(Dunham) Un projet-pilote sur les routes de la région de Brome-Missisquoi fait renaître la pratique de l’autostop tout en l’encadrant. Explications.

Alexandre Legault est arrivé et est reparti « sur le pouce » pour notre entrevue fixée devant la Brasserie Dunham, dans les Cantons-de-l’Est. Il a attendu une dizaine de minutes à l’aller, mais une dizaine de secondes au retour. La preuve que son projet-pilote de « covoiturage spontané » fonctionne dans la région de Brome-Missisquoi.

« C’est du pouce organisé, précise Alexandre Legault, qui habite à Stanbridge East. Sans réservation et en toute spontanéité. »

Des « arrêts de covoiturage » ont été installés à des emplacements stratégiques et sécuritaires afin que les usagers soient embarqués par un automobiliste qui passe par là. Il suffit de lever le pouce.

Il y a trois axes routiers : entre Bedford et Dunham, entre Sutton et Cowansville, puis de Cowansville jusqu’à Frelighsburg, où les gens font la route des vins et des microbrasseries (ce qui n’est pas recommandé quand on conduit une voiture).

Manque de transport collectif interurbain

L’initiative est née il y a plusieurs années, quand Alexandre Legault a fait sa première campagne électorale pour Québec solidaire. « Je faisais parfois du pouce car je n’avais pas de voiture », raconte celui qui est vigneron au Domaine L’Espiègle et qui est à nouveau candidat dans Brome-Missisquoi aux prochaines élections provinciales.

Habité par des préoccupations environnementales, il a constaté qu’il y avait un grand manque de transport collectif interurbain. Avec Marie-Ève Bélanger-Southey, membre de l’équipe de la Vague écologiste au municipal, il a voulu créer une solution de rechange à l’« auto solo ».

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE

Un exemple d’arrêt où l’on peut faire de l’autostop, devant la Brasserie Dunham

Ce qui se nomme le Projet Caravane devait naître au printemps 2020, mais la pandémie a retardé de deux ans l’installation des pancartes et le début des essais. Pour l’instant, il s’agit d’un projet-pilote.

On a commencé en juillet et ça marche vraiment bien. C’est surprenant, l’intérêt que cela suscite !

Alexandre Legault, cofondateur du Projet Caravane

Si une bourse Propulsion jeunesse de la MRC de Brome-Missisquoi de 2000 $ a permis de concevoir le site web, le Projet Caravane demeure une initiative citoyenne qui carbure à l’énergie bénévole, souligne Alexandre Legault.

Le site web est très bien fait. Les usagers sont invités à y « enregistrer » leurs déplacements et à devenir membres. Le Projet Caravane veut mesurer le temps moyen qu’il faut patienter avant d’être embarqué à l’un ou l’autre des arrêts. On peut aussi demander une « pancarte mobile » pour faire de l’autostop au-delà du tracé officiel des trois axes routiers.

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE

Alexandre Legault, qui a une « pancarte mobile » entre les mains, n’a eu besoin d’attendre que 10 secondes avant d’être embarqué par un automobiliste devant la Brasserie Dunham à la fin de notre entrevue.

« L’enjeu est la prévisibilité, indique Alexandre Legault. Les gens veulent avoir la certitude qu’ils vont être embarqués. Une dame qui vient de s’installer à Dunham et qui n’a pas de voiture me disait qu’elle compte sur le Projet Caravane pour se déplacer. »

D’autres municipalités voudraient par ailleurs des arrêts du Projet Caravane.

Idéal pour le milieu rural

Alexandre Legault, originaire de Granby, a étudié en philosophie politique. « Le pouce organisé se prête vraiment au milieu rural », souligne le vigneron de 27 ans.

Il rappelle que 40 % des gaz à effet de serre proviennent du secteur du transport au Québec. Dans le contexte de la hausse du prix de l’essence et des voitures, il faut « maximiser » et éventuellement diminuer celles en circulation et remplir les sièges vides.

Il y a un impact social. Notre initiative régénère le tissu communautaire.

Alexandre Legault

Cela permet de côtoyer des gens de tous les horizons. Un agriculteur l’a mené de Stanbridge East à Dunham avant notre entrevue et un homme dans la trentaine qui se rendait à Montréal l’a conduit à Cowansville ensuite.

« Les gens plus âgés disent : dans mon temps, on se déplaçait tout le temps sur le pouce ! »

Pourquoi on en voit moins ? « Parce que tout le monde a une auto maintenant. »

Or, la voiture devient de moins en moins accessible et beaucoup de gens voudraient pouvoir s’en passer.

« Il faut de la spontanéité, fait valoir Alexandre Legault. C’est ce qui change la donne et c’est ce que permet le pouce organisé. »

Consultez le site du Projet Caravane Lisez « Le temps du “pouce” est-il (vraiment) révolu ? »

Interdit à plusieurs endroits

Au Québec, le Code de la sécurité routière empêche la pratique de l’autostop sur les autoroutes, ainsi que directement sur la chaussée. « Un piéton ne peut se tenir sur la chaussée pour solliciter son transport ou pour traiter avec l’occupant d’un véhicule », indique l’article 448. « Un piéton ne peut solliciter son transport aux endroits où le dépassement est interdit », ajoute l’article 449.