Le bois, le feu, la nuit, les étoiles et la pluie. Ça change une vie, qu’on dit. Pour tous les campeurs en deuil cet été, la saison ayant été annulée, plusieurs se souviennent. Et se racontent.

Christian Simard, 49 ans

Camp du Collège de l’Assomption
Campeur de 1982 à 1984 Moniteur les étés de 1989 et 1990

C’est le « cliché » de tous les ex-moniteurs, mais c’est un fait : la vie de camp te forge pour la vie. Te marque. Et te construit. « Ça trace un chemin, je pense », confie Christian Simard, ex-moniteur et, de son propre aveu, toujours G. O. à ses heures. « C’est là que tu développes des valeurs qui, normalement, restent. Le respect, l’entraide, la collaboration, j’irais même jusqu’à dire la bonne humeur », dit-il, un petit sourire en coin, qui ne le quittera pas de l’entretien.

La bonne humeur, certes, sans oublier la persévérance, le goût du jeu, toutes sortes de choses toujours importantes dans la vie de celui qui est pourtant devenu assistant réalisateur. Un boulot bien différent en apparence, mais pas si loin en pratique. « Il y a de l’animation dans mon métier. Et j’essaye de le faire dans la bonne humeur ! »

PHOTO FOURNIE PAR CHRISTIAN SIMARD

Parlant d’animation, les animateurs se déguisaient tout le temps à l’époque… Christian Simard (à l’avant) et sa gang en Astérix !

Rencontré un matin au parc Laurier, il ne se fait pas prier pour se raconter. Les souvenirs, qui remontent à près de 40 ans pour certains, ne sont visiblement pas loin.

J’ai quoi, 12 ans ? Aller camper trois jours en canot, sans tente, sous une bâche, il pleut à siaux. Tout ce qu’on a à souper, c’est du jello chaud. Le lendemain, on mange des patates crues dans du beurre de peanuts…

Christian Simard

Oui, c’était « dégueulasse ». Mais quel souvenir impérissable. « Je ne sais pas si ça se fait encore aujourd’hui. À 11-12 ans, partir sans tente, avec des moniteurs de 17 ans ? Je comprends que ça ne se fasse plus. Je suis papa de deux. Moi-même, je suis plus craintif que je ne l’étais à l’époque ! » N’empêche. « Les enfants sont beaucoup plus capables qu’on pense. On les surprotège… » Et puis, c’est en vivant des aventures du genre qu’on prend conscience de toutes les « possibilités » de la nature. « Tu te rends compte que tu ne t’y ennuies pas. Pas besoin d’électronique. De télé. L’activité est un jeu. Installer un campement, la préparation, tout ça fait partie du jeu… »

Le « trip de gang »

De campeur, il n’a jamais été question qu’il ne soit pas ensuite moniteur. « Les moniteurs étaient tous des personnes merveilleuses. Et ça semblait donc le fun, ce trip de gang… », enchaîne-t-il.

« Une bulle », résume-t-il, paraphrasant Michel Rabagliati dans Paul a un travail d’été. « Il n’y a rien de plus serré. On oublie ce qui se passe à Montréal, et on se rend compte qu’on est pas mal autonomes. Le temps que ça dure, il n’y a rien de plus important que ce groupe. » Petit groupe qu’il voit encore aujourd’hui, faut-il le signaler. Souvenirs de déguisements, de blagues de peur, de chansons autour du feu (« tous les clichés ! ») inclus.

Paul a tout dit. Cette BD est à pleurer de vérité !

Christian Simard

Ce n’est que par après que Christian Simard a réalisé à quel point il avait fait rêver les enfants. Fait naître des « étoiles dans les yeux ». Pas le choix, quand on y pense : « T’es responsable de jeunes. T’as leur écoute. Veux, veux pas, tu deviens un meneur… » Un rôle qui a aussi donné une immense confiance en soi à un garçon de nature plutôt réservée. « Je suis sorti de là gonflé à bloc ! », confirme celui qui a ensuite animé Cégeps en spectacle à son collège, puis participé à la radio étudiante.

Pour cause : « Je me disais : je peux tout faire ! » Et comment penser autrement quand on est partis cinq jours dans le parc de La Vérendrye, qu’on a survécu à une tempête sur le lac Poulter (« et c’est de la vague ! »), monté un campement à la pluie battante, tout en gardant son sang-froid et sa bonne humeur légendaire ? « On ne partait pas avec des brûleurs ! Si tu ne fais pas de feu, tu manges des patates avec du beurre de peanuts ! »

PHOTO FOURNIE PAR CHRISTIAN SIMARD

Christian Simard (à gauche) dans sa hutte de luxe !

D’ailleurs, dit-il, « quand les campeurs partent, beaucoup pleurent. Nous autres aussi… »

Et s’il avait eu un été annulé, comme cette année ? « Je serais complètement déprimé. Vraiment découragé, répond-il sans hésiter. Mais quand tu es dedans, tu ne sais pas à quel point c’est déterminant dans ta vie. C’est après que tu t’en rends compte. Turning point, comme dit Paul… »