À la veille de ce qui semble être une deuxième vague de COVID-19, peut-on se permettre, comme société, de laisser les enfants récolter les bonbons de porte en porte le soir de l’Halloween ?

Les avis des experts divergent.

Pour l’épidémiologiste Kate Zinszer, professeure adjointe à l’École de santé publique de l’Université de Montréal, le jeu n’en vaut pas la chandelle, du moins dans les zones urbaines.

« Si on parle de Montréal, présentement, avec le contexte actuel, je pense que le niveau de risque est trop élevé pour prendre le risque de l’Halloween, estime-t-elle. Dans une telle situation, on ne peut pas tout avoir, il faut faire des choix. Et pour moi, la priorité, c’est d’avoir les enfants dans les écoles et de permettre aux gens de travailler. »

Christian L. Jacob, président de l’Association des microbiologistes du Québec, ne croit pas qu’on coure un risque démesuré en maintenant la tournée des bonbons, tout en l’adaptant afin de maintenir une distanciation entre les gens.

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Christian L. Jacob, président de l’Association des microbiologistes du Québec

Ce qui me préoccupe le plus, ce sont les partys d’Halloween entre adultes costumés. Mais pour ce qui est du porte-à-porte avec des enfants, quand on reste en famille restreinte à l’extérieur, je ne pense vraiment pas que ce soit un problème.

Christian L. Jacob, président de l’Association des microbiologistes du Québec

Aux yeux de Joanna Merckx, épidémiologiste et spécialiste en maladies infectieuses pédiatriques à l’Université McGill, tout dépend du contexte dans les différentes régions, voire les différents quartiers, tant sur le plan de l’achalandage (« les ruelles bondées, c’est trop ») que sur le nombre de cas à la fin du mois d’octobre, dit-elle.

« Si tu sais comment la route de transmission fonctionne, il y a des manières de le faire. Mais on parle des gens et des comportements humains – et c’est le côté qui est beaucoup plus compliqué ! dit Mme Merckx, également directrice des affaires médicales chez bioMérieux Canada. C’est une décision politique qui devrait être prise : on fait confiance aux gens ou on ne fait pas confiance aux gens. »

Au ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS), la ligne reste la même : oui, la fête de l’Halloween « aura lieu », mais il se peut qu’elle soit « un peu différente cette année ». Laissera-t-on les enfants faire du porte-à-porte ? « Il est trop tôt pour se prononcer sur la forme qu’aura l’Halloween cette année, nous écrit Marie-Louise Harvey, du service des relations avec les médias du MSSS. Les recommandations adéquates seront transmises prochainement par la Santé publique. »

Aux États-Unis, les Centers for Disease Control and Prevention (CDC) ont publié cette semaine des « considérations » pour l’Halloween, triant les activités en fonction du niveau de risque. Le porte-à-porte traditionnel, au cours duquel on tend les bonbons aux enfants, est jugé à « risque élevé ». Ils proposent une solution de rechange, à risque « modéré » : aligner les sacs de bonbons pour que les familles puissent les saisir en maintenant une distance, « comme au bout d’une allée ou au bout d’une cour ».

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La proposition d’une mère de Belœil

Les experts s’entendent sur un point : la distance est l’élément le plus important à considérer. Le mode de transmission le plus fréquent de la COVID-19 – (« et ça, c’est très clair », précise Joanna Merckx), ce sont les gouttelettes, qu’on projette quand on tousse, qu’on éternue ou qu’on parle. Contrairement aux aérosols, les gouttelettes sont assez lourdes pour tomber au sol sous l’effet de la gravité. La distance à plus haut risque est un mètre et moins ; c’est pourquoi on suggère aux gens de maintenir une distance de deux mètres entre eux.

Audrey Pelletier, mère de deux bambins, croit qu’il est possible d’organiser un porte-à-porte en maintenant ses distances. Sur son terrain de Belœil, en Montérégie, elle a déjà installé un parcours avec des flèches collées au sol à deux mètres de distance, « comme chez IGA ». Elle s’est procuré un tuyau de PVC, qu’elle a attaché à sa rampe d’escalier, et qui servira… de chute à bonbons !

  • Audrey Pelletier a installé chez elle un parcours avec des flèches collées au sol à deux mètres de distance. Elle s’est procuré un tuyau de PVC, qu’elle a attaché à sa rampe d’escalier, et qui servira… de chute à bonbons !

    PHOTO OLIVIER JEAN, LA PRESSE

    Audrey Pelletier a installé chez elle un parcours avec des flèches collées au sol à deux mètres de distance. Elle s’est procuré un tuyau de PVC, qu’elle a attaché à sa rampe d’escalier, et qui servira… de chute à bonbons !

  • Audrey Pelletier a installé chez elle un parcours avec des flèches collées au sol à deux mètres de distance. Elle s’est procuré un tuyau de PVC, qu’elle a attaché à sa rampe d’escalier, et qui servira… de chute à bonbons !

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    Audrey Pelletier a installé chez elle un parcours avec des flèches collées au sol à deux mètres de distance. Elle s’est procuré un tuyau de PVC, qu’elle a attaché à sa rampe d’escalier, et qui servira… de chute à bonbons !

  • Audrey Pelletier a installé chez elle un parcours avec des flèches collées au sol à deux mètres de distance. Elle s’est procuré un tuyau de PVC, qu’elle a attaché à sa rampe d’escalier, et qui servira… de chute à bonbons !

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    Audrey Pelletier a installé chez elle un parcours avec des flèches collées au sol à deux mètres de distance. Elle s’est procuré un tuyau de PVC, qu’elle a attaché à sa rampe d’escalier, et qui servira… de chute à bonbons !

  • Audrey Pelletier a installé chez elle un parcours avec des flèches collées au sol à deux mètres de distance. Elle s’est procuré un tuyau de PVC, qu’elle a attaché à sa rampe d’escalier, et qui servira… de chute à bonbons !

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    Audrey Pelletier a installé chez elle un parcours avec des flèches collées au sol à deux mètres de distance. Elle s’est procuré un tuyau de PVC, qu’elle a attaché à sa rampe d’escalier, et qui servira… de chute à bonbons !

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En publiant les photos de son installation sur les réseaux sociaux, Audrey Pelletier espère que le concept fera boule de neige. « Le Dr [Horacio] Arruda a mentionné qu’il y en aura une Halloween, mais on ne sait pas comment, rappelle-t-elle. Je me suis dit : peut-être que ça peut les influencer et les inviter à partir de cette idée pour la rendre encore meilleure. »

« Les enfants n’ont pas eu d’école le printemps dernier, pas eu de camps de jour, pas eu d’activités, rappelle-t-elle. Et l’Halloween est la seule fête qu’on célèbre à l’extérieur. »

Des précautions

Rester à l’extérieur est évidemment un avantage. « Si on a appris quelque chose, c’est que la ventilation et l’espace dans lequel et comment circule l’air, ça a un impact », explique Joanna Merckx. La circulation de l’air, dehors, permet aux gouttelettes de se disperser rapidement.

Christian Jacob souligne qu’un contact de proximité considéré comme à haut risque, c’est un contact à moins de 2 mètres pendant 10 à 15 minutes. « On ne parle pas de ça du tout avec l’Halloween », note-t-il. Car non, il ne suffit pas d’inhaler un seul virus pour développer l’infection : il faut être exposé à une charge virale suffisamment importante, rappelle le microbiologiste.

« Mais il faut rester prudents et prendre des précautions, enchaîne Christian L. Jacob, parce qu’on ne connaît pas tout sur la dynamique de l’infection encore. » Les directives sont celles qu’on connaît : les deux mètres de distance, le port du masque (surtout pour les adultes), le lavage des mains. Laisser les enfants à l’extérieur en tout temps (et non dans le cadre de porte) limite aussi les risques. « On peut se préparer un breuvage chaud, une belle chaise de camping et une petite table d’appoint et faire la distribution des bonbons à l’extérieur », propose Christian L. Jacob.


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Joanna Merckx

Est-ce qu’on doit, par exemple, donner les bonbons avec des gants et les laver avant de les manger parce qu’on peut avoir des transmissions par objet ? Non. Ça, c’est clair.

Joanna Merckx, épidémiologiste et spécialiste en maladies infectieuses pédiatriques à l’Université McGill

À ce jour, dit-elle, aucune preuve scientifique ne montre que des cas sont dus au fait que les gens aient touché le même objet. Avant d’emballer les sacs de bonbons, et après l’avoir fait, les CDC conseillent néanmoins de se laver les mains pendant 20 secondes.

Si la Santé publique fait le choix de permettre le porte-à-porte aux enfants, il faudra trouver des moyens de mieux répartir les enfants dans les rues, et peut-être d’étendre les heures auxquelles on passe l’Halloween (les petits en premier, les grands après ?), note Mme Merckx. Si des quartiers présentent des « éclosions incroyables », il vaudra peut-être mieux s’abstenir à ces endroits, dit-elle.

PHOTO ALAIN ROBERGE, LA PRESSE

Kate Zinszer

Kate Zinszer, pour sa part, doute qu’on soit assez disciplinés pour respecter les distances, le soir du 31. « Je vis dans une rue où passent entre 500 et 700 enfants, dit la résidante de la Rive-Sud de Montréal. C’est beaucoup d’enfants dans le même endroit. Est-ce que c’est moi qui vais gérer la distance entre chaque enfant ? Je ne veux pas gérer ça. Ça va être beaucoup trop de gestion pour… des bonbons. »

Des villes en attente

Les villes de Montréal, Longueuil et Laval attendent toutes les directives de la Santé publique avant de statuer sur la fête de l’Halloween. La Ville de Wakefield a déjà annoncé qu’elle annulait ses célébrations du 31 octobre. La municipalité près de Gatineau avait l’habitude de fermer des rues à la circulation pour y tenir une grande célébration, qu’elle juge trop risquée cette année.