Spas, studios de yoga et autres centres voués au bien-être ne rouvriront peut-être pas de sitôt, si la distanciation physique continue d’être nécessaire. Comment survivre en attendant ? De quoi sera faite l’après-crise ? La Presse a interrogé des leaders de l’industrie au Québec, qui tentent, chacun à leur façon, de passer à travers la crise.

Dès le début du confinement, nombre de studios ont voulu être présents pour leur communauté et ont commencé à offrir des cours en ligne, souvent gratuitement. Mais les studios de yoga doivent survivre à la crise, comme les autres entreprises, et certains n’ont d’autres choix que d’évoluer vers une formule payante.

C’est le cas du studio de yoga Wanderlust, entreprise fondée par Geneviève Guérard et Erik Giasson, qui avait le vent dans les voiles avant la crise. Après avoir proposé, la première semaine, des cours gratuits, le studio a mis à son horaire deux classes payantes par jour.

« Cela fonctionne assez bien, nous avons environ la moitié des membres que nous avons normalement, mais on s’entend que nos revenus sont à 10-15 % de ce qu’on fait habituellement. On a beaucoup de frais, des infrastructures… Le trou continue de grossir », remarque M. Giasson.

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Erik Giasson, cofondateur du studio de yoga Wanderlust

On dit que c’est important d’acheter local ; c’est aussi important de soutenir nos studios locaux, et non pas les Yoga Glo de ce monde. Il ne faut pas qu’on soit oubliés.

Érik Giasson, cofondateur du studio de yoga Wanderlust

S’il est louable pour les studios d’offrir des classes gratuites, pour l’entrepreneur, cela « diminue la valeur de l’argent que les professeurs investissent dans leur formation et vient cannibaliser l’offre payante des autres ». « Je ne pense pas que ça rende service au yoga », ajoute-t-il.

Mélody Benhamou, présidente et fondatrice des populaires studios de yoga Idolem, est entièrement d’accord. « Dans un élan de générosité, plusieurs studios et professeurs se sont mis à offrir des cours gratuits. Pour moi, c’est niveler le marché vers le bas. »

Chez Idolem, dès le premier jour du confinement, les 13 studios ont proposé sur Zoom plusieurs classes par jour, avec des forfaits spéciaux. En tout, c’est 100 cours par semaine qui sont offerts, et la communauté est au rendez-vous : dans les studios les plus courus, une centaine de personnes par cours suivent simultanément les classes, note Mme Benhamou.

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Mélody Benhamou, présidente et fondatrice des studios Idolem

Nous essayons de transformer cette crise en opportunité et de faire preuve de résilience. Avec des prix plus bas pour les classes, on mise vraiment sur le volume pour pouvoir continuer à payer les loyers, les professeurs, les prêts… Le but est de survivre, en attendant de rouvrir.

Mélody Benhamou, présidente et fondatrice des studios de yoga Idolem

Les spas : éviter la dérive

Si les studios de yoga peuvent se rabattre sur le virtuel, difficile pour un spa d’en faire autant. Pas le choix de « se mettre en dormance pendant que la tempête passe », illustre Geneviève Émond, PDG du spa-sur-l’eau Bota Bota.

La stratégie ? Arriver à joindre sa communauté et offrir du contenu qui fait du bien, comme des capsules méditatives ou des campagnes porteuses d’espoir. Ainsi, le Bota Bota remet 10 % du montant des cartes-cadeaux achetées à la Fondation du CHUM. Du côté du Strøm Spa, la campagne « Vague de partage » — à l’achat d’une expérience thermale, une seconde est offerte à un être cher — a remporté un énorme succès « au-delà des attentes », nous apprend Guillaume Lemoine, président.

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Le Strøm Spa du Vieux-Québec

« Les gens ont vraiment accroché, notre vidéo a été vue plus de 1 million de fois. On appelait aussi les gens à témoigner de la façon dont ils trouvent l’équilibre et nous avons reçu plus de 1500 témoignages. C’est capoté ! »

Dès la fermeture des quatre sites, le président et son équipe ont été très proactifs. Plutôt que de mettre l’entièreté des 650 employés à pied, 75 personnes ont conservé leur emploi — 50 supplémentaires s’ajouteront bientôt. « J’ai mobilisé toute l’équipe et donné le mandat de trouver le plus de programmes possible pour aider nos employés et notre communauté à s’en sortir. »

Évidemment, le Strøm, qui connaissait une croissance de 20 % depuis un an, peut se le permettre, car il a les reins solides. Mais il n’est pas le seul. Depuis plusieurs semaines, M. Lemoine s’emploie d’ailleurs à convaincre des entrepreneurs québécois « qui ont les moyens » de ne pas mettre à pied 100 % de leur main-d’œuvre.

PHOTO FOURNIE PAR STRØM SPA

Guillaume Lemoine, président du Strøm Spa

On parle beaucoup du fossé qui se creuse entre les riches et les pauvres, c’est le temps de rééquilibrer tout ça, de partager. Je demande aux entrepreneurs qui ont les poches profondes de ne pas tout arrêter. J’en ai convaincu plusieurs de réembaucher du personnel.

Guillaume Lemoine, président du Strøm Spa et président de l’Association québécoise des spas

Imaginer l’après

Quand et comment les spas pourront-ils rouvrir leurs portes ? Pour l’instant, l’industrie fait face à l’inconnu. « On essaie de rester à l’affût afin de voir quelle sera notre nouvelle réalité, en regardant ce qui se passe ailleurs dans le monde. Dans un spa, les gens sont en maillot de bain, il y a de la proximité physique, des massages… », énumère Mme Émond.

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Le Bota Bota est en « dormance » le temps de passer à travers la tempête.

Est-ce que les massothérapeutes devront porter un masque ? Faudra-t-il réduire la capacité des spas ? Au Bota Bota, on peut accueillir jusqu’à 350 personnes à la fois, un chiffre qui, peut-être, devra être revu à la baisse. « Il faudra sans doute réinventer un peu notre bébé », constate Mme Émond.

Cela dit, les bains thermaux existent depuis des milliers d’années et ne sont pas près de disparaître, croit le président du Strøm, qui est également président de l’Association québécoise des spas.

Pour lui, c’est l’occasion pour l’industrie québécoise de s’améliorer. « On travaillait déjà à mettre de l’avant une certification indépendante, qui assure que tout soit adéquat et conforme, bien au-delà des normes, du côté des protocoles d’hygiène, du système de traitement d’eau… Il faut travailler à ce que les gens reprennent confiance », croit-il, ajoutant que les deux principaux produits pour aseptiser, utilisés dans les spas, soit le chlore et le peroxyde, sont efficaces pour contrer le coronavirus, qui ne peut pas survivre non plus dans les saunas à température élevée. « C’est une très bonne nouvelle pour notre industrie. »

Les studios de yoga risquent également de voir leur modèle d’affaires évoluer, avec une offre en ligne plus développée, alors que certains clients risquent de rester frileux à l’idée d’aller suer dans une salle bondée de monde. Autant chez Wanderlust que chez Idolem, on croit que l’offre virtuelle est là pour de bon.

PHOTO BENOIT ROBERGE, PHOTO FOURNIE PAR EXPO YOGA & BIEN-ÊTRE

Mélanie Brunet et Katrina Besner, fondatrices de l’événement Expo Yoga & bien-être

La crise est l’occasion de lancer de nouvelles initiatives. C’est le cas d’Expo Yoga & bien-être, un événement axé sur le bien-être qui a lieu une fois par année depuis 2016. « On avait dès le départ un objectif qu’on n’a jamais eu le temps de mettre en place, soit offrir des grandes classes virtuelles à l’année, avec des thématiques ciblées, des grandes séries », explique la cofondatrice Mélanie Brunet, alors que l’entreprise vient d’en lancer plusieurs sur sa plateforme web.

« Je pense que la situation actuelle va amener les gens à reformuler leur horaire, qu’un nouveau marché va s’ouvrir. Mais il y aura toujours le besoin de se ressourcer en personne, au contact des autres », conclut-elle.

> Consultez le site du studio de yoga Wanderlust

> Consultez le site du studio de yoga Idolem

> Consultez le site du spa Bota Bota

> Consultez le site du Strøm Spa

Consultez le site de Expo Yoga & bien-être