En 1992, sous l’impulsion du succès de son livre Père manquant, fils manqué, le regretté Guy Corneau lançait un réseau d’entraide encourageant les hommes à exprimer davantage leurs émotions et à ne pas hésiter à aller chercher de l’aide. Trente ans plus tard, Hommes Québec frappe un grand coup pour réaffirmer la mission de son fondateur. Rencontre avec Vincent-Guillaume Otis, Patrice Coquereau et Martin Léon, les trois parrains de la campagne de sensibilisation qui débute lundi.

Les trois artistes figurent parmi les personnalités qui ont tenu à témoigner de l’importance de l’héritage laissé par Guy Corneau — les sportifs Bruny Surin et Dominick Gauthier, l’humoriste Guillaume Pineault ainsi que l’auteur-compositeur-interprète Étienne Drapeau ont de leur côté réalisé des capsules vidéo pour aider à mieux faire connaître Hommes Québec. « La formule est bonne parce que dans un groupe de discussion, tu n’as pas de spécialiste, tu n’as pas de psychologue, tu ne t’en vas pas en thérapie, nous dit Vincent-Guillaume Otis. Ce n’est pas un lieu d’intervention, c’est un endroit de discussion sécurisé où tout le monde est égal. Il n’y a pas de jugement, ça permet une forme d’abandon. »

« On vit dans un monde où il y a tellement d’étiquettes et de qualificatifs. Il faut être performant, être bien, c’est comme des Post-its », enchaîne de son côté Patrice Coquereau en faisant mine de se coller des étiquettes sur le front.

Il y a un million de balles avec lesquelles tu essaies de jongler, mais à un moment donné, tout tombe. Il y a de la peine, de la colère, on se sent démuni. Mais c’est là que tu deviens vrai. Tu te déconstruis, mais c’est pour mieux te retrouver.

Patrice Coquereau

« Moi, je viens d’une série d’hommes qui n’ont pas appris à exprimer comment ils se sentent, même que le père de mon père était puni s’il pleurait, illustre Martin Léon. Et j’ai vu les conséquences de ce que c’était que d’avoir de la difficulté à exprimer ce qu’on veut. Hommes Québec offre donc une main tendue, un endroit où tu peux parler de ce que tu ressens de manière confidentielle, sûre. »

Sensibiliser les plus jeunes

Même si les choses changent, il serait faux de croire que les jeunes hommes sont mieux armés que leurs aînés quand vient le temps de parler de leurs émotions. Selon l’Institut national de santé publique du Québec, si le taux de suicide chez les hommes de 20 à 34 ans a considérablement baissé jusqu’en 2013, il s’est depuis stabilisé à des niveaux qui demeurent trois fois plus élevés que chez les femmes du même âge.

PHOTO PATRICK SANFAÇON, LA PRESSE

Martin Léon, Vincent-Guillaume Otis et Patrice Coquereau

Vincent Perreault est membre d’Hommes Québec depuis 2003 et vice-président du conseil d’administration de l’organisme depuis l’an dernier. Il poursuit des études de maîtrise en développement des personnes et des organisations, où il côtoie des jeunes dans la vingtaine : « Je me suis ouvert à mon expérience avec un jeune collègue de 20 ans. Il m’a dévoilé qu’il ne pouvait pas parler de ses problèmes à personne, nous confie l’homme de 53 ans. Il était prisonnier de son silence, j’étais le seul à qui il en a parlé. »

C’est pourquoi Hommes Québec tente de sensibiliser de plus en plus les jeunes, car l’essentiel de sa clientèle est âgé de plus 50 ans.

Écoute empathique

L’écoute est la clé de voûte des rencontres chez Hommes Québec. On peut participer sans dire un mot, on peut même être simplement témoin d’une rencontre d’accueil en visioconférence. Aussi, Hommes Québec n’est pas le représentant politique de la condition masculine. On se tient donc très loin de tout ce qui peut être identifié à la masculinité toxique. « Il n’est pas question de se dire : “On va se réunir entre nous parce qu’on a peu de place dans le monde », affirme Vincent Guillaume-Otis. C’est pour ça qu’à chaque rencontre, il y a un thème, on va réfléchir à quelque chose de précis. On n’arrive pas là juste pour se crinquer entre nous autres. »

Ce type de manifestation est une preuve que derrière ça, il y a une souffrance et un besoin d’exprimer sa vulnérabilité et d’être écouté avec empathie.

Martin Léon

« Il y a cet effet de meute aussi, cette espèce d’entité globale dans laquelle les hommes peuvent se réfugier, s’identifier », propose quant à lui Patrice Coquereau. Un impact qui perdure même chez les plus jeunes, malgré toutes les avancées enregistrées au courant des dernières années.

« Ça prend des générations à recadrer, ça ne se fait pas en quelques années, soutient Vincent-Guillaume Otis. J’ai des enfants, dont deux garçons qui sont adolescents ou presque. J’en ai un qui est en sports, où c’est valorisé d’être un dur. Je mets donc beaucoup de l’avant cette idée de parler, parce qu’on dirait que les gars naissent avec ce gène-là ! Mon rôle de porte-parole, je le fais donc aussi pour mes enfants. C’est pour ça que je pense qu’il faut assurer une pérennité à Hommes Québec. »

La campagne de sensibilisation Hommes Québec se tient du 17 octobre au 4 novembre.

Consultez le site d’Hommes Québec

Prix Hommage Guy Corneau

La campagne de sensibilisation d’Hommes Québec culminera le 19 novembre avec la remise du troisième prix Hommage Guy Corneau, décerné à une personne et à un organisme qui ont contribué à l’amélioration de la santé et du bien-être des hommes du Québec. L’an dernier, c’est Janette Bertrand et le Centre de prévention du suicide de Québec qui ont reçu ce prix.