(Stockholm) « Je fais ce nettoyage de la mort plusieurs fois par semaine et cela me calme » : dans son coquet appartement du centre de Stockholm, Lena Sundgren, 84 ans, débarrasse sa bibliothèque à la lueur d’une bougie, pour le jour où elle ne sera plus là.

La vieille dame a commencé ce grand ménage il y a une dizaine d’années, et tout va y passer : vaisselle, livres, habits…

« Cette sensation quand je m’en débarrasse, c’est un soulagement », confie-t-elle à l’AFP, avant de saisir une pile d’ouvrages sur la botanique, qu’elle mettra de côté.

Ce tri – appelé « döstadning » en suédois — est une pratique ancienne dans le pays scandinave, prisée des personnes âgées et théorisée en 2017 par une auteure de 86 ans, Margareta Magnusson.

« Il s’agit de s’occuper de toutes les cochonneries que l’on va laisser derrière soi », explique-t-elle dans un entretien à l’AFP.

« S’occuper de ses affaires peut rappeler de bons souvenirs et si ce n’est pas le cas, débarrassez-vous-en ! », plaide-t-elle.

Pour sa fille Jane, 53 ans, la pratique est avant tout un soulagement pour les proches des défunts : « Tous ceux qui ont une vie active aimeraient avoir le moins d’affaires possible à gérer quand leurs parents ne sont plus là ».

« Je lui suis très reconnaissante pour le travail qu’elle a déjà accompli et je suis heureuse que le mouvement prenne dans le monde entier », s’enthousiasme-t-elle.

« On ne vit pas éternellement »

L’ouvrage de Margareta Magnusson, intitulé Le délicat art suédois du ménage de la mort, a été traduit dans de nombreuses langues. Il a même acquis le statut de « best seller » par le New York Times et fédère aujourd’hui une communauté active de 18 000 personnes sur Facebook.

Une blogueuse américaine, qui met en application ses préceptes, comptabilise plus de 3 millions de vues dans une vidéo en ligne.

En Suède, la pratique prend racine dans une tradition domestique ancienne.

« Il y a quarante ans, une voisine très âgée m’avait expliqué qu’elle allait faire ce ménage de la mort », se souvient Kristina Adolphson, ancienne actrice, elle aussi adepte du döstadning.

« Ça m’aide à réaliser qu’on ne vit pas éternellement », analyse-t-elle.

Pour Margareta Magnusson, c’est avant tout une particularité culturelle suédoise qui explique le phénomène : « La mort, on en a peur partout dans le monde, en Suède aussi bien sûr. Mais nous, on en parle ! »

Dans sa garde-robe, il ne reste plus que quelques vêtements. Son salon est, lui, encore peuplé de figurines d’animaux et de trolls.

« J’ai fait le nettoyage de la mort à de nombreuses reprises, mais il me reste encore pas mal de choses… On n’en finit jamais tout à fait », reconnaît-elle.