Prendrez-vous le temps d’assister à la conférence « Trois temps nouveaux de la lenteur », organisée ce samedi dans le cadre du festival Metropolis bleu ? S’y exprimera un quatuor d’intervenants au sujet des modes de vie post-pandémiques se profilant à l’horizon, touchant notamment l’éducation, l’entrepreneuriat ou la culture. Parmi eux, le journaliste Carl Honoré, auteur du très marquant In Praise of Slow (Éloge de la lenteur). Comment le contexte actuel peut-il être relu ou remodelé à travers le prisme du ralentissement ? Le conférencier originaire d’Edmonton nous a répondu dans un français impeccable.

Autour de quoi tournera cette conférence ?

La thématique abordera la lenteur et ce qu’on a appris durant la pandémie par rapport au rythme de travail et à la maison. Cela touchera l’éducation, la santé, la productivité, la créativité, les enfants, etc. Dans la philosophie de la lenteur, on ne dit pas que tout doit se faire à pas de tortue, ce serait absurde, mais plutôt au rythme approprié, rapide ou lent, du moment que cela produit les meilleurs résultats. C’est une mentalité, celle de vivre pleinement, faire une chose à la fois, non le plus vite, mais le mieux possible. On la voit actuellement déclinée dans tous les secteurs : gastronomie, voyage, travail, mode.

Voyez-vous la pandémie comme une occasion de mettre durablement en application cette philosophie ?

Tout à fait. D’un côté, c’est un cauchemar absolu et c’est encore dur pour tout le monde, mais un aspect positif émerge : pendant 13 mois, nous avons eu une sorte de grand atelier de lenteur internationale, où on a été obligés de freiner, de courir moins. On est tous dans le même tourbillon, mais dans différents bateaux, et certains ont souffert ou n’ont pas eu l’occasion de ralentir. Mais nombre d’entre nous ont eu l’expérience de la signification d’être chez soi, prendre du recul, tomber dans la réflexion, expérimenter un peu l’ennui. On a vu un retour à des activités plus artisanales, plus lentes. En tant que conférencier, j’ai dû moi-même ralentir plus que je ne l’aurais souhaité. Je ne préconise pas que les gens n’aient pas de carrière, fassent moins de spectacles, de restos. Je veux que ces choses reviennent, mais avec un esprit slow, prenant en compte la solidarité et la santé, pas seulement le profit et la stimulation constante. Le temps de la pandémie est une grande leçon montrant qu’on est tous liés, c’est un autre message du mouvement slow. La culture de la vitesse est très égoïste, on se trouve enfermé dans son propre tunnel, tandis que la lenteur nous ouvre aux autres pour tisser des liens. Un apprentissage est en train de se faire.

Cet esprit de lenteur est-il compatible avec le capitalisme ?

Oui, bien sûr. La lenteur, pour moi, c’est une façon de réinventer le capitalisme. Celui que nous connaissons actuellement est un calice empoisonné, un faux dieu, n’existant que pour promouvoir la croissance économique. Il faudrait un système promouvant autre chose : la santé, la solidarité et le respect de l’environnement. Il y a plusieurs façons de réimaginer le capitalisme, mais pour moi, la philosophie slow fait partie de ce débat. De plus, un lien intime existe entre la bonne lenteur et la créativité : de grands artistes et penseurs de l’histoire l’ont toujours su. Tandis qu’un excès de vélocité ou de hâte nuit à la productivité : on fait des erreurs, on n’écoute pas, on ne comprend pas. Les entreprises qui embrassent l’attitude slow deviennent plus productives, créatives, performantes. Une étude du Harvard Business Review en arrive à cette conclusion. Les faits sont là. Le problème, c’est le tabou de la lenteur ; on a peur de ralentir même quand on sait que cela nous fera du bien.

Êtes-vous optimiste pour l’avenir ?

Très optimiste, sans être utopique. Les plaques tectoniques commencent à bouger, on en voit les effets avec beaucoup d’exemples, comme la déclaration de Joe Biden sur les nouvelles cibles environnementales pour 2030. On voyait des tendances avant la pandémie, avec une nouvelle génération qui remettait en question ce modèle de consommation et cherchait plutôt des expériences que des produits. Je pense qu’elles vont s’accentuer après la pandémie, car elle a souligné le besoin universel de changer le chemin que l’on suivait avant, qui nous menait à un désastre certain sur le plan climatique ou des injustices sociales. La pandémie nous donne l’espace pour tout réimaginer. Je ne peux pas le promettre, mais j’ai le sentiment que l’on ne va pas retourner à l’ancien régime.

Si vous deviez réécrire In Praise of Slow, paru en 2004, en regard du contexte actuel, y apporteriez-vous des changements ?

Je l’ai relu il y a deux ans, craignant qu’il soit complètement hors de propos, mais ce fut tout l’inverse. Je ne changerais rien, si ce n’est actualiser quelques exemples. Le contexte a changé, mais pas les principes. Les défis restent les mêmes, les solutions aussi.

Conférence « Trois temps nouveaux de la lenteur »
Avec Carl Honoré, Helen Antoniou, Katherine Nikidis, William St-Hilaire
Samedi 24 avril à 19 h
Gratuit
Bilingue français/anglais

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