Honte. Sentiment de culpabilité. Impuissance. Sentiment d’abandon. Souffrances. Valérie Côté est passée par toute une gamme d’émotions avant d’avoir son garçon, à la suite de neuf fausses couches. Une nouvelle percée dans le monde de la génétique vient lui redonner espoir.

Valérie Côté et son conjoint Kevin Tremblay font partie des 2 à 5 % des couples touchés par les fausses couches récurrentes. On appelle fausses couches récurrentes les avortements spontanés qui se produisent plus de deux fois, le plus souvent au cours du premier trimestre de grossesse. « Dans notre cas, la cause était inconnue », raconte la mère de 41 ans.

C’est en 2005 que les deux amoureux se mettent à rêver à une famille. Ils étaient loin de se douter du parcours qui les attendait. « Après trois fausses couches, on a commencé à investiguer, dit Valérie Côté, résidante du Saguenay qui travaille en administration. On a fait des examens, des prises de sang, des tests, on a regardé du côté des hormones, on a essayé différents protocoles, et tous les résultats étaient normaux… mais on n’avait pas de bébé ! »

Les années passent et les mauvaises nouvelles s’enchaînent. En neuf ans, le couple vit neuf fausses couches. Mme Côté se met à se questionner, à douter et… à culpabiliser.

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Valérie Côté

Je me demandais : “Pourquoi moi ? Qu’est-ce que j’ai fait ?” Ça devient une source d’anxiété, de stress, d’isolement. Je suis allée chercher de l’aide psychologique. Et c’est dur sur le couple aussi.

Valérie Côté

Sa dixième grossesse sera la bonne. « Marc-Antoine est né en septembre 2014, en parfaite santé. C’est un vrai petit miracle ! », lance Mme Côté, qui mesure pleinement sa chance.

En fait, c’est cette reconnaissance qui l’a poussée à participer à une étude clinique du Centre universitaire de santé McGill. Les travaux de la Dre Rima Slim et de son équipe se concentrent, depuis deux ans, sur le séquençage génétique dit de nouvelle génération (car plus rapide et plus poussé). Ils ont abouti en juin dernier en démontrant qu’une mutation sur le gène CCNB3 de certains ovules serait à l’origine de la perte de l’embryon.

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La Dre Rima Slim

« Il y a une complexité dans les travaux liés aux fausses couches à répétition, car on ne sait jamais quelles sont les causes : cela peut être du côté de la femme, de l’homme, des deux, ou encore ce peut être lié à des facteurs environnementaux », explique la Dre Slim, professeure de génétique humaine et scientifique au sein du Programme en santé de l’enfant et en développement humain du Centre universitaire de santé McGill.

Selon elle, les couples vivent une « souffrance silencieuse » : comment expliquer qu’un couple en bonne santé ne puisse avoir d’enfant ?

Tout ce qui touche la reproduction, historiquement, touche à l’identité et l’intégrité de la personne. À chaque fausse couche, c’est la perte d’un rêve, d’un plan de vie, d’un projet de famille et de couple.

La Dre Rima Slim

En dévoilant la raison derrière les fausses couches récurrentes, la découverte de la Dre Slim apporte un grand soulagement, voire un apaisement chez les couples. « Quand on fait le séquençage génétique nouvelle génération, on peut découvrir si le gène CCNP3 est déficient, et on peut donc proposer une autre voie aux couples, comme un don d’ovule, et on peut le faire plus rapidement. Et on le sait, le temps compte en matière de reproduction et d’infertilité. »

Tous les cas de fausses couches récurrentes ne sont pas causés que par la génétique – la découverte de la Dre Rima Slim ne réglera donc pas tout, malheureusement. « Il n’en demeure pas moins que c’est l’une des causes, et juste pour cette raison, ça vaudrait la peine que le séquençage génétique soit toujours inclus dans la batterie de tests et d’examens que l’on fait passer aux couples, indique la Dre Slim. Même si cela explique la cause des fausses couches récurrentes pour une infime partie des couples, c’est un gain important, c’est un avancement. »

Valérie Côté, pour sa part, a accueilli cette nouvelle avec joie. « Ce qu’on veut, quand on est plongé dans cette spirale-là, c’est comprendre pourquoi, confie-t-elle. Non seulement cette nouvelle-là vient mettre un baume pour les couples, mais ça donne aussi de l’espoir. »

En chiffres

  • De 20 à 25 % des femmes sont touchées par une ou plusieurs fausses couches
  • De 80 à 85 % des grossesses sont normales après une fausse couche. Après deux, elles se déroulent bien dans une proportion de 60 à 75 % et après trois, de 55 %.

Source : Programme en santé de l’enfant et en développement humain de l’Institut de recherche du Centre universitaire de santé McGill