Le parcours d’Ana Nuñez Gonzalez est une ode à l’intégration. À l’été 2007, la Cubaine d’origine est arrivée au Québec avec des bases minimales en français. Aujourd’hui, elle fait la promotion du plaisir de lire dans la langue de Molière en tant que directrice de la bibliothèque municipale d’Amos, en Abitibi-Témiscamingue.

L’accueil que lui a réservé la population semble avoir contribué à son bonheur depuis son arrivée en poste, en 2019. « Quand on parle d’intégration dans une nouvelle culture, on peut investir plein d’argent pour des programmes d’aide, mais c’est les gens qui la font au quotidien, dit-elle. Quand nos collègues et nos voisins nous sourient au lieu de nous regarder bizarrement, ça fait toute la différence. »

En effet, rares sont ceux qui résistent à sa bonne humeur et à sa passion pour la littérature. Un feu dont elle a hérité à la naissance.

Toute ma famille lisait beaucoup. Quand mon père a pris sa retraite, il allait à la plage pour nager le matin et il lisait le reste de l’après-midi. Moi-même, toute petite, j’aimais beaucoup les livres.

Ana Nuñez Gonzalez, directrice de la bibliothèque municipale d’Amos

Il faut dire que la littérature est particulièrement célébrée au pays de Castro. « Puisque les revenus et le coût de la vie sont très bas, on peut faire ce que l’on veut dans la vie. Plusieurs personnes choisissent de vivre de leur plume. »

Elle parle d’une autre façon de voir la vie. « La réussite économique et matérielle n’a pas d’importance, parce que personne ne peut se vanter d’avoir une belle voiture ou une super maison. On célèbre la vie en famille, les amitiés, la littérature et les idées. »

Cette réalité n’a toutefois pas que des avantages. Avocate en couple avec un mathématicien, elle devait partager une maison de deux chambres avec leur fille et ses parents. « J’aime beaucoup mes parents, mais je voulais une maison pour ma famille et offrir quelque chose de mieux à ma fille. »

Direction : le Québec. Un choix motivé par son désir de refaire ses études en droit civil, un système qu’elle maîtrisait déjà, et son faible pour le français. « À Cuba, l’anglais est la langue de l’oppresseur, en raison de nos rapports avec les États-Unis. De toute façon, j’ai toujours adoré le français. »

De La Havane à Témiscaming

En 2007, Ana Nuñez Gonzalez est arrivée, avec sa fille, dans la petite ville de Témicasming, où son conjoint travaillait déjà. Après avoir perfectionné son français, elle a réalisé que ses chances d’être admise dans un programme de droit très contingenté étaient minces. Elle a donc choisi d’obtenir un certificat en administration, avant de travailler comme directrice du Musée de la gare.

Lorsque l’employeur de son conjoint a fermé, la petite famille est allée vivre à Montréal. Ana en a profité pour faire une maîtrise en sciences de l’information et pour travailler dans le réseau des bibliothèques.

Cinq ans plus tard, l’appel des régions s’est mis à résonner. Très fort. « J’avais du mal avec le bruit en ville, le trafic et les métros bondés. Les grands espaces me manquaient. Je cherchais une possibilité de revenir en région. Quand j’ai vu l’offre à la bibliothèque d’Amos, j’ai sauté sur l’occasion ! »

Petites villes de régions, pleines de possibilités

Elle encourage d’ailleurs les immigrants à privilégier les petites villes des régions. « On a toutes les portes ouvertes. J’ai eu mon premier emploi ici en remplaçant chez Desjardins, alors que je parlais peu français. Après mon certificat, j’ai été nommée directrice de musée. Grâce à ma maîtrise, je dirige une bibliothèque. Ces possibilités-là n’existent pas dans les grands centres. »

À ses yeux, la bibliothèque d’Amos est un carrefour de savoirs, un liant social et un espace favorisant l’intégration des immigrants.

On organise des visites avec la Société d’histoire pour faire découvrir l’histoire de la région et la bibliothèque aux nouveaux arrivants. Plusieurs d’entre eux ne savent pas qu’elle est ouverte à tous et gratuite. On développe aussi une petite collection d’ouvrages pour apprendre le français à partir de différentes langues.

Ana Nuñez Gonzalez

Dans l’avenir, elle souhaite multiplier les relations avec la culture locale. « Je veux qu’on offre des activités littéraires, des ateliers d’écriture et un club de lecture, mais aussi des ateliers de photo et différentes rencontres artistiques, afin que la bibliothèque devienne un centre vivant dans la communauté. »

Une façon pour que tous s’y sentent à la maison, peu importe d’où ils viennent.