Les beaux jours reviennent et, avec eux, l’importance d’avoir accès à un espace vert. S’asseoir sous un arbre, admirer les fleurs, pique-niquer sur l’herbe… Tout ça rend le confinement beaucoup plus tolérable. Mais encore faut-il posséder un jardin ou, si on vit en appartement ou en condo, habiter près d’un parc. Si l’accès aux espaces verts est une question d’équité environnementale et de justice sociale en temps normal, c’est encore plus vrai en temps de pandémie.

« Les gens ont besoin de prendre l’air », lance Philippe Apparicio, professeur au Centre Urbanisation culture société de l’INRS et titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur l’équité environnementale et la Ville.

On l’a constaté le week-end dernier alors que le mercure frôlait les 20 degrés, les parcs étaient remplis de gens qui souhaitaient s’évader d’entre leurs quatre murs.

Le chercheur, qui travaille entre autres sur les liens entre les espaces verts et la santé, note que l’accès à un parc est plus que jamais crucial en temps de confinement, et ce, pour toutes les générations. 

On sait que le parc procure un bien-être psychologique. À l’heure actuelle, ils sont super importants pour les ados, par exemple, car ils ne retourneront pas à l’école. Pour les personnes âgées aussi, car les parcs sont pour elles des lieux de socialisation.

Philippe Apparicio, professeur au Centre Urbanisation culture société de l’INRS et titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur l’équité environnementale et la Ville

Pour qu’un parc joue son rôle bénéfique, il doit être aménagé pour favoriser sa fréquentation et être équipé d’installations. Le parc parfait n’existe pas, mais certains critères peuvent faire une différence comme la proximité des installations – bancs, modules pour enfants, terrains de pétanque – qui favorisent les contacts intergénérationnels.

« L’accès au parc est une question d’équité environnementale et de justice sociale, ajoute le professeur Apariccio. Le confinement crée beaucoup de stress. Il est particulièrement problématique pour des familles qui vivent à plusieurs sous le même toit dans un espace réduit. »

Les enfants enfermés entre quatre murs ont besoin de bouger. Je regarderais la possibilité d’ouvrir certains modules de jeu. S’ils peuvent aller à l’école, ils peuvent jouer au parc.

Philippe Apparicio

Une visite au parc par semaine

On ne prescrit pas encore une visite au parc pour aller mieux, mais l’idée n’est pas complètement farfelue. En novembre 2019, 127 médecins québécois ont signé une lettre ouverte dans laquelle ils réclamaient un verdissement plus intensif des villes. « Selon des centaines d’études, écrivaient-ils, un verdissement urbain optimal, qui viserait 40 % de canopée plutôt que les 10 à 20 % actuels des quartiers centraux de nos villes, pourrait diminuer d’environ 39 % la prévalence du stress, de 7 % la prévalence de la dépression […] et de 10 à 20 % la mortalité générale prématurée. »

En Islande, depuis quelques semaines, le gouvernement recommande à ses citoyens d’embrasser un arbre pour combattre le blues du confinement. Au Japon, on connaît depuis longtemps les effets positifs du shinrin-yoku (une promenade ou un séjour en forêt) chez les gens qui souffrent des effets du stress.

Le Dr Robert Edward Whitley, chercheur en psychologie sociale à l’Université McGill, travaille entre autres sur les conditions de rétablissement des gens atteints de troubles de santé mentale. Il confirme que le contact avec la nature, et la végétation en général, est primordial. « Au centre Wellington de l’hôpital Douglas, dit-il, on offre des ateliers d’hortithérapie, soit la thérapie par l’horticulture. Les effets sont bénéfiques. » 

Dans une courte vidéo sur le sujet qu’il a produite avec son équipe, des personnes souffrant de troubles de santé mentale qui sont en processus de rétablissement confirment que la nature joue un rôle apaisant et ressourçant dans leur vie. « Il y a des organismes qui se spécialisent dans l’organisation de voyages de plein air pour les gens aux prises avec des problèmes de santé mentale et ça constitue le moment marquant de leur thérapie », note le chercheur.

Un accès inégal aux parcs

Si chacun d’entre nous peut bénéficier d’un contact avec la nature, encore faut-il pouvoir la trouver. Tout le monde n’a pas accès à un espace vert.

PHOTO PATRICK SANFAÇON, ARCHIVES LA PRESSE

L’accès à un parc est plus que jamais crucial en temps de confinement, et ce, pour toutes les générations.

À Montréal, par exemple, « près des deux tiers de la population [60 %] sont locataires et ne possèdent pas de jardin arrière », note Robert Beaudry, membre du comité exécutif de la Ville de Montréal et responsable des grands parcs.

Pour ces citoyens, l’accès à un parc est encore plus vital.

C’est d’ailleurs une des inégalités mises en lumière par l’éclosion du nombre de cas de COVID-19 à Montréal-Nord. C’est dans cet arrondissement, rappelait sa mairesse Christine Black la semaine dernière, qu’on trouve l’indice parc le plus bas à Montréal.

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, ARCHIVES LA PRESSE

C’est dans l’arrondissement de Montréal-Nord que l’indice parc est le plus bas.

L’indice parc, c’est la superficie de parcs municipaux en mètre carré par 1000 habitants. À Montréal-Nord, cette superficie est d’environ 5000. En comparaison, la moyenne montréalaise tourne autour de 24 000, alors qu’elle est d’environ 11 000 dans l’arrondissement d’Outremont, et de 19 000 dans l’arrondissement de Verdun, qui comprend l’Île-des-Sœurs.

« Plusieurs facteurs comme le développement industriel et urbanistique expliquent que certains quartiers soient défavorisés en termes d’espaces verts », note le responsable des grands parcs Robert Beaudry, qui rappelle que l’administration Plante a adopté un programme de verdissement des parcs locaux accompagné d’une somme de 57 millions dollars pour verdir davantage les quartiers de Montréal.

« Les populations défavorisées sont davantage touchées par les problèmes de santé », confirme pour sa part Mathieu Philibert, professeur à l’UQAM qui travaille entre autres sur les liens entre les espaces verts et la santé mentale.

Dans un contexte de confinement, il y a des gens qui sont exposés à davantage de stresseurs et qui disposent de moins de ressources pour y faire face. Or, ce sont ces populations qui, de manière générale, ont le moins accès aux parcs.

Mathieu Philibert, professeur à l’UQAM, travaillant sur les liens entre les espaces verts et la santé mentale

Quand on sait qu’une visite par semaine au parc peut diminuer de moitié le stress et l’anxiété, deux facteurs liés au risque de dépression, cet accès est d’autant plus vital.

« Il ne suffit pas de verdir la ville, souligne Robert Beaudry. Encore faut-il que les gens puissent se rendre dans les parcs. Prenez le parc du Cap–Saint-Jacques. Il est magnifique ! Mais si on n’a pas d’auto, on ne peut pas y aller. »

L’accès au parc est donc, aussi, un enjeu de mobilité, rappelle le responsable des grands parcs qui note qu’à Montréal-Nord, cela doit se traduire entre autres par le développement d’un réseau de pistes cyclables et de liaisons avec les espaces verts.