint et on juge les vieilles filles, il y a une forme de pitié et de condescendance à leur égard. Même si le terme est vieillot, les clichés restent. On a l’idée que c’est une femme qui n’a pas été choisie, une femme qui a une vie sans histoire et sans relief, qui vit seule ou avec ses nombreux chats ! On pense qu’elles sont laides ou négligées, qu’elles ne jouent pas le jeu de la séduction, on les imagine même frigides. On pense aussi qu’elles sont égoïstes, radines et tristes.

La société est dure à leur égard, car c’est comme si on ne pouvait pas faire le choix de vivre seule ?

Oui, c’est une forme de punition, car on leur reproche d’avoir fait la fine bouche, d’avoir pris trop de temps à choisir. La combinaison femme-célibataire-sans enfants-après-40-ans est très difficile à accepter, car on sait que ce n’est plus un état passager, mais définitif. Il y a cette idée que l’épanouissement passe par la maternité, alors on ne comprend pas que des femmes soient heureuses et épanouies sans fonder de famille, ce sont des anomalies. On pense que l’humain est cet animal social qui n’est pas fait pour vivre seul, alors ces femmes qui revendiquent cette solitude sont des anomalies.

Quels sont les avantages de votre mode de vie, que vous qualifiez vous-même de vieille fille ?

Le temps. Les heures qu’on gagne à ne pas être prise par une logistique quotidienne et par des obligations familiales, conjugales, qu’on accepte et qui prennent énormément de temps dans une vie. Le temps mental, c’est la grande révélation. Il y a une charge mentale de l’amour qui n’existe pas. Cette charge mentale, c’est maintenir un état de joie dans le couple, au sein de sa famille, la charge mentale de se demander si on est suffisamment belle, intelligente pour séduire l’autre. Il y a une libération de l’espace mental qui est très forte, tout comme celle de vivre sans compromis. J’ai une forme de disponibilité et une liberté qui me semblent beaucoup plus difficiles à maintenir quand on est en couple ou dans une famille.

Vous évoquez les différentes images de vieilles filles à travers les époques et la culture populaire, car les images de vieilles filles sont là aussi peu inspirantes.

Au Moyen Âge, des femmes s’emmuraient vivantes, car elles ne voulaient pas se marier ni entrer au couvent. On les appelait les recluses, elles ont existé du VIIIe au XVIsiècle. La culture populaire ne met pas en valeur les vieilles filles, ce sont souvent des rôles secondaires, celles de vieilles tantes ou des voisines dont on ne comprend pas pourquoi elles n’ont pas trouvé de mari ou encore une collègue de bureau un peu déphasée ou encore de vieilles femmes qui parlent aux pigeons. Il y a Mary Poppins, qui a une image positive, mais on ne sait pas vraiment qu’elle est vieille fille, tout comme Catwoman. Et la célèbre Bridget Jones, c’est une vieille fille passagère, une célibataire en quête d’amour et d’un futur mari.

Il y a une mentalité de vieille fille ?

Des femmes viennent me voir en libraire et beaucoup me disent qu’être une vieille fille, c’est une mentalité. Ce n’est pas être célibataire et sans enfants. C’est plus que ça. C’est une façon d’être un peu idéaliste, on a une haute idée de l’amour qu’on ne veut pas trop abîmer avec le quotidien, et on a aussi cette volonté de rester libre.

Vieille fille — Une proposition

Vieille fille — Une proposition

Éditions La Découverte

210 pages